Dix cubes blancs répartis dans l’espace, dénudés, sauf un sur lequel est déposé un coffret. Une petite boîte de Pandore que Marianne ouvre en introduction pour nous mettre en garde contre ce qui nous attend. Elle mime à mains nues le geste qu’elle fera plus tard avec l’objet dans l’écrin – un pistolet Beretta. L’arme appartenait à son père décédé, et la GRC vient d’appeler pour l’informer que le permis de l’arme est échu. Or, l’ouverture de ce coffret libère un souffle empoisonné qui plonge la jeune femme dans un tourbillon démentiel.
L’appel de la Police montée déclenche chez elle une cascade de pensées sombres qui la hantent depuis… toujours. Autant de réflexions, autant d’obsessions. Dans une série de courtes séquences, dévoilant des pensées suicidaires drapées d’un humour noir grinçant, elle nous emporte au cœur du cyclone de la désespérance. Elle jette un regard ironique sur « les saines habitudes de vie », ingrédients d’une recette de son cru, simulant une hilarante émission pour la télé, qui l’amène à réfléchir sur l’importance dans nos vies de tous ces « êtres non-humains », dont le cellulaire est l’instrument phare, la porte d’entrée de l’univers numérique dans nos vies. Puis vient une réflexion sur le profond sentiment d’insuffisance qui l’habite. Il faudrait pouvoir s’améliorer en gang, face à la tentation suicidaire.
De fil en aiguille, elle retrace la route de l’aliénation, pour contrer les voix dans sa tête qui jouent sur la ligne entre flatterie et dénigrement. Tous les personnages arrivent par le cellulaire, ce média diabolique auquel elle prête une puissance démesurée. Autre personnage non-humain, un clavier, qui attend silencieux côté jardin. Dans une bouffée de survie, Marianne l’utilise pour composer une sublime chanson faite de critiques, d’exhortations, de récriminations qui jalonnent son éducation familiale et scolaire. Les mots cruels s’entrechoquent, se fondent en un gargouillement écœurant qui la fait vomir de douleur. Hantée par l’histoire abjecte de Lucrèce, louangée pour sa beauté puis violée, et qui choisit le suicide pour sauver son honneur, Marianne associe cette histoire aux féminicides actuels. Sa vie devient un magma d’angoisse, alimenté par la décrépitude du monde qu’elle illustre en une litanie d’insuffisances.
Fiction et / ou réalité
Le contrepoids du dépouillement scénique au délitement de l’esprit de Marianne situe la pièce dans une zone infrangible qui nous maintient entre le réel et la fiction. Le personnage de Miryam Amrouche / Marianne assume sa dualité en présentant le théâtre comme lieu physique, avec les sorties, les consignes, l’espace familier, présentant en introduction les scènes clefs de la pièce à venir. Le traumavertissement souligne les cris violents à venir, les coups de feu, le doigt sur la gâchette du pistolet, etc. Puis Marianne entre en scène, déployant son personnage à travers une dizaine de sketches arrimés chacun à une crise existentielle. La pièce est souvent coupée par une intervention directe avec le public, soulignant que nous sommes au théâtre, qu’il ne faut pas confondre avec la réalité. On peut chanter avec elle, allumer nos téléphones dans un entracte impromptu, entendre une excuse pour une action ratée, etc.
Il y a une remarquable osmose entre la mise en scène de Pierre-Olivier Roussel et le vif jeu de transitions de Miryam incarnant Marianne. La comédienne révèle une jouissive densité où l’on ne parvient plus à distinguer les glissements d’un monde à l’autre. Son malaise non feint dans le réel se transforme en une descente aux enfers dans la peau friable de la jeune femme.
Camus disait que le théâtre était le seul lieu de la vérité. One Night Only ramène Sisyphe au moment de sa prise de conscience de l’absurdité du monde. C’est exactement face à ce choix que se tient Marianne : le suicide ou la révolte? Un doute qu’elle exprime encore craignant que, si elle fait cela, elle laisse quelqu’un tomber. Ce qu’elle ne fait pas avec son public, le maintenant toujours entre le drame de la scène et les apaisements du rire collectif.
Texte : Nicholas Eddie. Traduction et adaptation : Miryam Amrouche. Mise en scène : Pierre-Olivier Roussel. Assistance à la mise en scène : Jérémie Michaud. Direction de production : Marie Tan. Accompagnement technique : Marie-Pier Faucher-Bégin. Éclairages : Ines Sirine Azaïez. Décors et accessoires : Youri White. Avec Miryam Amrouche. Voix : Carla Mezquita-Honhon, Éva Daoust, Clémence Lavallée, Jérémie Michaud, Pierre-Olivier Roussel, Charles Roberge, Jean-Michel Girouard et Miryam Amrouche. Une production du Collectif Complot présentée à Premier Acte du 28 octobre au 8 novembre 2025.
