Le théâtre, au sens large du terme, est un fruit mûr. Disons, une pêche. Le noyau dur, l’amande, en est la pratique habituelle, ancestrale, immuable et toujours neuve, amère ou douce, telle qu’en elle-même l’éternité la change. Autour, la chair, le jus et la peau du fruit sont constitués par les autres arts du spectacle vivant : danse, arts lyriques, arts du cirque avec toutes leurs déclinaisons (du clown au cheval), multimédias peuplant la scène d’écrans, arts de la parole proférée – la liste s’allonge sans cesse –, dans lesquels des êtres humains, en un même espace, partagent un temps identique alors qu’une partie d’entre eux se trouve en représentation. On situe souvent ces pratiques à la frontière du théâtre, voire dans les marges. Elles risquent alors d’être cataloguées comme du « non-théâtre » ou, moins négativement, comme des chances pour cet art millénaire et parfois, il faut bien le dire, poussiéreux, de se renouveler.
Parmi ces arts du spectacle, ou de la représentation vivante, certains traversent le fruit pour enrichir le théâtre du « noyau dur » et sont parfois, en retour, influencés par lui. Ainsi en a-t-il été de la variété ou du cirque à différentes époques, ou encore de la danse, au point où aujourd’hui l’expression « théâtre-danse » est devenue courante, surtout dans la foulée des travaux de Pina Bausch. Il en est de même du conte. Cet art populaire a connu, notamment au Québec, un développement exponentiel depuis au moins deux décennies. Héritier d’une tradition mais en prise sur le monde d’aujourd’hui, un pied dans la mémoire ou dans le mythe et l’autre dans le spectacle, qu’il soit de théâtre, d’humour ou de danse, le conte va-t-il s’enrichir au contact du théâtre ou perdre son âme ? Et le théâtre, que peut-il gagner à fréquenter les conteurs ? Des réponses apparaissent ici, foisonnantes, traitées autant par des conteurs que par des amateurs de conte.
Comme d’habitude, nous avons voulu accorder une place privilégiée aux artistes. Certains ont accepté notre invitation à s’emparer du clavier – Marc Laberge, Dan Yashinsky –, d’autres s’expriment amplement lors d’une Entrée libre d’une envergure exceptionnelle : Stéphanie Bénéteau, Renée Robitaille, André Lemelin, Jean-Marc Massie. Des articles proposent un panorama de la parole conteuse (Christian Saint-Pierre), creusent cette parole jusqu’au mythe (Brigitte Purkhardt), ou encore explorent les liens qui vont « De l’âtre au théâtre » (Christian-Marie Pons), autrement dit « du poêle à la scène » (Alexandre Cadieux). Pour leur part, Raymond Bertin et Alexandre Lazaridès se penchent respectivement sur l’édition du conte chez Planète rebelle et sur les ouvrages de réflexion sur cet art (« Le pollen des contes »). Enfin, un art voisin du théâtre trouve encore une fois sa place, puisque Guylaine Massoutre évoque la « Danse avec le conte ». N’oublions pas le conte original – inédit et « inélu » – d’Hélène Lasnier, du trio la Marie-Conteuse, à qui nous avons donné Carte blanche et qui propose à nos lecteurs « Le poison de Flo », inspiré d’une histoire taoïste.
Dans cette somme de points de vue planent deux incertitudes que nous n’avons pas entièrement résolues : la différence entre « légende urbaine » et « conte urbain », et la date approximative du renouveau du conte au Québec. Dans le premier cas, l’expression « légende urbaine » que certains emploient semble recouvrir un ensemble de pratiques plus vaste que le « conte urbain », dont la paternité revient, d’un commun accord, à son inventeur Yvan Bienvenue. En ce qui concerne les dates, certains situent le renouveau du conte – du moins, au Québec – dans les années 80, d’autres dix ans plus tard. On s’entendra cependant sur un fait : le déclencheur essentiel que fut le Festival interculturel du conte du Québec a débuté en 1993 et, auparavant, les Jocelyn Bérubé et Alain Lamontagne faisaient figure de précurseurs isolés.
Quoi d’autre ?
En dehors du conte, nous publions la lettre que l’auteur et homme de théâtre Olivier Choinière adresse à un critique fictif, avec en parallèle – et non en réponse – une réflexion sur notre pratique à Jeu : « S’arrêter pour réfléchir ». Également dans la rubrique « Enjeux », Gilles Marsolais pose quelques questions brûlantes sur une institution qui meurt (l’Académie québécoise du théâtre) et sur une autre qui « passe » – lire : ne passe pas ! – (la troupe permanente). Suivent des critiques de pièces qui ont marqué l’équipe de rédaction, notamment de Bob, Ailleurs, Lortie, Opium_37, Poe, un regard sur les 10es Coups de théâtre et sur le Festival Mondial du Cirque de Demain, une chronique inspirée d’Étienne Bourdages sur une pièce aussi inspirante venue d’Afrique du Sud, Molora, enfin, pour aller toujours plus loin, un automne 2008 en danse proposant rien de moins que des « Voyages et destinations infinies du corps ».
