La vie est un théâtre; le monde n’est qu’illusions. Une idée bien baroque, exploitée de long en large par Corneille dans L’Illusion Comique, cette drôle de pièce où s’enchassent les récits et se mélangent les genres. Un hymne au pouvoir du théâtre, cet art permettant parfois de montrer l’inmontrable ou de dire l’indicible, mais surtout d’observer la réalité d’un autre œil, avec de la hauteur et parfois de la dérision.
La metteure en scène Anne Millaire a bien compris le principe. Sa mise en scène est une fête théâtrale qui convoque sur scène une panoplie de costumes et évoque de nombreuses époques, en plus de multiplier les changements de tons. Bref, elle profite de cette foisonnante partition pour plonger la scène du Théâtre Denise-Pelletier dans une théâtralité assumée, exacerbée, servie par un jeu très physique et une mise en espace fort mouvementée. On aurait envie de dire: qui trop embrasse mal étreint. Et ce, même si le parti pris se défend bien: le texte impose cette démesure et on comprend qu’Anne Millaire n’ait pas voulu s’en priver.
Cela dit, ce n’est peut-être pas dans le mélange des genres théâtraux que se joue véritablement ce spectacle, mais dans un travail vocal très minutieux, qui tire l’alexandrin vers différentes extrémités, de la diction baroque (s’inspirant des travaux d’Eugene Greene) à une scansion vaguement inspirée du slam. Quelques semaines de répétition supplémentaires auraient rendu ce travail encore plus fluide et aurait mené la pièce à une certaine virtuosité, mais déjà, dans les limites imposées par le mode de production québécois, les comédiens s’en sortent fort bien. David-Alexandre Després, surtout, incarne prodigieusement un Matamore s’exprimant dans un français archaïque, reflet de son comportement arriéré et peu civilisé: c’est un monstre d’égo et de superficialité qui se croit supérieur au monde entier. La mise en scène le montre en quelque sorte coincé dans une époque ancienne, primitive, dans un leurre dont il n’a pas du tout conscience (il porte aussi un costume ridicule, toutefois assez fidèle à la tradition de la commedia dell’arte dont il est issu). La diction baroque a été assouplie, et ce n’est pas un travail aussi précis que celui du metteur en scène français Benjamin Lazar (élève de Greene). Mais le comédien s’en tire brillamment.
La multiplication des accents n’est pas toujours harmonieuse, cela dit. Difficile de trouver une justification à la grande diversité énonciative: le chaos linguistique ainsi créé n’est pas toujours signifiant et crée une certaine confusion. Certes, les différences d’accents suggèrent, comme d’ailleurs la diversité des genres théâtraux, un regard pluriel sur le monde et une invitation à multiplier les points de vue, à sortir des cadres établis et à montrer la diversité des visions du monde que peut transporter le théâtre. C’est clairement l’attitude que Corneille cherchait à favoriser en inscrivant son oeuvre à contre-courant du classicisme de son époque. Mais peut-on vraiment, en une seule mise en scène, faire rayonner chaque élément de ce texte à la structure éclatée, qui déborde de partout? Ce serait trop vertigineux, impossible à apprivoiser. C’est un peu l’écueil de cette mise en scène qui ratisse trop large et qui en fait trop.
Texte : Pierre Corneille. Mise en scène : Anne Millaire. Avec Isabeau Blanche, David-Alexandre Després, Vincent Fafard, Andréanne Lacasse, Denise Mercier, Frédéric Millaire-Zouvi, Carl Poliquin. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 9 décembre 2011.
La vie est un théâtre; le monde n’est qu’illusions. Une idée bien baroque, exploitée de long en large par Corneille dans L’Illusion Comique, cette drôle de pièce où s’enchassent les récits et se mélangent les genres. Un hymne au pouvoir du théâtre, cet art permettant parfois de montrer l’inmontrable ou de dire l’indicible, mais surtout d’observer la réalité d’un autre œil, avec de la hauteur et parfois de la dérision.
La metteure en scène Anne Millaire a bien compris le principe. Sa mise en scène est une fête théâtrale qui convoque sur scène une panoplie de costumes et évoque de nombreuses époques, en plus de multiplier les changements de tons. Bref, elle profite de cette foisonnante partition pour plonger la scène du Théâtre Denise-Pelletier dans une théâtralité assumée, exacerbée, servie par un jeu très physique et une mise en espace fort mouvementée. On aurait envie de dire: qui trop embrasse mal étreint. Et ce, même si le parti pris se défend bien: le texte impose cette démesure et on comprend qu’Anne Millaire n’ait pas voulu s’en priver.
Cela dit, ce n’est peut-être pas dans le mélange des genres théâtraux que se joue véritablement ce spectacle, mais dans un travail vocal très minutieux, qui tire l’alexandrin vers différentes extrémités, de la diction baroque (s’inspirant des travaux d’Eugene Greene) à une scansion vaguement inspirée du slam. Quelques semaines de répétition supplémentaires auraient rendu ce travail encore plus fluide et aurait mené la pièce à une certaine virtuosité, mais déjà, dans les limites imposées par le mode de production québécois, les comédiens s’en sortent fort bien. David-Alexandre Després, surtout, incarne prodigieusement un Matamore s’exprimant dans un français archaïque, reflet de son comportement arriéré et peu civilisé: c’est un monstre d’égo et de superficialité qui se croit supérieur au monde entier. La mise en scène le montre en quelque sorte coincé dans une époque ancienne, primitive, dans un leurre dont il n’a pas du tout conscience (il porte aussi un costume ridicule, toutefois assez fidèle à la tradition de la commedia dell’arte dont il est issu). La diction baroque a été assouplie, et ce n’est pas un travail aussi précis que celui du metteur en scène français Benjamin Lazar (élève de Greene). Mais le comédien s’en tire brillamment.
La multiplication des accents n’est pas toujours harmonieuse, cela dit. Difficile de trouver une justification à la grande diversité énonciative: le chaos linguistique ainsi créé n’est pas toujours signifiant et crée une certaine confusion. Certes, les différences d’accents suggèrent, comme d’ailleurs la diversité des genres théâtraux, un regard pluriel sur le monde et une invitation à multiplier les points de vue, à sortir des cadres établis et à montrer la diversité des visions du monde que peut transporter le théâtre. C’est clairement l’attitude que Corneille cherchait à favoriser en inscrivant son oeuvre à contre-courant du classicisme de son époque. Mais peut-on vraiment, en une seule mise en scène, faire rayonner chaque élément de ce texte à la structure éclatée, qui déborde de partout? Ce serait trop vertigineux, impossible à apprivoiser. C’est un peu l’écueil de cette mise en scène qui ratisse trop large et qui en fait trop.
L’Illusion
Texte : Pierre Corneille. Mise en scène : Anne Millaire. Avec Isabeau Blanche, David-Alexandre Després, Vincent Fafard, Andréanne Lacasse, Denise Mercier, Frédéric Millaire-Zouvi, Carl Poliquin. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 9 décembre 2011.