Lorsqu’il apprend qu’il va mourir bientôt, un homme entreprend une descente dans ses peurs pour déterminer lui-même le moment et la manière de cette mort annoncée. Pour ce long voyage vers lui-même, il choisit de partir en Islande, un pays «qui ressemble un peu au début et à la fin des temps avec des volcans, des geysers et l’absence d’arbres». Ce pays est en quelque sorte la métaphore de son entreprise. En route, il rencontre une femme qui devient complice de cette marche vers l’euthanasie.
Les deux comparses, bientôt enchaînés dans leur débat ontologique, nous entraînent dans les paysages infinis et fulgurants de cette île improbable. La petite scène de Premier Acte, magnifiée par des écrans de projection dispersés en panorama, devient le lieu d’un huis clos sur fond d’espace sans contours, ce «grand dehors». Dans cette marche vers la mort, leur complicité se déploie à travers le jeu de la vérité. Le parcours est jalonné de rires, de joie de vivre, d’étonnements devant les beautés de la vie, de douleurs vives, de deuils, de familles éclatées, de souffrances et d’espoir.
Se qualifiant lui-même d’hypocondriaque qui s’est imaginé 10 000 manières de mourir, l’auteur Nicola-Frank Vachon, jouant ici son propre rôle avec une belle retenue, aborde la question de l’euthanasie avec une franchise réjouissante. Rien de théorique, donc, mais l’expérience brute de la mort réelle. Il refuse la fuite en avant, les jouissances accumulées avant l’heure fatidique. Au contraire, il entend expurger les scories de l’illusion du désir, nettoyer son esprit des faux-fuyants, pour se retrouver au cœur même de la mort. Qu’il peut imaginer comme une naissance hypothétique.
Tragédie dans un écrin
Maryse Lapierre, qui avait dirigée Madame G. l’an dernier, signe ici une remarquable mise en scène, sans anicroche. On ressent le travail d’équipe où chaque élément justifie sa présence par sa justesse et son efficacité. Soulignons, pour un soir de première, la connivence des deux interprètes qu’on dirait siamois. Mary-Lee Picknell livre ici une prestation immense. D’un naturel désarmant, spontanée, excessive, elle est une complice sans pitié pour son compagnon en route vers la mort. Son jeu de la vérité, motivé autant par sa propre douleur que par le destin de cet homme rencontré par hasard, nous garde sur la mince ligne entre la banalité du quotidien et les pensées philosophiques.
Leur randonnée à travers l’Islande les amène à côtoyer les volcans, les falaises et les geysers, elle les entraîne dans une escapade en haute-mer, un tour guidé en bus, une tente sous la pluie. Chaque moment bascule dans l’autre par un emploi judicieux de la musique, de l’éclairage, des projections vidéo, des prises de vue en direct. Les chansons folks donnent le ton à ces deux karmas modelés par les grands espaces. La présence fantomatique de l’excellent Philip Larouche à la guitare, en fond de scène, imprègne la pièce d’une aura de mélancolie fort à propos.
Le jeu subtil des comédiens, les trouvailles simples, mais efficaces, comme cette petite tente lumineuse qui emporte le cauchemar de l’homme, le rapport brut au paysage à travers des chaises culbutées, les égoportraits projetés en direct, dévoilant un paysage invisible pour les spectateurs… tout cela nous donne l’immensité du monde dans un écrin magique.
Dans le débat actuel sur l’euthanasie et la mort assistée, Hypo vient alimenter la discussion par une posture volontariste. Il faut voir cette très belle proposition autant pour sa qualité de réflexion que pour sa présentation formelle. Ce premier texte de Vachon, entre philosophie et poésie, nous fait découvrir un auteur de talent.
Texte: Nicola-Frank Vachon. Mise en scène: Maryse Lapierre. Vidéo et éclairages: Kevin Dubois. Musique: Philip Larouche. Scénographie: Gabrielle Arseneault et Marianne Lebel. Visuel: Paul Bordeleau. Avec Mary-Lee Picknell et Nicola-Frank Vachon. Une production des Hébertistes. À Premier Acte jusqu’au 28 octobre 2017.
