Critiques

Burn Baby, Burn : Corps incandescents

© Sasha Onyshchenko

Ce 25 novembre a eu lieu la première de la toute nouvelle pièce de la compagnie Côté Danse, Burn Baby, Burn, au Théâtre Maisonneuve à Montréal. Inspiré par la situation planétaire face aux changements climatiques, l’ancien premier danseur du Ballet national du Canada, Guillaume Côté, propose ici une incursion dans les contradictions humaines que cette réalité suscite. Une création qui revêt une importance particulière pour celui qui embrasse pleinement ce nouveau rôle en coulisses, délaissant la scène pour mieux explorer et revendiquer une gestuelle résolument plus variée et audacieuse.

Un interprète soliste ouvre le bal, sur une musique rythmée. Il dandine tranquillement et simplement sur les sons qui s’offrent à lui. La gestuelle naturelle, quotidienne, s’efface de temps à autre au profit d’un saut maitrisé, d’une pirouette de ballet ou d’une vive acrobatie. Jusqu’à un arrêt vif et inattendu.

Place ensuite à une silhouette, telle une photo tirée d’un cabaret. L’ombre arbore sur ses bras de longs rubans rouges. Tout au long de l’œuvre, cette couleur reviendra dans les costumes sous différentes formes, et tranchera parfois aussi la scène à travers une lumière vive. On peut y voir une référence à la passion, à l’amour dans certains cas, au déchirement, au sang et au feu dans d’autres. Ce choix scénique fonctionne, laissant cours à l’imagination de chacun et créant des effets visuels intéressants : le tissu rouge ajoute dynamisme et textures dans les mouvements et contraste nettement la scénographie.

C’est ensuite au tour du groupe entier de s’adonner à un premier unisson qui donne le ton chorégraphique. On sent l’amour et l’habitude du ballet derrière certaines demi-pointes extrêmement précises, de belles lignes de bras et des grandes secondes finement contrôlées. Cependant, on observe aussi la volonté du chorégraphe de s’en détacher. Ainsi, il use de déhanchements, de frémissements, de petits pas rapides et d’ondulations, assumant ainsi un style plus contemporain que jamais.

© Sasha Onyshchenko

Demi-teinte

Du groupe compact qui danse seulement, et rapidement, avec les avant-bras, aux jeux de lumières qui n’éclairent que la moitié de la scène en passant par des solos à l’apparence plus désordonnée et organique, on constate que le créateur a voulu essayer différentes choses, tant au niveau chorégraphique que scénique. Certaines fonctionnent vraiment bien, d’autres moins.

On notera par exemple le passage où les interprètes, après avoir fixé la salle, ne deviennent qu’ombres dansantes et provoquent un bel effet visuel. Au début de l’œuvre, la pénombre, travaillée par un long faisceau lumineux en arrière-scène et de la fumée, apaise et crée une douce image devant nos yeux. La nuance très nette entre un groupe submergé par le rouge, qui cherche la lumière ou une échappatoire, et un duo tout en intimité et dans un bleu rassurant, fonctionne aussi à merveille. Tout ceci est beau à voir et clair à comprendre.

Les moments en solo, dont les gestuelles sont plus brouillonnes, et qui n’ont pas vraiment de résonances entre eux, sont quant à eux moins lisibles. L’utilisation de canons dans la gestuelle revient à plusieurs reprises et parait intéressante seulement lorsque la lumière est impliquée. Sinon, ce procédé semble un peu trop simpliste.

La chorégraphie que Guillaume Côté a voulu plus personnelle dans cette pièce est intéressante, élaborée et variée. Mais peut-être parfois trop variée ? De nombreuses références et influences, comme celle à Hofesh Shechter, peuvent être identifiées. Mais elles ne marchent pas toujours, notamment car les états de corps ne suivent pas et que l’interprétation reste la même, et égale, tout au long de l’œuvre. Les choix chorégraphiques semblent parfois aller dans tous les sens, sans vraiment de liens entre eux, sans être justifiés, en quelque sorte. On passe d’un porté de ballet à une pulsation frénétique du corps jusqu’à l’ondulation calme et sensuelle des mains, par exemple. C’est donc un essai intéressant, mais quelque peu manqué.

Avec Burn Baby, Burn, Guillaume Côté propose une œuvre qui bouscule les codes habituels utilisés par le chorégraphe. Une pièce intrigante et pertinente à plusieurs égards scéniques, mais qui semble parfois passer à côté.

© Sasha Onyshchenko

Burn Baby, Burn

Chorégraphie : Guillaume Côté. Assistante à la création et directrice des répétitions : Anisa Tejpar. Musique originale : Amos Ben-Tal, OFFProjects. Conception des costumes : Yso South. Conception des éclairages : Simon Rossiter. Producteur : Etienne Lavigne. Interprètes : Demetri Apostolopoulos, Jessica Germano, Martha Hart, Kevin Lau, Griffen Grice, Willem Sadler, Katherine Semchuk, Evan Webb et Carleen Zouboules.