Présentée dans une version désormais aboutie, Refaire la marguerite, création de la compagnie L’eau du bain, a trouvé son centre de gravité. Là où la version explorative précédente se présentait comme une foire immersive qui allait dans plusieurs directions — voire joyeusement « broche à foin! » diront certains -, cette nouvelle mouture qui a pris la scène de La Chapelle dans le cadre du festival jeune public La Mèche courte est plus resserrée et offre une ligne directrice claire et une esthétique finement ciselée.
Cette œuvre s’inscrit néanmoins dans la continuité de la première création de la compagnie, De l’eau du bain, où la famille Sinou affrontait déjà les débordements et les dégâts du quotidien. Refaire la marguerite en constitue la suite naturelle : après la galère, l’apprentissage du vivre-ensemble dans le désordre, voici le temps de la reconstruction, du soin et de la réinvention.
La maisonnette centrale, sorte de serre en plastique transparent d’où pendent des marguerites suspendues, agit comme un microcosme familial, une maison de poupée où s’observe, à vue, la vie d’un clan uni autour d’un même souffle créatif. L’eau devient ici personnage principal. À la fois élément vital, menace et musique, elle rythme la pièce comme un battement du monde et un fidèle camarade, précieux et menaçant à la fois. Cela nous rappelle la fragilité des écosystèmes et notre devoir de révérence envers les ressources.
Symphonie aquatique
Thomas Sinou en est le maître d’œuvre sonore, orchestrant une symphonie bricolée à partir d’instruments inventés — entonnoirs, capteurs de pluie, objets détournés — et d’autres plus familiers, comme la guitare. Sa partition, tour à tour onirique, punk et méditative, rappelle l’univers visuel de Wes Anderson : un théâtre de l’intime où règnent la fantaisie, la tendresse et une douce folie. Des gouttelettes de pluie tombent du plafond du théâtre, mais pas de panique : c’est justement le but du jeu!
Dans cette ambiance tendre et mystérieuse, un rituel se déploie, invitant petits et grands à ralentir, à écouter, à accueillir l’inattendu. Loin du didactisme écologique, le spectacle propose un entraînement poétique à l’art de vivre ensemble, une façon ludique et sensible d’aborder les bouleversements climatiques — et les tempêtes intérieures — avec grâce et humour.
Le public, composé en grande partie de familles, trouve naturellement sa place dans cet univers où les enfants ne sont pas de simples figurants. Jeanne et Ines Sinou jouent avec sincérité et douceur, sans surjouer, assumant pleinement leur rôle dans cette petite galère collective où l’on apprend à « jammer avec les éléments, quand tout fout le camp ».
L’un des moments les plus touchants demeure cette discussion sur la pluie — Jeanne qui confie aimer les jours gris parce qu’ils permettent de rester à la maison, loin de la pression de « profiter de la journée ». C’est dans ces instants suspendus que Refaire la marguerite atteint sa pleine beauté : quand le quotidien se fait poème, et que la résilience devient un jeu d’enfants. Anne-Marie Ouellet, sage et maternelle, transpose magnifiquement sur scène sa bienveillance de maman. Son lien avec ses filles Jeanne et Ines donne lieu à une profonde complicité empreinte de douceur et de force tranquille. Sans jamais tomber dans le pathos, elle incarne la solidité du foyer face à la fragilité du monde.
En une heure à peine, cette fable bricolée et sincère nous rappelle que l’art, comme la vie, se réinvente toujours à partir des ruines, goutte à goutte.
Création et performance : Anne-Marie Ouellet, Inès Sinou, Jeanne Sinou, Thomas Sinou. Son : Thomas Sinou. Lumières : Nancy Bussières. Scénographie : Karine Galarneau. Conseil dramaturgique : Émilie Martz-Kuhn. Assistance à la mise en scène : Zackari Gosselin. Assistance à la conception lumières : Laura Dominguez. Régie sonore : Leigh Uttley. Direction technique : Sophie St-Pierre. Collaboration artistique : Emmanuel Bégin, Dalia Jaja, Charlotte Richer, Thiernault, Jean Tourigny. Une production de L’eau du bain, présentée à La Chapelle jusqu’au 15 novembre.
