Alors que les festivités du 150e anniversaire du Canada battent leur plein et que le 375e de Montréal a été proclamé l’année de la réconciliation, la programmation de la 2e édition de la Scène contemporaine autochtone s’articule autour de la possibilité même d’une réconciliation.
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Lara Kramer
This Time Will Be Different est le fruit de la rencontre entre l’artiste multidisciplinaire Émilie Monnet (Anishnaabe) et la chorégraphe Lara Kramer (Oji-Crie). Dans cette installation performative, les deux créatrices posent un regard critique sur le statu quo entretenu par le gouvernement canadien envers les peuples autochtones.
«En décembre 2015, Justin Trudeau s’est engagé à implanter et à répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation», explique Monnet, aussi directrice artistique des Productions Onishka, qui présentent la Scène contemporaine autochtone à l’occasion du OFFTA. «Quelques mois plus tard, ajoute-t-elle, on s’est rendu compte que peu de choses avaient été faites. On a alors commencé à penser que ce n’était que de belles paroles. Est-ce qu’un jour des actions concrètes et significatives vont être posées?»
Un cimetière de papier
Les deux artistes déplorent l’absence de centres de mémoire consacrés aux crimes perpétrés dans les pensionnats autochtones, ainsi que le manque de ressources mises en place pour l’éducation et la préservation des langues autochtones. Désapprouvant le recours du gouvernement à des solutions purement financières et individuelles, plutôt qu’holistiques et communautaires, elles dénoncent ce qui est devenu à leurs yeux «une industrie de la réconciliation».
Selon Kramer, «d’importantes sommes d’argent ont été engagées dans la Commission royale pour arriver à des recommandations qui n’ont jamais vraiment été mises en œuvre. 20 ans plus tard, c’est la même chose qui se produit avec la Commission de vérité et réconciliation. On investit de l’argent pour faire entendre les témoignages des survivants et parler de l’impact sur les familles, mais ça se fait d’une manière très contrôlée.»
La chorégraphe évoque le poids des non-dits, le silence fait sur le nombre réel d’enfants assassinés, ainsi que la tendance à reléguer les blessures au passé et à minimiser les effets collatéraux affectant encore les communautés (dépendance, suicide, violence) : «Avant même de parler de réconciliation, on a vraiment besoin d’aller au plus profond des choses, mais on ne fait que les traiter en surface.»
«Bien que la Commission puisse paraître réconfortante et prometteuse, concède Monnet, il reste encore l’impunité des individus responsables de la mort des enfants des pensionnats et la glorification de certaines figures historiques.» Elle donne l’exemple du premier ministre John A. Macdonald, dont le portrait est encore présent sur les billets de 10 dollars, alors qu’il affirmait clairement vouloir «tuer l’indien dans l’enfant». «Comment, lance Kramer, pouvons-nous dans une telle situation parvenir à la reconstruction?»
Mémoire et transmission
Les créatrices ont choisi de retenir comme matériau principal le livre issu de la Commission de vérité et réconciliation : «L’action de déchirer les pages du livre est porteuse de notre révolte, affirme Monnet. En collant les papiers sur une couverture, l’image d’un cimetière avec ses tombes alignées nous est apparue. C’est une façon pour nous d’évoquer tous ces enfants morts découverts dans les fosses communes près des écoles.»
À partir de témoignages et d’histoires personnelles, la performance fera interagir quatre générations différentes, dont une survivante des pensionnats et ses petits-enfants. «Ça s’apparente à une audience, explique Monnet, un instrument important au cœur de la Commission. Pour nous, il s’agissait de rendre hommage à cette survivante et à son histoire, entretenir cette mémoire et raconter aux enfants cette terrible histoire qui visait à nous éliminer.»
La Scène contemporaine autochtone crée un espace de dialogue afin de conscientiser le public à propos de l’urgence qu’il y a à passer de la parole aux actes, et pour célébrer le travail de nombreux artistes engagés sur les enjeux d’assimilation et de politiques coloniales qui continuent d’affecter les communautés autochtones.
Conception et direction artistique : Émilie Monnet et Lara Kramer. Collaboration au son : Stephan Christoff et Travis West. Avec Joy et Jayden Blacksmith, Glenna Matoush et les voix de Glenna Matoush, Raymond Diamond, Anik Sioui et Ryan McMahon. Un spectacle des Productions Onishka. À la Fonderie Darling, à l’occasion de la Scène contemporaine autochtone et du OFFTA, les 3 et 4 juin 2017.