Le théâtre, au sens large du terme, est un fruit mûr. Disons, une pêche. Le noyau dur, l’amande, en est la pratique habituelle, ancestrale, immuable et toujours neuve, amère ou douce, telle qu’en elle-même l’éternité la change. Autour, la chair, le jus et la peau du fruit sont constitués par les autres arts du spectacle vivant : danse, arts lyriques, arts du cirque avec toutes leurs déclinaisons (du clown au cheval), multimédias peuplant la scène d’écrans, arts de la parole proférée – la liste s’allonge sans cesse –, dans lesquels des êtres humains, en un même espace, partagent un temps identique alors qu’une partie d’entre eux se trouve en représentation. On situe souvent ces pratiques à la frontière du théâtre, voire dans les marges. Elles risquent alors d’être cataloguées comme du « non-théâtre » ou, moins négativement, comme des chances pour cet art millénaire et parfois, il faut bien le dire, poussiéreux, de se renouveler.
Parmi ces arts du spectacle, ou de la représentation vivante, certains traversent le fruit pour enrichir le théâtre du « noyau dur » et sont parfois, en retour, influencés par lui. Ainsi en a-t-il été de la variété ou du cirque à différentes époques, ou encore de la danse, au point où aujourd’hui l’expression « théâtre-danse » est devenue courante, surtout dans la foulée des travaux de Pina Bausch. Il en est de même du conte. Cet art populaire a connu, notamment au Québec, un développement exponentiel depuis au moins deux décennies. Héritier d’une tradition mais en prise sur le monde d’aujourd’hui, un pied dans la mémoire ou dans le mythe et l’autre dans le spectacle, qu’il soit de théâtre, d’humour ou de danse, le conte va-t-il s’enrichir au contact du théâtre ou perdre son âme ? Et le théâtre, que peut-il gagner à fréquenter les conteurs ? Des réponses apparaissent ici, foisonnantes, traitées autant par des conteurs que par des amateurs de conte.
Comme d’habitude, nous avons voulu accorder une place privilégiée aux artistes. Certains ont accepté notre invitation à s’emparer du clavier – Marc Laberge, Dan Yashinsky –, d’autres s’expriment amplement lors d’une Entrée libre d’une envergure exceptionnelle : Stéphanie Bénéteau, Renée Robitaille, André Lemelin, Jean-Marc Massie. Des articles proposent un panorama de la parole conteuse (Christian Saint-Pierre), creusent cette parole jusqu’au mythe (Brigitte Purkhardt), ou encore explorent les liens qui vont « De l’âtre au théâtre » (Christian-Marie Pons), autrement dit « du poêle à la scène » (Alexandre Cadieux). Pour leur part, Raymond Bertin et Alexandre Lazaridès se penchent respectivement sur l’édition du conte chez Planète rebelle et sur les ouvrages de réflexion sur cet art (« Le pollen des contes »). Enfin, un art voisin du théâtre trouve encore une fois sa place, puisque Guylaine Massoutre évoque la « Danse avec le conte ». N’oublions pas le conte original – inédit et « inélu » – d’Hélène Lasnier, du trio la Marie-Conteuse, à qui nous avons donné Carte blanche et qui propose à nos lecteurs « Le poison de Flo », inspiré d’une histoire taoïste.
Dans cette somme de points de vue planent deux incertitudes que nous n’avons pas entièrement résolues : la différence entre « légende urbaine » et « conte urbain », et la date approximative du renouveau du conte au Québec. Dans le premier cas, l’expression « légende urbaine » que certains emploient semble recouvrir un ensemble de pratiques plus vaste que le « conte urbain », dont la paternité revient, d’un commun accord, à son inventeur Yvan Bienvenue. En ce qui concerne les dates, certains situent le renouveau du conte – du moins, au Québec – dans les années 80, d’autres dix ans plus tard. On s’entendra cependant sur un fait : le déclencheur essentiel que fut le Festival interculturel du conte du Québec a débuté en 1993 et, auparavant, les Jocelyn Bérubé et Alain Lamontagne faisaient figure de précurseurs isolés.
Quoi d’autre ?
En dehors du conte, nous publions la lettre que l’auteur et homme de théâtre Olivier Choinière adresse à un critique fictif, avec en parallèle – et non en réponse – une réflexion sur notre pratique à Jeu : « S’arrêter pour réfléchir ». Également dans la rubrique « Enjeux », Gilles Marsolais pose quelques questions brûlantes sur une institution qui meurt (l’Académie québécoise du théâtre) et sur une autre qui « passe » – lire : ne passe pas ! – (la troupe permanente). Suivent des critiques de pièces qui ont marqué l’équipe de rédaction, notamment de Bob, Ailleurs, Lortie, Opium_37, Poe, un regard sur les 10es Coups de théâtre et sur le Festival Mondial du Cirque de Demain, une chronique inspirée d’Étienne Bourdages sur une pièce aussi inspirante venue d’Afrique du Sud, Molora, enfin, pour aller toujours plus loin, un automne 2008 en danse proposant rien de moins que des « Voyages et destinations infinies du corps ».