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Espace Libre dévoile sa nouvelle saison en deux séries

© Fatine-Violette Sabiri

Le théâtre montréalais de Centre-Sud Espace Libre a présenté ce mardi sa nouvelle programmation, la deuxième signée par le directeur artistique et codirecteur général Félix-Antoine Boutin. Elle s’articule autour de deux séries : Absence (de septembre à décembre) et Mon village (de janvier à avril).

Depuis la saison dernière, Espace Libre construit en effet son calendrier sous forme de séries de spectacles qui peuvent entrer en dialogue, par affinité ou en contrepoint, autant au niveau des esthétiques que des thématiques. «  En construisant ces deux séries, j’ai voulu mettre en lumière l’effervescence si riche de regards et de sensibilités qui habitent notre territoire, des artistes qui, par leur démarche précise, singulière, traduisent notre présence dans ce monde en plein bouleversement, nos deuils collectifs et nos pertes individuelles », explique Félix-Antoine Boutin.

Absence

La première série s’intéresse à des œuvres qui creusent les notions du vide, de l’invisible et du deuil. Les trois spectacles mêlent arts visuels, danse, théâtre et performance. Des espaces de poésie, des temps de réflexions où l’humain tente de trouver sa place autant dans sa propre solitude que dans le chaos du monde.

Du 30 septembre au 11 octobre, Trou noir prendra la scène. Le créateur multidisciplinaire Edon Descollines crée son deuxième opus en tant qu’artiste associé de la compagnie résidente d’Espace Libre, Joe Jack et John. Parti à la recherche des trous noirs ambiants, ceux qui s’imposent dans nos têtes ou nos cœurs, il tisse une constellation impressionniste autour de la perte. Perte de mémoire, perte d’identité, perte de clés… Sans hiérarchie, le performeur esquisse la genèse du monde en reliant ses expériences de disparition et d’anéantissement au feutre noir. Avec ce solo performatif alliant vidéo, dessin, poésie et danse, Edon Descollines explore la frontière ténue entre le souvenir et l’oubli. 

Petits appareils / Small appliances © Fatine-Violette Sabiri

Avec Petits appareils / Small appliances, présenté du 28 octobre au 8 novembre, le metteur en scène Manolis Antoniou propose une œuvre qui s’intéresse aux thèmes de l’absence et de la solitude, à travers la familiarité et l’intimité que l’on peut retrouver dans une cuisine. Entre des voix hors champ livrant des témoignages liés à chaque objet de cet espace intime, l’interprète Louise Bédard élabore un rituel matinal destiné à être vécu à deux, mais exécuté seule. Mettant en évidence l’absence et les moments de deuil traversés lorsque quelqu’un n’est plus là, Manolis Antoniou crée un espace où l’abstraction peut se déployer, dans une expérience multisensorielle où les langues et les histoires se mêlent.

Le dernier chapitre de cette série, Un-nevering, de la chorégraphe Thea Patterson, est une recherche sur le deuil, où les traces laissées par son partenaire de vie et collaborateur artistique Jeremy Gordaneer après son décès sont réactivées. Comme si ces deux artistes continuaient de créer ensemble, même après la perte, explorant les formes, les textures et les tonalités du deuil. Une pièce livrée par Thea Patterson, Rachel Harris et Elinor Fueter, à voir du 27 novembre au 6 décembre.

En guise d’épilogue à la série, Espace Libre propose une sortie d’atelier de l’artiste Geneviève La, en collaboration avec le Centre culturel vietnamien. Cette œuvre en chantier, qui mêle poésie, danse, chanson et théâtre, s’inspire du concept d’expérience de mort imminente, une rencontre avec l’invisible qui plonge l’individu dans un voyage où le temps se dilate et où la conscience s’élève au-delà des limites corporelles. Geneviève La danse avec le fantôme de son père, en utilisant des éléments culturels traditionnels et contemporains.

Mon village

Axée sur des dramaturgies frontalement théâtrales, la série Mon village, présentée à l’hiver-printemps prochain, s’intéresse à l’occupation du territoire, à sa possession, à travers des propositions qui mêlent le grotesque à la tragédie, la farce au cauchemar.

Cette nouvelle série s’ouvre avec Le diptyque du fleuve de Sébastien Dodge, présenté du 20 janvier au 7 février. Après des années de recherches historiques, l’auteur et metteur en scène propose un portrait de notre système géopolitique à travers les mécanismes de corruption et de désorganisation qui ont précipité la chute de la Nouvelle-France. Portée par l’univers musical de Mathieu David Gagnon (Flore Laurentienne), l’œuvre se décline en deux temps : celui de l’histoire, où la guerre plonge un peuple dans la souffrance, l’incertitude et la perte ; puis celui du présent, où un jeune homme aux allures survivalistes tente d’aménager son refuge rural sous la pression d’une nature en dérèglement. Fable livrée par huit interprètes, Le diptyque du fleuve explore nos angles morts collectifs.

La compagnie de Moncton Satellite Théâtre s’arrête à Espace Libre dans le cadre de la tournée pancanadienne de son spectacle Bouée, du 13 au 21 février. Céleste Godin s’intéresse à la place de l’humanité dans un cosmos infini. Elle explore l’espace absurde entre les angoisses quotidiennes du genre humain et le potentiel de ses ambitions interstellaires. Bouée est faite de caméras en direct, de trucages, de modèles réduits et de fil de pêche. Entre des sons 8-bit rétro et des ballades à la Patsy Cline, une foule de personnages s’adressent à l’univers.

En coproduction avec La Bordée, le NTE, compagnie fondatrice et résidente d’Espace Libre, propose L’empire du castor, une pièce qui raconte les aventures et les soubresauts de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Les deux auteurs principaux, Jean Marc Dalpé et Alexis Martin, seront secondés par les voix du dramaturge britannique Michael Mackenzie et d’Yvette Nolan, dramaturge et metteure en scène autochtone de la nation Anishinaabe. L’empire du castor se concentre sur le parcours du gouverneur général George Simpson, surnommé l’Empereur du Nord. Une fresque se trace à travers une galerie de personnages qui croisent sa route — trappeurs autochtones et métis, traders, agents de poste, voyageurs canadiens-français, Highlanders écossais, capitalistes londoniens… À voir du 3 au 21 mars.

Pour conclure la saison, le retour d’Au cœur de la rose (Généalogie d’une tristesse) sera présenté du 17 au 25 avril. Cette œuvre du cinéaste Pierre Perrault est réactualisée par Jérémie Niel et sa compagnie Pétrus. Ce spectacle, présenté en 2024 lors du FTA et repris au CNA en 2025, se déroule sur une île du golfe, où vivent un père, une mère et leur fille, enfermés dans leur propre destin, sclérosés par la tradition. Un soir de tempête débarquent un capitaine et un marin, qui représentent pour la fille la possibilité d’échapper à sa vie insulaire. Mais à son désir impétueux tout s’oppose, les forces de l’inertie, la tristesse héritée et l’immuabilité du père.

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