Manual : Tours de mains
Le public québécois n’a pas souvent l’occasion d’entrer en contact avec les arts vivants uruguayens. Avec la proposition de la compagnie montévidéenne Ciriolis Teatro de objetos, spectacle d’ouverture de la 18e édition du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay (FIAMS), la question de la langue ne se pose pas puisqu’il s’agit d’une production sans paroles. Celle-ci porte d’ailleurs fort pertinemment son titre, Manual, car les six mains des trois artistes se révèlent les personnages de toutes les saynètes. Celles-ci s’enfilent, plus ou moins disparates, laissant spectateurs et spectatrices ébloui·es par la forme, mais perplexes quant au fond.
L’effet le plus saisissant que parviennent à produire les marionnettistes est de créer un visage (humain ou simiesque ?) en assemblant paumes, doigts et poings. Ce crâne se décompose à de multiples reprises et de moult manières, puis se recompose. Ce personnage atypique va même jusqu’à consulter son téléphone. Une autre scène voit les mains de Maru Fernández, Gerardo Martinez et Cecilia Bruzzone se transmuer en vieillard·es qui balaient leur porche en s’assurant que ne leur échoit pas un seul grain de poussière dont la charge devrait incomber à leur voisin.
Ces échanges s’avèrent amusants, mais n’ont pas la force visuelle du début du spectacle. Quelques jolies chorégraphies « manuelles » complètent ce tableau, qui aurait pu, peut-être, se révéler une allégorie de la puissance ou de la créativité que l’on génère en s’unissant, mais qui demeure pourtant disloqué, une œuvre dont le manque de cohésion empêche le sens d’émerger pleinement.
Texte et interprétation : Maru Fernández, Gerardo Martinez et Cecilia Bruzzone. Mise en scène : Maru Fernández et Gerardo Martinez. Conception : Mariana Dosil, Lucia Tayler, Maru Fernández, Leandro et Nicolás Caridad. Une production de Coriolis Teatro de objetos, présentée, à l’occasion du FIAMS, à la salle Pierrette-Gaudreault du Centre culturel Mont Jacob du 22 au 24 juillet 2025.
La nuit du caribou : Recherche de l’autre, découverte de soi
C’est une proposition bien singulière que ce spectacle du Théâtre de la Petite Marée. Si la morale de ce conte moderne sur la cohabitation disharmonieuse entre l’être humain et la faune, en plus d’apparaître des plus limpides, ne peut être qualifiée d’inédite, l’esthétique de la production lui assure une unicité appréciable. On y retrouve des figures hybrides ou convoquant le fantastique dans leur représentation, comme les deux héros. La tête du jeune garçon Moi-Moi, qui parcourt la forêt dans l’espoir d’y voir des caribous — animal s’étant retiré du voisinage humain au rythme de la déforestation et de la colonisation de la nature — se termine par des branches.
Il rencontre un caribou — sans que ni le principal intéressé ni l’explorateur en herbe ne sache qu’il appartient à cette espèce — à la recherche de ses parents. Le faciès du cervidé s’avère d’un réalisme bédéesque, tandis que son corps est constitué d’une suite d’os recourbés. La narratrice, Grand-mère Asclépiade, mi-élément naturel mi-esprit, apparaît sous les traits d’une créature tenant tant du serpent que du mille-pattes, qui semble aussi composée d’ossements.
Ces choix stylistiques, alliés aux éclairages sombres évoquant la nuit et aux sinueuses racines grisâtres qui ornent le sol, confèrent un caractère ténébreux, voire presque gothique à l’ensemble, qu’on ne voit que très rarement en théâtre jeunesse. Or, on destine cette production à un auditoire de 5 ans et plus. Ce qui fait qu’elle puisse effectivement prétendre à un spectre d’âges aussi large, c’est qu’à cette esthétique un brin lugubre s’oppose le ton du texte de Marie-Hélène Larose-Truchon, un amalgame de douceur, de poésie et d’humour, ainsi que le jeu dynamique des interprètes. Car il et elles non seulement ne se tapissent pas dans l’ombre de leur marionnette, mais sont partie prenante du tableau, se costumant parfois à vue ou s’exprimant avec la voix d’un personnage marionnettique sans que celui-ci soit encore ou déjà sur scène. Un parti pris, encore une fois, assez inusité, qui pourrait rompre la magie de la narration, mais y ajoute plutôt du piquant. Notons que Jéremy Desbiens, aux rênes de Vite-Vite, offre une performance à la physicalité impressionnante et à la drôlerie bien dosée qui contribue considérablement au charme indéniable de La nuit du caribou.
Texte : Marie-Hélène Larose-Truchon. Mise en scène : Francis Richard, en collaboration avec Emmanuel Calvé. Dramaturgie : Daniel Danis. Marionnettes et mouvements : Emmanuel Calvé. Scénographie : Adam Provencher. Costumes : Jessica Poirier-Chang. Musique : Guillaume Arsenault. Éclairages : Cyril Bussy. Avec Catherine Allard, Jéremy Desbiens et Caroline Bélanger. Une production du Théâtre la Petite Marée, présentée, à l’occasion du FIAMS, au Petit Théâtre de l’UQAC les 23 et 24 juillet 2025.
