Michelines : Récits parallèles
Après avoir conquis public et critique, plus tôt cette saison, avec son spectacle solo Michelin présenté à la salle Fred-Barry (et qui sera repris dès le 13 mai par Duceppe), Michel-Maxime Legault retourne creuser la mine d’inspiration que constituent sa famille et son milieu rural d’origine. Plutôt que d’être à nouveau narrateur et personnage principal de son second opus, il scinde la pièce entre deux protagonistes – des femmes nées à une époque où les options professionnelles n’abondaient pas – dont les récits évoluent en parallèle. D’une part, le dramaturge et interprète parle de sa mère, Micheline, d’autre part, il laisse la parole à l’homonyme de celle-ci, tante de l’auteur, ici campée par Frédérike Bédard.
Malgré la truculence à la fois du personnage et de son incarnation, l’histoire de cette seconde Micheline, qui aime autant la course à pied que la nicotine, à qui son époux a préféré un homme et qui a guéri ses ulcères buccaux en crachant aux visages des membres de son entourage tout le fiel qu’ils lui inspiraient, s’arrime plus ou moins harmonieusement aux observations relatées par Legault sur sa mère, sa famille et sa propre jeunesse avec ce mélange si fin d’humour, de lucidité et de profonde tendresse qu’on lui connaît. Ces allers-retours non seulement entre les deux figures féminines opposées, mais aussi entre les deux formes d’énonciation provoquent à plusieurs reprises des ruptures tonales et narratives qui rendent plus ardu de s’abandonner au récit ainsi qu’à la représentation imaginaire que l’on se fait des héros et héroïnes des anecdotes racontées. Là où cette approche fonctionne le mieux, néanmoins, c’est lorsque le jeu et le texte de l’une répondent directement aux propos tenus par l’autre.
On ne peut qu’attendre avec impatience de voir ce que deviendra, après cette première mouture, ce sympathique hommage aux Michelines, femmes « en voie d’extinction » portant fièrement « cheveux auburn » et « sourcils dessinés », qui gagnera certainement en raffinement, en fluidité, en équilibre et, de là, en succulence.
Texte : Michel-Maxime Legault. Mise en scène : Marie-Hélène Gendreau. Avec Michel-Maxime Legault et Frédérike Bédard. Présentée à l’occasion du Festival du Jamais Lu au Théâtre Aux Écuries le 8 mai 2025.
L’affaire Magnolia : Fronder pour une plus équitable frondaison
Forte du succès de sa première pièce, Bénévolat, proposée l’an dernier à la Licorne, qui sera transposée au grand écran et qui a valu à son autrice le Prix Gratien-Gélinas, Maud de Palma-Duquet s’intéresse à nouveau au spectre fertile des rencontres entre individus issus de classes sociales distinctes. Ici, plutôt qu’un duo, toute une galerie de personnages (incarnés avec un plaisir contagieux par les lecteurs et lectrices réuni·es sous la houlette habile de Rose-Anne Déry) s’échinent à faire triompher leurs valeurs et intérêts respectifs.
Une mère bourgeoise ne recule devant ni la subornation, ni le chantage, ni la duperie pour effacer les méfaits commis par son fils adolescent au collège d’élite qu’il fréquente afin qu’il n’en soit pas excommunié; celui-ci se retrouve, par hasard, au cœur d’un mouvement qui revendique le verdissement des secteurs hautement minéralisés de la ville en abattant des arbres des quartiers aisés; son comparse, issu d’un milieu plus modeste, rêve à la gloire que pourrait lui apporter le fait d’être ainsi à l’origine d’un virage écologique salvateur, tandis que sa cousine, qui exorcise de cette manière la colère que génèrent en elle les iniquités sociales (et le décès de sa grand-mère qui en a résulté), tend à se radicaliser. Et c’est sans compter le ministre retors et le directeur du collège obséquieux qui complètent le tableau.
Les chassés-croisés entre ces figures colorées, percluses de tares, mais néanmoins assez richement constituées pour être crédibles se révèlent si adroitement chorégraphiés qu’ils tissent une toile narrative solide. Certes un peu longue, la pièce parvient à conserver l’intérêt du public grâce non seulement à cette histoire joliment ficelée, mais aussi vu la vivacité des répliques, rarement tout à fait exemptes d’un humour tantôt satirique, tantôt cynique, faisant implacablement mouche à l’occasion de cette réjouissante lecture.
Texte : Maud de Palma-Duquet. Mise en scène : Rose-Anne Déry. Dramaturgie : Paul Lefebvre. Avec Neil Elias Abdelwahab, Paul Ahmarani, Vicky Bertrand, Camille Massicotte, Thomas Derasp-Verge, Sébastien René et Catherine Trudeau. Présentée à l’occasion du Festival du Jamais Lu au Théâtre Aux Écuries le 9 mai 2025.