Présentée dans une version désormais aboutie, Refaire la marguerite, création de la compagnie L’eau du bain, a trouvé son centre de gravité. Là où la version explorative précédente se présentait comme une foire immersive qui allait dans plusieurs directions — voire joyeusement « broche à foin! » diront certains -, cette nouvelle mouture qui a pris la scène de La Chapelle dans le cadre du festival jeune public La Mèche courte est plus resserrée et offre une ligne directrice claire et une esthétique finement ciselée.
Cette œuvre s’inscrit néanmoins dans la continuité de la première création de la compagnie, De l’eau du bain, où la famille Sinou affrontait déjà les débordements et les dégâts du quotidien. Refaire la marguerite en constitue la suite naturelle : après la galère, l’apprentissage du vivre-ensemble dans le désordre, voici le temps de la reconstruction, du soin et de la réinvention.
La maisonnette centrale, sorte de serre en plastique transparent d’où pendent des marguerites suspendues, agit comme un microcosme familial, une maison de poupée où s’observe, à vue, la vie d’un clan uni autour d’un même souffle créatif. L’eau devient ici personnage principal. À la fois élément vital, menace et musique, elle rythme la pièce comme un battement du monde et un fidèle camarade, précieux et menaçant à la fois. Cela nous rappelle la fragilité des écosystèmes et notre devoir de révérence envers les ressources.
Symphonie aquatique
Thomas Sinou en est le maître d’œuvre sonore, orchestrant une symphonie bricolée à partir d’instruments inventés — entonnoirs, capteurs de pluie, objets détournés — et d’autres plus familiers, comme la guitare. Sa partition, tour à tour onirique, punk et méditative, rappelle l’univers visuel de Wes Anderson : un théâtre de l’intime où règnent la fantaisie, la tendresse et une douce folie. Des gouttelettes de pluie tombent du plafond du théâtre, mais pas de panique : c’est justement le but du jeu!
Dans cette ambiance tendre et mystérieuse, un rituel se déploie, invitant petits et grands à ralentir, à écouter, à accueillir l’inattendu. Loin du didactisme écologique, le spectacle propose un entraînement poétique à l’art de vivre ensemble, une façon ludique et sensible d’aborder les bouleversements climatiques — et les tempêtes intérieures — avec grâce et humour.
Le public, composé en grande partie de familles, trouve naturellement sa place dans cet univers où les enfants ne sont pas de simples figurants. Jeanne et Ines Sinou jouent avec sincérité et douceur, sans surjouer, assumant pleinement leur rôle dans cette petite galère collective où l’on apprend à « jammer avec les éléments, quand tout fout le camp ».
L’un des moments les plus touchants demeure cette discussion sur la pluie — Jeanne qui confie aimer les jours gris parce qu’ils permettent de rester à la maison, loin de la pression de « profiter de la journée ». C’est dans ces instants suspendus que Refaire la marguerite atteint sa pleine beauté : quand le quotidien se fait poème, et que la résilience devient un jeu d’enfants. Anne-Marie Ouellet, sage et maternelle, transpose magnifiquement sur scène sa bienveillance de maman. Son lien avec ses filles Jeanne et Ines donne lieu à une profonde complicité empreinte de douceur et de force tranquille. Sans jamais tomber dans le pathos, elle incarne la solidité du foyer face à la fragilité du monde.
En une heure à peine, cette fable bricolée et sincère nous rappelle que l’art, comme la vie, se réinvente toujours à partir des ruines, goutte à goutte.
Refaire la marguerite
Création et performance : Anne-Marie Ouellet, Inès Sinou, Jeanne Sinou, Thomas Sinou. Son : Thomas Sinou. Lumières : Nancy Bussières. Scénographie : Karine Galarneau. Conseil dramaturgique : Émilie Martz-Kuhn. Assistance à la mise en scène : Zackari Gosselin. Assistance à la conception lumières : Laura Dominguez. Régie sonore : Leigh Uttley. Direction technique : Sophie St-Pierre. Collaboration artistique : Emmanuel Bégin, Dalia Jaja, Charlotte Richer, Thiernault, Jean Tourigny. Une production de L’eau du bain, présentée à La Chapelle jusqu’au 15 novembre.