Manual : Tours de mains
Le public québécois n’a pas souvent l’occasion d’entrer en contact avec les arts vivants uruguayens. Avec la proposition de la compagnie montévidéenne Ciriolis Teatro de objetos, spectacle d’ouverture de la 18e édition du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay (FIAMS), la question de la langue ne se pose pas puisqu’il s’agit d’une production sans paroles. Celle-ci porte d’ailleurs fort pertinemment son titre, Manual, car les six mains des trois artistes se révèlent les personnages de toutes les saynètes. Celles-ci s’enfilent, plus ou moins disparates, laissant spectateurs et spectatrices ébloui·es par la forme, mais perplexes quant au fond.
L’effet le plus saisissant que parviennent à produire les marionnettistes est de créer un visage (humain ou simiesque ?) en assemblant paumes, doigts et poings. Ce crâne se décompose à de multiples reprises et de moult manières, puis se recompose. Ce personnage atypique va même jusqu’à consulter son téléphone. Une autre scène voit les mains de Maru Fernández, Gerardo Martinez et Cecilia Bruzzone se transmuer en vieillard·es qui balaient leur porche en s’assurant que ne leur échoit pas un seul grain de poussière dont la charge devrait incomber à leur voisin.
Ces échanges s’avèrent amusants, mais n’ont pas la force visuelle du début du spectacle. Quelques jolies chorégraphies « manuelles » complètent ce tableau, qui aurait pu, peut-être, se révéler une allégorie de la puissance ou de la créativité que l’on génère en s’unissant, mais qui demeure pourtant disloqué, une œuvre dont le manque de cohésion empêche le sens d’émerger pleinement.
Manual
Texte et interprétation : Maru Fernández, Gerardo Martinez et Cecilia Bruzzone. Mise en scène : Maru Fernández et Gerardo Martinez. Conception : Mariana Dosil, Lucia Tayler, Maru Fernández, Leandro et Nicolás Caridad. Une production de Coriolis Teatro de objetos, présentée, à l’occasion du FIAMS, à la salle Pierrette-Gaudreault du Centre culturel Mont Jacob du 22 au 24 juillet 2025.
La nuit du caribou : Recherche de l’autre, découverte de soi
C’est une proposition bien singulière que ce spectacle du Théâtre de la Petite Marée. Si la morale de ce conte moderne sur la cohabitation disharmonieuse entre l’être humain et la faune, en plus d’apparaître des plus limpides, ne peut être qualifiée d’inédite, l’esthétique de la production lui assure une unicité appréciable. On y retrouve des figures hybrides ou convoquant le fantastique dans leur représentation, comme les deux héros. La tête du jeune garçon Moi-Moi, qui parcourt la forêt dans l’espoir d’y voir des caribous — animal s’étant retiré du voisinage humain au rythme de la déforestation et de la colonisation de la nature — se termine par des branches.
Il rencontre un caribou — sans que ni le principal intéressé ni l’explorateur en herbe ne sache qu’il appartient à cette espèce — à la recherche de ses parents. Le faciès du cervidé s’avère d’un réalisme bédéesque, tandis que son corps est constitué d’une suite d’os recourbés. La narratrice, Grand-mère Asclépiade, mi-élément naturel mi-esprit, apparaît sous les traits d’une créature tenant tant du serpent que du mille-pattes, qui semble aussi composée d’ossements.
Ces choix stylistiques, alliés aux éclairages sombres évoquant la nuit et aux sinueuses racines grisâtres qui ornent le sol, confèrent un caractère ténébreux, voire presque gothique à l’ensemble, qu’on ne voit que très rarement en théâtre jeunesse. Or, on destine cette production à un auditoire de 5 ans et plus. Ce qui fait qu’elle puisse effectivement prétendre à un spectre d’âges aussi large, c’est qu’à cette esthétique un brin lugubre s’oppose le ton du texte de Marie-Hélène Larose-Truchon, un amalgame de douceur, de poésie et d’humour, ainsi que le jeu dynamique des interprètes. Car il et elles non seulement ne se tapissent pas dans l’ombre de leur marionnette, mais sont partie prenante du tableau, se costumant parfois à vue ou s’exprimant avec la voix d’un personnage marionnettique sans que celui-ci soit encore ou déjà sur scène. Un parti pris, encore une fois, assez inusité, qui pourrait rompre la magie de la narration, mais y ajoute plutôt du piquant. Notons que Jéremy Desbiens, aux rênes de Vite-Vite, offre une performance à la physicalité impressionnante et à la drôlerie bien dosée qui contribue considérablement au charme indéniable de La nuit du caribou.
La nuit du caribou
Texte : Marie-Hélène Larose-Truchon. Mise en scène : Francis Richard, en collaboration avec Emmanuel Calvé. Dramaturgie : Daniel Danis. Marionnettes et mouvements : Emmanuel Calvé. Scénographie : Adam Provencher. Costumes : Jessica Poirier-Chang. Musique : Guillaume Arsenault. Éclairages : Cyril Bussy. Avec Catherine Allard, Jéremy Desbiens et Caroline Bélanger. Une production du Théâtre la Petite Marée, présentée, à l’occasion du FIAMS, au Petit Théâtre de l’UQAC les 23 et 24 juillet 2025.