Alessandro Baricco a conçu Novecento : pianiste comme un monologue dans lequel Tim Tooney, trompettiste revenu de tout, mais qui n’a jamais pu oublier ses années passées sur le Virginian, raconte l’histoire de Dany Boodman T.D. Lemon Novecento, enfant du siècle, mais surtout de l’océan. La metteure en scène Geneviève Dionne a eu la fort belle idée de déconstruire la pièce pour que deux voix s’y entrecroisent, transformant le texte en hommage à la puissance d’une amitié qui traverse les ans.
Si Martin Lebrun en Tim reste l’ancrage – la basse chiffrée pourrait-on dire –, Simon Dépôt en Nocevento (et quelques personnages secondaires) ajoute une résonance réelle au propos, transmettant en mots et en musique les grandes lignes d’un destin, qui ne peut devenir entièrement exceptionnel que parce qu’un autre en a été témoin. «Tu n’es pas vraiment fichu tant qu’il te reste une bonne histoire et quelqu’un à qui la raconter.» La complicité entre les deux acteurs est palpable, qu’ils s’assoient côte à côte ou dos à dos sur le banc de piano, qu’ils partagent une même couchette imaginaire ou qu’ils se tiennent, l’un côté cour, l’autre côté jardin, reflets complémentaires.
La musique joue un rôle essentiel dans la trame narrative de ce conte et celle d’Olivier Leclerc transmet bien les accents de jazz évoqués, mais aussi le côté inusité, presque désincarné de ces mélodies «qui n’existai[en]t nulle part» et «n’étai[en]t plus là, définitivement». Certaines pages moins complexes sont interprétées par Simon Dépôt, d’autres – dont la salve finale du combat de titans entre Novecento et Jelly Roll Morton – intégrées à la bande son. Porté par les harmonies recherchées du compositeur, on aurait aimé que celles-ci appuient d’autres moments-clé du récit, s’inscrivent en filigrane ou deviennent personnages à part entière. Le duel m’a paru étrangement désincarné, une fois réduit à deux courts extraits ciblés.
Deux danseuses-acrobates complètent la distribution et évoquent aussi bien la folie des années charleston que la furie des éléments ou la poésie de la musique. Ainsi, leur oscillation hypnotique sur le mur du fond derrière un transparent rend admirablement l’ouragan que doit affronter le transatlantique et leur ballet suspendu, troublant d’intimité, transpose en gestes le dialogue lancinant de l’ultime collaboration musicale du pianiste et du trompettiste de l’Atlantic Jazz Band.
Loin d’encombrer les mots de Baricco, ces ajouts les magnifient, leur donnent une rondeur autre, comme les harmoniques qui enveloppent une fondamentale. Une relecture réussie d’un texte qui n’a pas fini de révéler sa richesse.
Novecento: pianiste. Texte d’Alessandro Baricco. Mise en scène de Geneviève Dionne. Production du Théâtre de la Trotteuse. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 8 février 2014.
Alessandro Baricco a conçu Novecento : pianiste comme un monologue dans lequel Tim Tooney, trompettiste revenu de tout, mais qui n’a jamais pu oublier ses années passées sur le Virginian, raconte l’histoire de Dany Boodman T.D. Lemon Novecento, enfant du siècle, mais surtout de l’océan. La metteure en scène Geneviève Dionne a eu la fort belle idée de déconstruire la pièce pour que deux voix s’y entrecroisent, transformant le texte en hommage à la puissance d’une amitié qui traverse les ans.
Si Martin Lebrun en Tim reste l’ancrage – la basse chiffrée pourrait-on dire –, Simon Dépôt en Nocevento (et quelques personnages secondaires) ajoute une résonance réelle au propos, transmettant en mots et en musique les grandes lignes d’un destin, qui ne peut devenir entièrement exceptionnel que parce qu’un autre en a été témoin. «Tu n’es pas vraiment fichu tant qu’il te reste une bonne histoire et quelqu’un à qui la raconter.» La complicité entre les deux acteurs est palpable, qu’ils s’assoient côte à côte ou dos à dos sur le banc de piano, qu’ils partagent une même couchette imaginaire ou qu’ils se tiennent, l’un côté cour, l’autre côté jardin, reflets complémentaires.
La musique joue un rôle essentiel dans la trame narrative de ce conte et celle d’Olivier Leclerc transmet bien les accents de jazz évoqués, mais aussi le côté inusité, presque désincarné de ces mélodies «qui n’existai[en]t nulle part» et «n’étai[en]t plus là, définitivement». Certaines pages moins complexes sont interprétées par Simon Dépôt, d’autres – dont la salve finale du combat de titans entre Novecento et Jelly Roll Morton – intégrées à la bande son. Porté par les harmonies recherchées du compositeur, on aurait aimé que celles-ci appuient d’autres moments-clé du récit, s’inscrivent en filigrane ou deviennent personnages à part entière. Le duel m’a paru étrangement désincarné, une fois réduit à deux courts extraits ciblés.
Deux danseuses-acrobates complètent la distribution et évoquent aussi bien la folie des années charleston que la furie des éléments ou la poésie de la musique. Ainsi, leur oscillation hypnotique sur le mur du fond derrière un transparent rend admirablement l’ouragan que doit affronter le transatlantique et leur ballet suspendu, troublant d’intimité, transpose en gestes le dialogue lancinant de l’ultime collaboration musicale du pianiste et du trompettiste de l’Atlantic Jazz Band.
Loin d’encombrer les mots de Baricco, ces ajouts les magnifient, leur donnent une rondeur autre, comme les harmoniques qui enveloppent une fondamentale. Une relecture réussie d’un texte qui n’a pas fini de révéler sa richesse.
Novecento: pianiste. Texte d’Alessandro Baricco. Mise en scène de Geneviève Dionne. Production du Théâtre de la Trotteuse. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 8 février 2014.