Lorsqu’il apprend qu’il va mourir bientôt, un homme entreprend une descente dans ses peurs pour déterminer lui-même le moment et la manière de cette mort annoncée. Pour ce long voyage vers lui-même, il choisit de partir en Islande, un pays «qui ressemble un peu au début et à la fin des temps avec des volcans, des geysers et l’absence d’arbres». Ce pays est en quelque sorte la métaphore de son entreprise. En route, il rencontre une femme qui devient complice de cette marche vers l’euthanasie.
Les deux comparses, bientôt enchaînés dans leur débat ontologique, nous entraînent dans les paysages infinis et fulgurants de cette île improbable. La petite scène de Premier Acte, magnifiée par des écrans de projection dispersés en panorama, devient le lieu d’un huis clos sur fond d’espace sans contours, ce «grand dehors». Dans cette marche vers la mort, leur complicité se déploie à travers le jeu de la vérité. Le parcours est jalonné de rires, de joie de vivre, d’étonnements devant les beautés de la vie, de douleurs vives, de deuils, de familles éclatées, de souffrances et d’espoir.
Se qualifiant lui-même d’hypocondriaque qui s’est imaginé 10 000 manières de mourir, l’auteur Nicola-Frank Vachon, jouant ici son propre rôle avec une belle retenue, aborde la question de l’euthanasie avec une franchise réjouissante. Rien de théorique, donc, mais l’expérience brute de la mort réelle. Il refuse la fuite en avant, les jouissances accumulées avant l’heure fatidique. Au contraire, il entend expurger les scories de l’illusion du désir, nettoyer son esprit des faux-fuyants, pour se retrouver au cœur même de la mort. Qu’il peut imaginer comme une naissance hypothétique.
Tragédie dans un écrin
Maryse Lapierre, qui avait dirigée Madame G. l’an dernier, signe ici une remarquable mise en scène, sans anicroche. On ressent le travail d’équipe où chaque élément justifie sa présence par sa justesse et son efficacité. Soulignons, pour un soir de première, la connivence des deux interprètes qu’on dirait siamois. Mary-Lee Picknell livre ici une prestation immense. D’un naturel désarmant, spontanée, excessive, elle est une complice sans pitié pour son compagnon en route vers la mort. Son jeu de la vérité, motivé autant par sa propre douleur que par le destin de cet homme rencontré par hasard, nous garde sur la mince ligne entre la banalité du quotidien et les pensées philosophiques.
Leur randonnée à travers l’Islande les amène à côtoyer les volcans, les falaises et les geysers, elle les entraîne dans une escapade en haute-mer, un tour guidé en bus, une tente sous la pluie. Chaque moment bascule dans l’autre par un emploi judicieux de la musique, de l’éclairage, des projections vidéo, des prises de vue en direct. Les chansons folks donnent le ton à ces deux karmas modelés par les grands espaces. La présence fantomatique de l’excellent Philip Larouche à la guitare, en fond de scène, imprègne la pièce d’une aura de mélancolie fort à propos.
Le jeu subtil des comédiens, les trouvailles simples, mais efficaces, comme cette petite tente lumineuse qui emporte le cauchemar de l’homme, le rapport brut au paysage à travers des chaises culbutées, les égoportraits projetés en direct, dévoilant un paysage invisible pour les spectateurs… tout cela nous donne l’immensité du monde dans un écrin magique.
Dans le débat actuel sur l’euthanasie et la mort assistée, Hypo vient alimenter la discussion par une posture volontariste. Il faut voir cette très belle proposition autant pour sa qualité de réflexion que pour sa présentation formelle. Ce premier texte de Vachon, entre philosophie et poésie, nous fait découvrir un auteur de talent.
Hypo
Texte: Nicola-Frank Vachon. Mise en scène: Maryse Lapierre. Vidéo et éclairages: Kevin Dubois. Musique: Philip Larouche. Scénographie: Gabrielle Arseneault et Marianne Lebel. Visuel: Paul Bordeleau. Avec Mary-Lee Picknell et Nicola-Frank Vachon. Une production des Hébertistes. À Premier Acte jusqu’au 28 octobre 2017.