Dix cubes blancs répartis dans l’espace, dénudés, sauf un sur lequel est déposé un coffret. Une petite boîte de Pandore que Marianne ouvre en introduction pour nous mettre en garde contre ce qui nous attend. Elle mime à mains nues le geste qu’elle fera plus tard avec l’objet dans l’écrin – un pistolet Beretta. L’arme appartenait à son père décédé, et la GRC vient d’appeler pour l’informer que le permis de l’arme est échu. Or, l’ouverture de ce coffret libère un souffle empoisonné qui plonge la jeune femme dans un tourbillon démentiel.
L’appel de la Police montée déclenche chez elle une cascade de pensées sombres qui la hantent depuis… toujours. Autant de réflexions, autant d’obsessions. Dans une série de courtes séquences, dévoilant des pensées suicidaires drapées d’un humour noir grinçant, elle nous emporte au cœur du cyclone de la désespérance. Elle jette un regard ironique sur « les saines habitudes de vie », ingrédients d’une recette de son cru, simulant une hilarante émission pour la télé, qui l’amène à réfléchir sur l’importance dans nos vies de tous ces « êtres non-humains », dont le cellulaire est l’instrument phare, la porte d’entrée de l’univers numérique dans nos vies. Puis vient une réflexion sur le profond sentiment d’insuffisance qui l’habite. Il faudrait pouvoir s’améliorer en gang, face à la tentation suicidaire.
De fil en aiguille, elle retrace la route de l’aliénation, pour contrer les voix dans sa tête qui jouent sur la ligne entre flatterie et dénigrement. Tous les personnages arrivent par le cellulaire, ce média diabolique auquel elle prête une puissance démesurée. Autre personnage non-humain, un clavier, qui attend silencieux côté jardin. Dans une bouffée de survie, Marianne l’utilise pour composer une sublime chanson faite de critiques, d’exhortations, de récriminations qui jalonnent son éducation familiale et scolaire. Les mots cruels s’entrechoquent, se fondent en un gargouillement écœurant qui la fait vomir de douleur. Hantée par l’histoire abjecte de Lucrèce, louangée pour sa beauté puis violée, et qui choisit le suicide pour sauver son honneur, Marianne associe cette histoire aux féminicides actuels. Sa vie devient un magma d’angoisse, alimenté par la décrépitude du monde qu’elle illustre en une litanie d’insuffisances.
Fiction et / ou réalité
Le contrepoids du dépouillement scénique au délitement de l’esprit de Marianne situe la pièce dans une zone infrangible qui nous maintient entre le réel et la fiction. Le personnage de Miryam Amrouche / Marianne assume sa dualité en présentant le théâtre comme lieu physique, avec les sorties, les consignes, l’espace familier, présentant en introduction les scènes clefs de la pièce à venir. Le traumavertissement souligne les cris violents à venir, les coups de feu, le doigt sur la gâchette du pistolet, etc. Puis Marianne entre en scène, déployant son personnage à travers une dizaine de sketches arrimés chacun à une crise existentielle. La pièce est souvent coupée par une intervention directe avec le public, soulignant que nous sommes au théâtre, qu’il ne faut pas confondre avec la réalité. On peut chanter avec elle, allumer nos téléphones dans un entracte impromptu, entendre une excuse pour une action ratée, etc.
Il y a une remarquable osmose entre la mise en scène de Pierre-Olivier Roussel et le vif jeu de transitions de Miryam incarnant Marianne. La comédienne révèle une jouissive densité où l’on ne parvient plus à distinguer les glissements d’un monde à l’autre. Son malaise non feint dans le réel se transforme en une descente aux enfers dans la peau friable de la jeune femme.
Camus disait que le théâtre était le seul lieu de la vérité. One Night Only ramène Sisyphe au moment de sa prise de conscience de l’absurdité du monde. C’est exactement face à ce choix que se tient Marianne : le suicide ou la révolte? Un doute qu’elle exprime encore craignant que, si elle fait cela, elle laisse quelqu’un tomber. Ce qu’elle ne fait pas avec son public, le maintenant toujours entre le drame de la scène et les apaisements du rire collectif.
One Night Only
Texte : Nicholas Eddie. Traduction et adaptation : Miryam Amrouche. Mise en scène : Pierre-Olivier Roussel. Assistance à la mise en scène : Jérémie Michaud. Direction de production : Marie Tan. Accompagnement technique : Marie-Pier Faucher-Bégin. Éclairages : Ines Sirine Azaïez. Décors et accessoires : Youri White. Avec Miryam Amrouche. Voix : Carla Mezquita-Honhon, Éva Daoust, Clémence Lavallée, Jérémie Michaud, Pierre-Olivier Roussel, Charles Roberge, Jean-Michel Girouard et Miryam Amrouche. Une production du Collectif Complot présentée à Premier Acte du 28 octobre au 8 novembre 2025.