Depuis la fin des représentations de 20 novembre, une mise en scène de Brigitte Haentjens au Théâtre La Chapelle en fin de saison dernière, il me semble qu’aucun spectacle n’a suscité de si vives réactions en périphérie de la scène. L’auteure Lise Vaillancourt, qui s’exprime à ce sujet dans nos pages, n’est pas la seule à avoir été outrée d’être prise en otage par cette mise en scène qui, en effet, travaillait dans le sens d’un certain emprisonnement du spectateur, à qui le protagoniste adressait directement ses reproches. En recevant le texte de Vaillancourt, le comité de rédaction de la revue s’est réjoui. Non parce que nous endossions le point de vue qui y est défendu, mais plutôt parce que nous y voyions une saine occasion de débat, maintenant que les sept mois écoulé depuis la présentation du spectacle nous assurent le recul nécessaire.
Le débat, je ne vous l’apprends peut-être pas, est le mode critique que je préfère. C’est d’ailleurs ce parti-pris pour la discussion qui guidera mon travail de blogueur sur ce tout nouveau et tout beau site web, comme ce fut le cas sur mon blogue précédent (paratheatre.com, blogue qui fut d’abord logé sur le site de l’hebdomadaire voir.ca). Laissez-moi d’ailleurs ouvrir une parenthèse : je suis vraiment honoré de profiter de ce nouvel espace de dialogue et d’embrasser du coup la fonction d’édimestre de revuejeu.org. Une aventure stimulante nous attend tous ici, sur cet espace virtuel où seront discutés les enjeux les plus criants de la scène théâtrale québécoise et où nous rendrons compte de l’actualité des scènes avec la rigueur que vous nous connaissez, mais avec un peu plus d’empressement que dans l’édition papier de la revue. Il faut considérer ce site web comme le prolongement naturel de la revue. En plus de proposer des contenus inédits et de réagir plus prestement à l’actualité théâtrale, il sera le lieu idéal pour débattre des idées traversant les textes de nos parutions et inviter des artistes à contribuer spontanément à l’échange. Fin de la parenthèse.
Le premier débat, donc, se trouve dans ce décapant texte de Lise Vaillancourt, que je vous laisse le loisir de commenter directement (il y a un bel espace pour ça à la suite de son texte, que nous publions intégralement). Pour ma part, je vais obstinément me buter à une phrase dérangeante, quitte à la sortir un peu de son contexte : « Le théâtre, à mon avis, n’est pas cérébral mais bien sensoriel. Nous ne sommes pas en train de penser quand nous allons au théâtre. »
En lisant ça, j’ai pensé tout de suite à une autre phrase qui m’avait affligé il y a peu, épinglée sur les murs du Quat’Sous alors que s’y jouait la pièce Chambres, d’Éric Jean : « Merci de laisser votre cerveau au vestiaire ».
Je n’ai absolument rien contre le théâtre sensoriel. Je le recherche, même, puisque les états physiques dans lesquels il me plonge sont rares et puissants, et qu’ils me font découvrir une autre dimension de la réalité. Mais comment arrive-t-on à dissocier complètement la sensorialité de la pensée, dites-moi? En quoi le théâtre sensoriel est-il anti-cérébral? Et surtout, pourquoi diable faudrait-il que le théâtre nous épargne la pensée?
Marie Brassard, par exemple, fait un théâtre profondément sensoriel, naviguant dans des atmosphères planantes qui ont un effet immédiat sur la perception et les sensations du spectateur. La structuration de la pensée y est inusitée, mais chaque fois, je sors de ses spectacles la tête remplie de questions et de réflexions sur les cadres et les structures dans lesquels nous vivons, ou sur les frontières, physiques et invisibles, que nos sociétés érigent entre les hommes. Le flou spatio-temporel et sensoriel dans lequel elle nous plonge nous invite à oublier nos repères habituels pour nous forcer à une remise en question du monde dans lequel on vit. Remise en question tout à fait « cérébrale » même si elle est déclenchée par du sensoriel.
C’est un exemple parmi tant d’autres. Et surtout un prétexte pour réaffirmer, comme Victor Hugo, que « le théâtre doit faire de la pensée le pain de la foule ».
En mettant en scène un révolté, un exclu du système qui cherche à remettre en question le mode de vie de ses contemporains, Brigitte Haentjens suggérait une réflexion sur l’indifférence excessive dans laquelle bon nombre d’entre nous trouvons refuge. Le spectacle nous accusait, certes brutalement, mais jamais à titre individuel, toujours en tant que partie prenante d’un système qui nous dépasse, et auquel nous étions invités à réfléchir.
