Quel bon spectacle! C’est la septième ou huitième mise en scène de ce chef-d’œuvre que je vois, bien qu’il ne soit pas souvent monté au Québec. Mais dans les anciens pays de l’Est, où l’on n’a de cesse de rejouer les classiques, la pièce de Gombrowicz a gardé toute sa puissance d’attraction. Car ce texte succulent représente toujours un défi pour les metteurs en scène, comme l’est le fait de montrer – sans le montrer vraiment – le fantôme du père d’Hamlet.
Ici, il s’agit de mettre en scène un personnage principal dont la laideur catastrophique étonne et repousse. La pauvre fille qu’un prince choisit d’épouser par bravade provoquera un beau chaos à la Cour royale. Généralement, plutôt que de choisir une « vraie » laide (quelle gageure!), ou d’enlaidir artificiellement une comédienne, on dissimule son visage avec ses cheveux et un chapeau, et on la fait jouer de dos ou de trois-quarts. C’est ce qu’a choisi le metteur en scène Louis-Karl Tremblay. Le jeu d’Ariane Lacombe contribue puissamment à la composition de ce personnage « au sang paresseux ». Elle est avachie de la colonne, le ventre mou comme ses gestes – ou plus souvent l’absence de gestes –, les souliers délacés et les chaussettes tombées. Autour d’elle, par contraste, les dames affriolantes de la Cour sont pimpantes et court-vêtues.
Tremblay a su choisir une distribution éclatante, où trois « vieux » comédiens encadrent une douzaine de jeunes apparemment fraîchement émoulus de l’UQAM. Une Markita Boies impériale dans son port et ses menus signes de la main, un Peter Batakliev en roi excentrique et détraqué, et, surtout, un Alain Fournier aussi drôle en valet Valentin qu’en tante d’Yvonne, forment l’ossature de la distribution. S’ajoute un surprenant Sébastien David en chambellan longiligne au physique impayable et au jeu à l’avenant. Les autres acteurs jouent juste : le prince autant que les deux jeunes qui l’entourent.
Une mise en scène imaginative jusque dans les détails ne cesse de susciter l’attention. Ainsi, la jeune courtisane que le prince embrasse par dépit se promène sur la pointe des pieds lorsqu’elle porte ses souliers à la main (comme si ses chaussures aux talons hauts l’avaient irrémédiablement juchée), et le chambellan orchestre les soupirs et autres réactions des courtisans avec des claquements de doigts efficaces. Les costumes inventifs, faits avec des riens qui habillent, le décor de toiles élastiques translucides dans lesquels jouent les éclairages, toute cette bibeloterie produit un réjouissant équilibre visuel.
Si vous ne connaissez pas encore ce grand classique du XXe siècle, ou que vous ne l’avez pas vu depuis longtemps, allez au Prospero car une jeune troupe lui fait honneur.
Texte : Witold Gombrowicz. Traduction : Geneviève Serreau, K.A. Jelenski. Mise en scène : Louis-Karl Tremblay. Avec Peter Batakliev, Markita Boies, Stéphanie Cardi, Luc Chandonnet, Sébastien David, Maxime Desjardins, Alain Fournier, Simon Fréchette-Daoust, Ariane Lacombe, Gabriel Lessard, Katherine Mossalim, Yan Rompré, Audrée Southières, Francis William-Rhéaume. Au Théâtre Prospero jusqu’au 17 décembre 2011.
Quel bon spectacle! C’est la septième ou huitième mise en scène de ce chef-d’œuvre que je vois, bien qu’il ne soit pas souvent monté au Québec. Mais dans les anciens pays de l’Est, où l’on n’a de cesse de rejouer les classiques, la pièce de Gombrowicz a gardé toute sa puissance d’attraction. Car ce texte succulent représente toujours un défi pour les metteurs en scène, comme l’est le fait de montrer – sans le montrer vraiment – le fantôme du père d’Hamlet.
Ici, il s’agit de mettre en scène un personnage principal dont la laideur catastrophique étonne et repousse. La pauvre fille qu’un prince choisit d’épouser par bravade provoquera un beau chaos à la Cour royale. Généralement, plutôt que de choisir une « vraie » laide (quelle gageure!), ou d’enlaidir artificiellement une comédienne, on dissimule son visage avec ses cheveux et un chapeau, et on la fait jouer de dos ou de trois-quarts. C’est ce qu’a choisi le metteur en scène Louis-Karl Tremblay. Le jeu d’Ariane Lacombe contribue puissamment à la composition de ce personnage « au sang paresseux ». Elle est avachie de la colonne, le ventre mou comme ses gestes – ou plus souvent l’absence de gestes –, les souliers délacés et les chaussettes tombées. Autour d’elle, par contraste, les dames affriolantes de la Cour sont pimpantes et court-vêtues.
Tremblay a su choisir une distribution éclatante, où trois « vieux » comédiens encadrent une douzaine de jeunes apparemment fraîchement émoulus de l’UQAM. Une Markita Boies impériale dans son port et ses menus signes de la main, un Peter Batakliev en roi excentrique et détraqué, et, surtout, un Alain Fournier aussi drôle en valet Valentin qu’en tante d’Yvonne, forment l’ossature de la distribution. S’ajoute un surprenant Sébastien David en chambellan longiligne au physique impayable et au jeu à l’avenant. Les autres acteurs jouent juste : le prince autant que les deux jeunes qui l’entourent.
Une mise en scène imaginative jusque dans les détails ne cesse de susciter l’attention. Ainsi, la jeune courtisane que le prince embrasse par dépit se promène sur la pointe des pieds lorsqu’elle porte ses souliers à la main (comme si ses chaussures aux talons hauts l’avaient irrémédiablement juchée), et le chambellan orchestre les soupirs et autres réactions des courtisans avec des claquements de doigts efficaces. Les costumes inventifs, faits avec des riens qui habillent, le décor de toiles élastiques translucides dans lesquels jouent les éclairages, toute cette bibeloterie produit un réjouissant équilibre visuel.
Si vous ne connaissez pas encore ce grand classique du XXe siècle, ou que vous ne l’avez pas vu depuis longtemps, allez au Prospero car une jeune troupe lui fait honneur.
Yvonne, princesse de Bourgogne
Texte : Witold Gombrowicz. Traduction : Geneviève Serreau, K.A. Jelenski. Mise en scène : Louis-Karl Tremblay. Avec Peter Batakliev, Markita Boies, Stéphanie Cardi, Luc Chandonnet, Sébastien David, Maxime Desjardins, Alain Fournier, Simon Fréchette-Daoust, Ariane Lacombe, Gabriel Lessard, Katherine Mossalim, Yan Rompré, Audrée Southières, Francis William-Rhéaume. Au Théâtre Prospero jusqu’au 17 décembre 2011.