Le Festival du jamais lu donne souvent l’impression de faire partie d’une réunion familiale tant l’atmosphère s’y veut conviviale. C’était particulièrement évident hier soir, lors de la lecture de la bande dessinée théâtrale autobiographique Le nombril du monstre, qui ose aborder un sujet boudé par nombre d’auteurs: la volonté assumée de paternité.
Des essais multiples des deux tourtereaux pour concevoir au désopilant épilogue dans laquelle Simone, neuf ans, souhaite convaincre son père de lui permettre d’assister à la représentation (on aurait d’ailleurs aimé savoir si elle avait vraiment gagné là-dessus), on passe par une large palette d’émotions, du fou rire aux larmes (la naissance elle-même, narrée uniquement en images qui se colorent au fur et à mesure sur fond de musique de Sigur Rós reste un moment puissant, comme les funérailles du grand-père Roger), avec le naturel de la vie qui bat, qui se bat.
Comme tous les futurs parents, Félix (Beaulieu-Duchesneau lui-même) a des doutes. Incapable de se confier à ses proches ou à sa famille, il le fait à son calepin d’esquisses (les planches sont projetées sur l’écran) et à la statue de Félix Leclerc, en l’honneur de qui il a été prénommé. Il espère pouvoir réaliser, en parallèle de la grossesse de Sandrine (Cloutier, elle aussi incarnant son rôle), une BD autobiographique et poétique, qui deviendrait aussi bien catharsis que cadeau à sa douce et à l’enfant à naître: «Avoir accès au nombril du monde en passant par le mien.»
Les multiples impondérables du quotidien l’empêcheront de compléter le tout, mais peu importe. Dans une mise en lecture refusant tout statisme, réalisée par l’auteur et Jean-François Nadeau, nous accompagnerons les futurs parents pas à pas: annonce aux parents (qui ne débordent pas d’enthousiasme) et aux amis (déclaration idéale pour «casser le party»), rendez-vous en maison de naissance, échographie, déménagement, visite aux arrière-grands-parents après la naissance…
Dans une volonté de dire les choses telles qu’elles sont – «ce qu’il y a de plus sombre et de plus lumineux», soulignera d’ailleurs à un moment Beaulieu-Duchesneau –, l’auteur ne gommera pas les crises de larmes de la mère ou l’incompréhension du père envers celles-ci. On osera invoquer la difficile conciliation travail-famille, mais aussi la question de la filiation et de l’identité nationale. La réflexion sur ces deux derniers points se révèle d’ailleurs étonnamment similaire à celle d’Alexandre McCabe dans son premier roman Chez la reine.
Il ne reste qu’à souhaiter à l’auteur que son bébé de papier voit le jour. Tous les éléments sont présents pour que la bande dessinée devienne un classique.
Texte de Félix Beaulieu-Duchesneau. Dans le cadre du Festival du Jamais Lu, au Théâtre Aux Écuries jusqu’au 9 mai 2014.
Le Festival du jamais lu donne souvent l’impression de faire partie d’une réunion familiale tant l’atmosphère s’y veut conviviale. C’était particulièrement évident hier soir, lors de la lecture de la bande dessinée théâtrale autobiographique Le nombril du monstre, qui ose aborder un sujet boudé par nombre d’auteurs: la volonté assumée de paternité.
Des essais multiples des deux tourtereaux pour concevoir au désopilant épilogue dans laquelle Simone, neuf ans, souhaite convaincre son père de lui permettre d’assister à la représentation (on aurait d’ailleurs aimé savoir si elle avait vraiment gagné là-dessus), on passe par une large palette d’émotions, du fou rire aux larmes (la naissance elle-même, narrée uniquement en images qui se colorent au fur et à mesure sur fond de musique de Sigur Rós reste un moment puissant, comme les funérailles du grand-père Roger), avec le naturel de la vie qui bat, qui se bat.
Comme tous les futurs parents, Félix (Beaulieu-Duchesneau lui-même) a des doutes. Incapable de se confier à ses proches ou à sa famille, il le fait à son calepin d’esquisses (les planches sont projetées sur l’écran) et à la statue de Félix Leclerc, en l’honneur de qui il a été prénommé. Il espère pouvoir réaliser, en parallèle de la grossesse de Sandrine (Cloutier, elle aussi incarnant son rôle), une BD autobiographique et poétique, qui deviendrait aussi bien catharsis que cadeau à sa douce et à l’enfant à naître: «Avoir accès au nombril du monde en passant par le mien.»
Les multiples impondérables du quotidien l’empêcheront de compléter le tout, mais peu importe. Dans une mise en lecture refusant tout statisme, réalisée par l’auteur et Jean-François Nadeau, nous accompagnerons les futurs parents pas à pas: annonce aux parents (qui ne débordent pas d’enthousiasme) et aux amis (déclaration idéale pour «casser le party»), rendez-vous en maison de naissance, échographie, déménagement, visite aux arrière-grands-parents après la naissance…
Dans une volonté de dire les choses telles qu’elles sont – «ce qu’il y a de plus sombre et de plus lumineux», soulignera d’ailleurs à un moment Beaulieu-Duchesneau –, l’auteur ne gommera pas les crises de larmes de la mère ou l’incompréhension du père envers celles-ci. On osera invoquer la difficile conciliation travail-famille, mais aussi la question de la filiation et de l’identité nationale. La réflexion sur ces deux derniers points se révèle d’ailleurs étonnamment similaire à celle d’Alexandre McCabe dans son premier roman Chez la reine.
Il ne reste qu’à souhaiter à l’auteur que son bébé de papier voit le jour. Tous les éléments sont présents pour que la bande dessinée devienne un classique.
Le nombril du monstre
Texte de Félix Beaulieu-Duchesneau. Dans le cadre du Festival du Jamais Lu, au Théâtre Aux Écuries jusqu’au 9 mai 2014.