Le théâtre doit faire de la pensée le pain de la foule. J’en ferai mon mantra. Je vous espère nombreux à me suivre…
Depuis la fin des représentations de 20 novembre, une mise en scène de Brigitte Haentjens au Théâtre La Chapelle en fin de saison dernière, il me semble qu’aucun spectacle n’a suscité de si vives réactions en périphérie de la scène. L’auteure Lise Vaillancourt, qui s’exprime à ce sujet dans nos pages, n’est pas la seule à avoir été outrée d’être prise en otage par cette mise en scène qui, en effet, travaillait dans le sens d’un certain emprisonnement du spectateur, à qui le protagoniste adressait directement ses reproches. En recevant le texte de Vaillancourt, le comité de rédaction de la revue s’est réjoui. Non parce que nous endossions le point de vue qui y est défendu, mais plutôt parce que nous y voyions une saine occasion de débat, maintenant que les sept mois écoulé depuis la présentation du spectacle nous assurent le recul nécessaire.
Le débat, je ne vous l’apprends peut-être pas, est le mode critique que je préfère. C’est d’ailleurs ce parti-pris pour la discussion qui guidera mon travail de blogueur sur ce tout nouveau et tout beau site web, comme ce fut le cas sur mon blogue précédent (paratheatre.com, blogue qui fut d’abord logé sur le site de l’hebdomadaire voir.ca). Laissez-moi d’ailleurs ouvrir une parenthèse : je suis vraiment honoré de profiter de ce nouvel espace de dialogue et d’embrasser du coup la fonction d’édimestre de revuejeu.org. Une aventure stimulante nous attend tous ici, sur cet espace virtuel où seront discutés les enjeux les plus criants de la scène théâtrale québécoise et où nous rendrons compte de l’actualité des scènes avec la rigueur que vous nous connaissez, mais avec un peu plus d’empressement que dans l’édition papier de la revue. Il faut considérer ce site web comme le prolongement naturel de la revue. En plus de proposer des contenus inédits et de réagir plus prestement à l’actualité théâtrale, il sera le lieu idéal pour débattre des idées traversant les textes de nos parutions et inviter des artistes à contribuer spontanément à l’échange. Fin de la parenthèse.
Le premier débat, donc, se trouve dans ce décapant texte de Lise Vaillancourt, que je vous laisse le loisir de commenter directement (il y a un bel espace pour ça à la suite de son texte, que nous publions intégralement). Pour ma part, je vais obstinément me buter à une phrase dérangeante, quitte à la sortir un peu de son contexte : « Le théâtre, à mon avis, n’est pas cérébral mais bien sensoriel. Nous ne sommes pas en train de penser quand nous allons au théâtre. »
En lisant ça, j’ai pensé tout de suite à une autre phrase qui m’avait affligé il y a peu, épinglée sur les murs du Quat’Sous alors que s’y jouait la pièce Chambres, d’Éric Jean : « Merci de laisser votre cerveau au vestiaire ».
Je n’ai absolument rien contre le théâtre sensoriel. Je le recherche, même, puisque les états physiques dans lesquels il me plonge sont rares et puissants, et qu’ils me font découvrir une autre dimension de la réalité. Mais comment arrive-t-on à dissocier complètement la sensorialité de la pensée, dites-moi? En quoi le théâtre sensoriel est-il anti-cérébral? Et surtout, pourquoi diable faudrait-il que le théâtre nous épargne la pensée?
Marie Brassard, par exemple, fait un théâtre profondément sensoriel, naviguant dans des atmosphères planantes qui ont un effet immédiat sur la perception et les sensations du spectateur. La structuration de la pensée y est inusitée, mais chaque fois, je sors de ses spectacles la tête remplie de questions et de réflexions sur les cadres et les structures dans lesquels nous vivons, ou sur les frontières, physiques et invisibles, que nos sociétés érigent entre les hommes. Le flou spatio-temporel et sensoriel dans lequel elle nous plonge nous invite à oublier nos repères habituels pour nous forcer à une remise en question du monde dans lequel on vit. Remise en question tout à fait « cérébrale » même si elle est déclenchée par du sensoriel.
C’est un exemple parmi tant d’autres. Et surtout un prétexte pour réaffirmer, comme Victor Hugo, que « le théâtre doit faire de la pensée le pain de la foule ».
En mettant en scène un révolté, un exclu du système qui cherche à remettre en question le mode de vie de ses contemporains, Brigitte Haentjens suggérait une réflexion sur l’indifférence excessive dans laquelle bon nombre d’entre nous trouvons refuge. Le spectacle nous accusait, certes brutalement, mais jamais à titre individuel, toujours en tant que partie prenante d’un système qui nous dépasse, et auquel nous étions invités à réfléchir.
Le théâtre doit faire de la pensée le pain de la foule. J’en ferai mon mantra. Je vous espère nombreux à me suivre…