On n’aurait pu rêver plus belle soirée pour clore le Festival TransAmériques. Les gradins du Théâtre de Verdure, au Parc Lafontaine, étaient pleins à craquer, et le public, réceptif et vibrant, baignait dans une ambiance chaude et électrique. C’est un souffle venu d’Afrique (du Burkina Faso, plus précisément) qui a traversé la scène : une jeunesse en mouvement, une pluralité culturelle éclatante, porteuse d’un nouveau « vivre ensemble ».
Le spectacle donnait à voir — et à ressentir — un monde en mutation. D’un côté, l’ancien monde, figé dans la rigueur, l’autorité et l’hégémonie des figures blanches et masculines; de l’autre, un monde en devenir, organique, libre, pulsant au rythme d’un beat ancré dans la terre, proche du carnaval, empreint d’urgence et de prophétie. Un élan collectif vers une société plus respirante, plus vivante. C’était l’intention projetée.
Avec C la vie, Serge Aimé Coulibaly et sa compagnie Faso Danse Théâtre livrent un spectacle vibrant, nerveux et résolument vivant, où la musique côtoie l’oralité. Sur scène, l’énergie est palpable : les corps électrisés des interprètes traduisent une urgence, un cri lancé à travers le mouvement. La proposition est forte, frontale, presque impérieuse.
Carrefour entre la rave, la discothèque et le studio de danse africaine, ce spectacle nous entraîne dans une expérience plus sensorielle que cérébrale, une représentation d’une société portée par la rage de vivre. D’emblée, on sent que quelque chose se joue ici, que le geste chorégraphique cherche à saisir le monde, à le secouer — ou du moins à l’interroger.
Pourtant, cette intensité s’émousse au fil de la représentation. Passé un certain point, l’élan initial semble s’essouffler, comme si la tension dramatique peinait à se renouveler. Le propos, bien que chargé symboliquement, ne suffit pas à créer une narration en profondeur et à habiter complètement le vaste espace. Le spectacle donne alors l’impression de stagner, comme s’il tournait en rond dans ses propres images.
Le mur des archétypes
Fort heureusement, des éléments artistiques viennent sauver la mise. L’intervention d’une griotte ponctue le spectacle d’un cri prophétique, puissamment transmis par la chanteuse Niaka Sacko. Il y a aussi le quatrième mur qui se brise, au moment où l’un des danseurs saute hors de la scène et s’immerge carrément dans le ruisseau devant la scène, pour aller à la rencontre du public. Un moment heureux, qui permet à l’œuvre d’éviter l’implosion.
Il est possible, bien sûr, que ce soit le regard du spectateur — le mien — qui manque de certains repères pour en saisir toutes les nuances. Mais malgré toute ma bonne volonté, je n’ai pu m’empêcher de ressentir une forme de distance. Les images — puissantes — de l’Afrique contemporaine, juxtaposées à des évocations fantomatiques du colonialisme, finissent par produire un effet de saturation. À force de vouloir tout dire, tout montrer, le spectacle tend à figer des représentations complexes dans des archétypes trop lisibles, voire un peu réducteurs.
Cela dit, plusieurs éléments de mise en scène et d’interprétation méritent d’être salués. La qualité de la danse, d’abord, est indéniable : les interprètes sont habités, engagés, d’une présence rare. Certaines scènes laissent une impression durable, tant par leur beauté plastique que par leur force émotionnelle. La scénographie et la musique participent aussi de cette impression d’un spectacle généreux, physique, habité d’un désir d’expression total.
En somme, C la vie est une œuvre ambitieuse, portée par une énergie vitale et un désir ardent de dire le monde. Si la cohérence dramaturgique se dilue par moments, il n’en reste pas moins une expérience scénique marquante, qui laisse le spectateur secoué, interrogé, parfois désarçonné — mais certainement pas indifférent. Et la somme de toutes ces explosions d’énergie, au final, nous enveloppe dans un sentiment que notre monde est beau, malgré (et même avec !) ses zones d’ombre, ses fantômes et ses monstres.
Chorégraphie : Serge Coulibaly. Interprètes : Guilherm Chatir, Arsène Etaba, Jean Robert Koudogbo Kiki, Ida Faho, Bibata Maiga, Djibril Ouattara, Angela Rabaglio, Niaka Sacho, Yvan Talbot. Musique : Yvan Talbot « Doogoo » DL. Dramaturgie : Sara Vanderieck. Assistance artistique : Hanna El Fakir. Éclairages : Emily Brassier. Direction artistique, scénographie, costumes et vidéo : Ève Martin. Présenté au Théâtre de Verdure du Parc Lafontaine, dans le cadre du Festival TransAmériques, les 4 et 5 juin 2025.