Alors que les festivités du 150e anniversaire du Canada battent leur plein et que le 375e de Montréal a été proclamé l’année de la réconciliation, la programmation de la 2e édition de la Scène contemporaine autochtone s’articule autour de la possibilité même d’une réconciliation.
Lara Kramer
This Time Will Be Different est le fruit de la rencontre entre l’artiste multidisciplinaire Émilie Monnet (Anishnaabe) et la chorégraphe Lara Kramer (Oji-Crie). Dans cette installation performative, les deux créatrices posent un regard critique sur le statu quo entretenu par le gouvernement canadien envers les peuples autochtones.
«En décembre 2015, Justin Trudeau s’est engagé à implanter et à répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation», explique Monnet, aussi directrice artistique des Productions Onishka, qui présentent la Scène contemporaine autochtone à l’occasion du OFFTA. «Quelques mois plus tard, ajoute-t-elle, on s’est rendu compte que peu de choses avaient été faites. On a alors commencé à penser que ce n’était que de belles paroles. Est-ce qu’un jour des actions concrètes et significatives vont être posées?»
Un cimetière de papier
Les deux artistes déplorent l’absence de centres de mémoire consacrés aux crimes perpétrés dans les pensionnats autochtones, ainsi que le manque de ressources mises en place pour l’éducation et la préservation des langues autochtones. Désapprouvant le recours du gouvernement à des solutions purement financières et individuelles, plutôt qu’holistiques et communautaires, elles dénoncent ce qui est devenu à leurs yeux «une industrie de la réconciliation».
Selon Kramer, «d’importantes sommes d’argent ont été engagées dans la Commission royale pour arriver à des recommandations qui n’ont jamais vraiment été mises en œuvre. 20 ans plus tard, c’est la même chose qui se produit avec la Commission de vérité et réconciliation. On investit de l’argent pour faire entendre les témoignages des survivants et parler de l’impact sur les familles, mais ça se fait d’une manière très contrôlée.»
La chorégraphe évoque le poids des non-dits, le silence fait sur le nombre réel d’enfants assassinés, ainsi que la tendance à reléguer les blessures au passé et à minimiser les effets collatéraux affectant encore les communautés (dépendance, suicide, violence) : «Avant même de parler de réconciliation, on a vraiment besoin d’aller au plus profond des choses, mais on ne fait que les traiter en surface.»
«Bien que la Commission puisse paraître réconfortante et prometteuse, concède Monnet, il reste encore l’impunité des individus responsables de la mort des enfants des pensionnats et la glorification de certaines figures historiques.» Elle donne l’exemple du premier ministre John A. Macdonald, dont le portrait est encore présent sur les billets de 10 dollars, alors qu’il affirmait clairement vouloir «tuer l’indien dans l’enfant». «Comment, lance Kramer, pouvons-nous dans une telle situation parvenir à la reconstruction?»
Mémoire et transmission
Les créatrices ont choisi de retenir comme matériau principal le livre issu de la Commission de vérité et réconciliation : «L’action de déchirer les pages du livre est porteuse de notre révolte, affirme Monnet. En collant les papiers sur une couverture, l’image d’un cimetière avec ses tombes alignées nous est apparue. C’est une façon pour nous d’évoquer tous ces enfants morts découverts dans les fosses communes près des écoles.»
La Scène contemporaine autochtone crée un espace de dialogue afin de conscientiser le public à propos de l’urgence qu’il y a à passer de la parole aux actes, et pour célébrer le travail de nombreux artistes engagés sur les enjeux d’assimilation et de politiques coloniales qui continuent d’affecter les communautés autochtones.
This Time Will Be Different
Conception et direction artistique : Émilie Monnet et Lara Kramer. Collaboration au son : Stephan Christoff et Travis West. Avec Joy et Jayden Blacksmith, Glenna Matoush et les voix de Glenna Matoush, Raymond Diamond, Anik Sioui et Ryan McMahon. Un spectacle des Productions Onishka. À la Fonderie Darling, à l’occasion de la Scène contemporaine autochtone et du OFFTA, les 3 et 4 juin 2017.