Michelines : Récits parallèles
Après avoir conquis public et critique, plus tôt cette saison, avec son spectacle solo Michelin présenté à la salle Fred-Barry (et qui sera repris dès le 13 mai par Duceppe), Michel-Maxime Legault retourne creuser la mine d’inspiration que constituent sa famille et son milieu rural d’origine. Plutôt que d’être à nouveau narrateur et personnage principal de son second opus, il scinde la pièce entre deux protagonistes – des femmes nées à une époque où les options professionnelles n’abondaient pas – dont les récits évoluent en parallèle. D’une part, le dramaturge et interprète parle de sa mère, Micheline, d’autre part, il laisse la parole à l’homonyme de celle-ci, tante de l’auteur, ici campée par Frédérike Bédard.
Malgré la truculence à la fois du personnage et de son incarnation, l’histoire de cette seconde Micheline, qui aime autant la course à pied que la nicotine, à qui son époux a préféré un homme et qui a guéri ses ulcères buccaux en crachant aux visages des membres de son entourage tout le fiel qu’ils lui inspiraient, s’arrime plus ou moins harmonieusement aux observations relatées par Legault sur sa mère, sa famille et sa propre jeunesse avec ce mélange si fin d’humour, de lucidité et de profonde tendresse qu’on lui connaît. Ces allers-retours non seulement entre les deux figures féminines opposées, mais aussi entre les deux formes d’énonciation provoquent à plusieurs reprises des ruptures tonales et narratives qui rendent plus ardu de s’abandonner au récit ainsi qu’à la représentation imaginaire que l’on se fait des héros et héroïnes des anecdotes racontées. Là où cette approche fonctionne le mieux, néanmoins, c’est lorsque le jeu et le texte de l’une répondent directement aux propos tenus par l’autre.
On ne peut qu’attendre avec impatience de voir ce que deviendra, après cette première mouture, ce sympathique hommage aux Michelines, femmes « en voie d’extinction » portant fièrement « cheveux auburn » et « sourcils dessinés », qui gagnera certainement en raffinement, en fluidité, en équilibre et, de là, en succulence.
Michelines
Texte : Michel-Maxime Legault. Mise en scène : Marie-Hélène Gendreau. Avec Michel-Maxime Legault et Frédérike Bédard. Présentée à l’occasion du Festival du Jamais Lu au Théâtre Aux Écuries le 8 mai 2025.
L’affaire Magnolia : Fronder pour une plus équitable frondaison
Forte du succès de sa première pièce, Bénévolat, proposée l’an dernier à la Licorne, qui sera transposée au grand écran et qui a valu à son autrice le Prix Gratien-Gélinas, Maud de Palma-Duquet s’intéresse à nouveau au spectre fertile des rencontres entre individus issus de classes sociales distinctes. Ici, plutôt qu’un duo, toute une galerie de personnages (incarnés avec un plaisir contagieux par les lecteurs et lectrices réuni·es sous la houlette habile de Rose-Anne Déry) s’échinent à faire triompher leurs valeurs et intérêts respectifs.
Une mère bourgeoise ne recule devant ni la subornation, ni le chantage, ni la duperie pour effacer les méfaits commis par son fils adolescent au collège d’élite qu’il fréquente afin qu’il n’en soit pas excommunié; celui-ci se retrouve, par hasard, au cœur d’un mouvement qui revendique le verdissement des secteurs hautement minéralisés de la ville en abattant des arbres des quartiers aisés; son comparse, issu d’un milieu plus modeste, rêve à la gloire que pourrait lui apporter le fait d’être ainsi à l’origine d’un virage écologique salvateur, tandis que sa cousine, qui exorcise de cette manière la colère que génèrent en elle les iniquités sociales (et le décès de sa grand-mère qui en a résulté), tend à se radicaliser. Et c’est sans compter le ministre retors et le directeur du collège obséquieux qui complètent le tableau.
Les chassés-croisés entre ces figures colorées, percluses de tares, mais néanmoins assez richement constituées pour être crédibles se révèlent si adroitement chorégraphiés qu’ils tissent une toile narrative solide. Certes un peu longue, la pièce parvient à conserver l’intérêt du public grâce non seulement à cette histoire joliment ficelée, mais aussi vu la vivacité des répliques, rarement tout à fait exemptes d’un humour tantôt satirique, tantôt cynique, faisant implacablement mouche à l’occasion de cette réjouissante lecture.
L’affaire Magnolia
Texte : Maud de Palma-Duquet. Mise en scène : Rose-Anne Déry. Dramaturgie : Paul Lefebvre. Avec Neil Elias Abdelwahab, Paul Ahmarani, Vicky Bertrand, Camille Massicotte, Thomas Derasp-Verge, Sébastien René et Catherine Trudeau. Présentée à l’occasion du Festival du Jamais Lu au Théâtre Aux Écuries le 9 mai 2025.