On n’aurait pu rêver plus belle soirée pour clore le Festival TransAmériques. Les gradins du Théâtre de Verdure, au Parc Lafontaine, étaient pleins à craquer, et le public, réceptif et vibrant, baignait dans une ambiance chaude et électrique. C’est un souffle venu d’Afrique (du Burkina Faso, plus précisément) qui a traversé la scène : une jeunesse en mouvement, une pluralité culturelle éclatante, porteuse d’un nouveau « vivre ensemble ».
Le spectacle donnait à voir — et à ressentir — un monde en mutation. D’un côté, l’ancien monde, figé dans la rigueur, l’autorité et l’hégémonie des figures blanches et masculines; de l’autre, un monde en devenir, organique, libre, pulsant au rythme d’un beat ancré dans la terre, proche du carnaval, empreint d’urgence et de prophétie. Un élan collectif vers une société plus respirante, plus vivante. C’était l’intention projetée.
Avec C la vie, Serge Aimé Coulibaly et sa compagnie Faso Danse Théâtre livrent un spectacle vibrant, nerveux et résolument vivant, où la musique côtoie l’oralité. Sur scène, l’énergie est palpable : les corps électrisés des interprètes traduisent une urgence, un cri lancé à travers le mouvement. La proposition est forte, frontale, presque impérieuse.
Carrefour entre la rave, la discothèque et le studio de danse africaine, ce spectacle nous entraîne dans une expérience plus sensorielle que cérébrale, une représentation d’une société portée par la rage de vivre. D’emblée, on sent que quelque chose se joue ici, que le geste chorégraphique cherche à saisir le monde, à le secouer — ou du moins à l’interroger.
Pourtant, cette intensité s’émousse au fil de la représentation. Passé un certain point, l’élan initial semble s’essouffler, comme si la tension dramatique peinait à se renouveler. Le propos, bien que chargé symboliquement, ne suffit pas à créer une narration en profondeur et à habiter complètement le vaste espace. Le spectacle donne alors l’impression de stagner, comme s’il tournait en rond dans ses propres images.
Le mur des archétypes
Fort heureusement, des éléments artistiques viennent sauver la mise. L’intervention d’une griotte ponctue le spectacle d’un cri prophétique, puissamment transmis par la chanteuse Niaka Sacko. Il y a aussi le quatrième mur qui se brise, au moment où l’un des danseurs saute hors de la scène et s’immerge carrément dans le ruisseau devant la scène, pour aller à la rencontre du public. Un moment heureux, qui permet à l’œuvre d’éviter l’implosion.
Il est possible, bien sûr, que ce soit le regard du spectateur — le mien — qui manque de certains repères pour en saisir toutes les nuances. Mais malgré toute ma bonne volonté, je n’ai pu m’empêcher de ressentir une forme de distance. Les images — puissantes — de l’Afrique contemporaine, juxtaposées à des évocations fantomatiques du colonialisme, finissent par produire un effet de saturation. À force de vouloir tout dire, tout montrer, le spectacle tend à figer des représentations complexes dans des archétypes trop lisibles, voire un peu réducteurs.
Cela dit, plusieurs éléments de mise en scène et d’interprétation méritent d’être salués. La qualité de la danse, d’abord, est indéniable : les interprètes sont habités, engagés, d’une présence rare. Certaines scènes laissent une impression durable, tant par leur beauté plastique que par leur force émotionnelle. La scénographie et la musique participent aussi de cette impression d’un spectacle généreux, physique, habité d’un désir d’expression total.
En somme, C la vie est une œuvre ambitieuse, portée par une énergie vitale et un désir ardent de dire le monde. Si la cohérence dramaturgique se dilue par moments, il n’en reste pas moins une expérience scénique marquante, qui laisse le spectateur secoué, interrogé, parfois désarçonné — mais certainement pas indifférent. Et la somme de toutes ces explosions d’énergie, au final, nous enveloppe dans un sentiment que notre monde est beau, malgré (et même avec !) ses zones d’ombre, ses fantômes et ses monstres.
C la vie
Chorégraphie : Serge Coulibaly. Interprètes : Guilherm Chatir, Arsène Etaba, Jean Robert Koudogbo Kiki, Ida Faho, Bibata Maiga, Djibril Ouattara, Angela Rabaglio, Niaka Sacho, Yvan Talbot. Musique : Yvan Talbot « Doogoo » DL. Dramaturgie : Sara Vanderieck. Assistance artistique : Hanna El Fakir. Éclairages : Emily Brassier. Direction artistique, scénographie, costumes et vidéo : Ève Martin. Présenté au Théâtre de Verdure du Parc Lafontaine, dans le cadre du Festival TransAmériques, les 4 et 5 juin 2025.