JEU des 5 questions

Cinq questions au Petit Théâtre du Nord

© Petit Théâtre du Nord

Le Petit Théâtre du Nord fait du théâtre de création depuis près de trente ans dans les Laurentides. Leurs Veillées festives soufflent cinq bougies cette année. Le thème de cette année est d’une brûlante actualité : Terres d’accueil. 

JEU : Cinq ans de festivités hivernales de votre côté, pensiez-vous au départ que le concept allait durer ?

Le Petit Théâtre du Nord : On avait l’intuition que le concept pouvait s’inscrire dans le temps. En fait, on savait que le concept répondait à plusieurs axes essentiels de la mission du Petit Théâtre du Nord : travailler la matière vive des textes avec les auteur.rices, interroger notre rapport à la société qui nous entoure, et rassembler la communauté autour de l’histoire et de l’identité de la région. Ce qui demeurait incertain, c’était la réception du public. On a donné rendez-vous aux spectateur.rices durant 25 ans, principalement l’été mis à part nos tournées ou reprises de spectacle dans les théâtres montréalais. Avec les Veillées, on les invitons à un tout autre geste : sortir de la noirceur de la fin d’automne pour venir chercher un peu de lumière, ensemble. C’est une proposition différente, presque un rituel hivernal en devenir. Ce que nous n’avions pas anticipé, c’est à quel point cette aventure serait porteuse pour les artistes eux-mêmes. Le format, dépouillé de décors imposants et fondé sur une adresse directe au public, crée un vertige stimulant. On passe d’un conte à l’autre en un clin d’œil, dans un rapport d’intimité rare où l’échange est immédiat. La plume des auteur.rices devient le véritable centre de gravité, et nous en sommes les passeurs.

Terres d’accueil est une belle thématique. Était-elle décidée avant de faire votre appel de textes ?

Oui, le thème est choisi en amont. Lorsque la direction artistique (Luc Bourgeois, Sébastien Gauthier et Mélanie St-Laurent) se rencontre, on réfléchit ensemble à l’orientation qu’on souhaite explorer pour les prochaines Veillées. Ainsi, lorsqu’on fait appel aux artistes qui porteront le spectacle, le thème est déjà établi. Par la suite, on mène un travail de recherche pour nourrir leur imaginaire, non pas pour imposer une rigueur factuelle, mais pour ouvrir des pistes. On aspire davantage à être des éveilleurs de curiosité et à semer le plaisir d’en apprendre davantage sur l’histoire de nos prédécesseurs. Même si ces créations gravitent toujours autour de notre territoire, les Laurentides, et plus largement cette nordicité qui nous façonne, c’est réellement le thème annuel qui colore chaque édition. Il sert de prisme, laissant néanmoins à chaque artiste la liberté d’interpréter, d’incarner et de faire vibrer cette matière.

Grande diversité chez les auteur.rices cette année aussi. Comment avez-vous fait vos choix ? 

On aime dire que dans le choix de nos auteur.rices, on assemble les tissus d’une courtepointe. Chaque plume est sélectionnée pour sa singularité, sa texture propre et sa capacité à s’harmoniser avec l’ensemble de la proposition. Comme dans une courtepointe, ce sont ces différences qui créent la richesse et la cohérence.

Les contes constituent les pièces maîtresses de cette trame, mais ils sont ponctués de petites touches : chansons, références historiques, moments de réflexion, jeux interactifs qui viennent enrichir la texture d’ensemble. Ce format de courte histoire nous permet de savourer pleinement l’unicité de chaque créateur, de mettre en lumière la voix singulière de chacun et de révéler la générosité avec laquelle ils se prêtent au jeu. C’est cette combinaison d’individualité et de dialogue qui fait toute la force et la chaleur des Veillées.

À la mise en scène, quels défis rencontre-t-on pour entremêler des fils aussi différents les uns des autres ?

Le premier défi, c’est de garder bien visible le thème de l’édition. C’est notre fil d’Ariane ! Tout au long du processus, notre travail consiste à rassembler les concepteur.rices et les créateur.rices autour de cette ligne directrice, tout en respectant la variété des univers et des plumes de chacun. Concrètement, c’est souvent la musique qui joue ce rôle central. Elle circule à travers les contes comme un souffle permanent et finit presque par devenir un personnage à part entière. Parfois, elle soutient la tension dramatique d’une scène, parfois elle vient en contrepoint dans un moment plus léger. Les chansons qui relient les contes apportent aussi des textures différentes et créent des passerelles émotionnelles entre les histoires. Pour Terres d’accueil, le cœur de l’édition était très clair : quelque chose de profondément humain, organique et authentique. Chaque concepteur.rice était invité.e à faire émerger ces qualités dans sa contribution. Et comme on souhaite respecter l’essence de chaque auteur.rice, il s’agit constamment de trouver un équilibre entre le thème général et la singularité de chaque voix. C’est un travail d’écoute, de dialogue et d’ajustement, et c’est précisément dans cet équilibre que se révèlent toute la richesse et la force du projet.

Cinq Veillées Festives et près de trente ans de création en « périphérie ». La réponse du public est bonne. Vous gardez toujours la passion ?

La passion demeure intacte, peut-être même renforcée ! L’un des privilèges de la création, c’est justement de ne jamais reproduire le même geste artistique : chaque nouvelle Veillée ouvre un territoire inédit, une manière différente d’explorer notre rapport au récit, à l’intime et au collectif. Cette dynamique de renouveau constant alimente notre désir d’aller plus loin, saison après saison. Ce qui nous porte aussi, c’est la relation avec le public. Il revient, attend la prochaine édition, et cette fidélité crée un véritable dialogue. Dans le rythme effréné de la fin d’année, les Veillées offrent un moment de suspension, un espace où l’on peut prendre du recul, revisiter ce qui nous précède pour mieux saisir vers quoi l’on se dirige. L’écoute d’un conte, le simple fait de se rassembler pour entendre une histoire, réactive quelque chose de fondamental : une dimension presque archaïque du partage humain. Dans notre salle intime, cette qualité de présence est perceptible, elle génère une chaleur, une forme de bienveillance collective qui donne sens à notre démarche. C’est peut-être cela, au fond, qui nous permet de poursuivre avec autant d’élan : la conviction que ces soirées créent un geste artistique utile, porteur, qui résonne autant pour nous que pour ceux qui viennent s’y déposer.

© Petit Théâtre du Nord

Les Veillées festives : terres d’accueil sont présentées au Petit Théâtre du Nord de Boisbriand du 27 novembre au 14 décembre 2025.