Robert Gravel a marqué le théâtre québécois à l’encre indélébile de la liberté. De son Mougnan dans Les Oranges sont vertes de Gauvreau, aux créations du Théâtre Expérimental de Montréal, puis du Nouveau Théâtre Expérimental, en passant par la folle idée de la LNI, il aura réussi un amalgame inédit de recherche rigoureuse et de désinvolture.
C’est ce que parvient à transmettre Jean-Claude Coulbois avec Mort subite d’un homme-théâtre. Le documentariste, qui forge depuis de nombreuses années une œuvre incontournable pour quiconque s’intéresse au théâtre, livre un portrait juste, sans jamais être didactique, de Gravel et de son œuvre : ses idées, sa conception du théâtre et du jeu de l’acteur. Il faut saluer la démarche de Coulbois, intelligente et rigoureuse, qui n’a pas cherché à plaire à tout prix au plus grand nombre. Nulle trace de la carrière télévisuelle de Gravel, par exemple, pourtant florissante. Pas d’incursions non plus dans sa vie intime ou familiale. Le curieux titre se révèle bien choisi: c’est bien d’un «homme-théâtre» qu’il est question.
Le tournage s’est amorcé au printemps 1996: cinq jours où Coulbois a suivi Gravel dans ce qui allait être son dernier match à la LNI, ainsi qu’en salle de répétition et en coulisses pour Thérèse, Tom et Simon. Le 12 août suivant, l’annonce de la mort « du grand Bob », comme le surnommaient plusieurs, allait prendre tout le monde par surprise. Il avait 51 ans.
Le réalisateur a mis de côté son projet, ne souhaitant pas en faire un panégyrique, un hommage postmortem. Mais voilà: les dernières images de Gravel au travail, ses dernières réflexions sur son art, ça ne pouvait pas rester dans les cartons. Coulbois laisserait donc la parole à de nombreux proches collaborateurs (Jean- Pierre Ronfard, Pol Pelletier, Alexis Martin, Guylaine Tremblay, Jacques L’Heureux, Jean Bard, entre autres), s’intéresserait à la création de l’intégrale de Thérèse, Tom et Simon et fouillerait les archives vidéo du NTE.
Le résultat final est d’une remarquable cohérence. Les étapes du parcours de l’artiste et l’arrière-plan historique sont brossés à grands traits, mais clairs. La part du lion revient plutôt à la pensée de Gravel, à son refus des conventions, de ce qu’il nommait «la dignité de l’acteur», du théâtre figé dans ses conventions. Il affirme son désir de «s’enfoncer dans le vertige», d’être dans «l’irrespect des choses», de «fouiller dans le laid, le difficile», lui qui pourtant refusait le mythe du créateur torturé qui enfantait dans la douleur. S’il y a, chez Gravel, un amour du jeu, un plaisir malin à être en bande, comme le gamin qui prépare un mauvais coup, il y a aussi, dans ses dernières pièces, une gravité troublante, jumelée à une rare violence dans Thérèse, Tom et Simon.
Mort subite d’un homme-théâtre permet de prendre la mesure de l’apport de Robert Gravel dans la pratique théâtrale québécoise. On ne peut manquer de constater ce que doivent certains créateurs, parmi les plus intéressants à l’heure actuelle, à ses expériences sans concession et à sa quête du «non-jeu». Le documentaire aura certes une longue vie dans tous les lieux où s’enseigne le théâtre. Mais on lui souhaite aussi une longue vie en salle puisqu’il livre avant tout une belle leçon de liberté.
Mort subite d’un homme-théâtre
Documentaire de Jean-Claude Coulbois
Les Films du 3 mars
Présentement à l’affiche au Cinéma Beaubien, à Montréal et au CLAP, à Québec
Robert Gravel a marqué le théâtre québécois à l’encre indélébile de la liberté. De son Mougnan dans Les Oranges sont vertes de Gauvreau, aux créations du Théâtre Expérimental de Montréal, puis du Nouveau Théâtre Expérimental, en passant par la folle idée de la LNI, il aura réussi un amalgame inédit de recherche rigoureuse et de désinvolture.
C’est ce que parvient à transmettre Jean-Claude Coulbois avec Mort subite d’un homme-théâtre. Le documentariste, qui forge depuis de nombreuses années une œuvre incontournable pour quiconque s’intéresse au théâtre, livre un portrait juste, sans jamais être didactique, de Gravel et de son œuvre : ses idées, sa conception du théâtre et du jeu de l’acteur. Il faut saluer la démarche de Coulbois, intelligente et rigoureuse, qui n’a pas cherché à plaire à tout prix au plus grand nombre. Nulle trace de la carrière télévisuelle de Gravel, par exemple, pourtant florissante. Pas d’incursions non plus dans sa vie intime ou familiale. Le curieux titre se révèle bien choisi: c’est bien d’un «homme-théâtre» qu’il est question.
Le tournage s’est amorcé au printemps 1996: cinq jours où Coulbois a suivi Gravel dans ce qui allait être son dernier match à la LNI, ainsi qu’en salle de répétition et en coulisses pour Thérèse, Tom et Simon. Le 12 août suivant, l’annonce de la mort « du grand Bob », comme le surnommaient plusieurs, allait prendre tout le monde par surprise. Il avait 51 ans.
Le réalisateur a mis de côté son projet, ne souhaitant pas en faire un panégyrique, un hommage postmortem. Mais voilà: les dernières images de Gravel au travail, ses dernières réflexions sur son art, ça ne pouvait pas rester dans les cartons. Coulbois laisserait donc la parole à de nombreux proches collaborateurs (Jean- Pierre Ronfard, Pol Pelletier, Alexis Martin, Guylaine Tremblay, Jacques L’Heureux, Jean Bard, entre autres), s’intéresserait à la création de l’intégrale de Thérèse, Tom et Simon et fouillerait les archives vidéo du NTE.
Le résultat final est d’une remarquable cohérence. Les étapes du parcours de l’artiste et l’arrière-plan historique sont brossés à grands traits, mais clairs. La part du lion revient plutôt à la pensée de Gravel, à son refus des conventions, de ce qu’il nommait «la dignité de l’acteur», du théâtre figé dans ses conventions. Il affirme son désir de «s’enfoncer dans le vertige», d’être dans «l’irrespect des choses», de «fouiller dans le laid, le difficile», lui qui pourtant refusait le mythe du créateur torturé qui enfantait dans la douleur. S’il y a, chez Gravel, un amour du jeu, un plaisir malin à être en bande, comme le gamin qui prépare un mauvais coup, il y a aussi, dans ses dernières pièces, une gravité troublante, jumelée à une rare violence dans Thérèse, Tom et Simon.
Mort subite d’un homme-théâtre permet de prendre la mesure de l’apport de Robert Gravel dans la pratique théâtrale québécoise. On ne peut manquer de constater ce que doivent certains créateurs, parmi les plus intéressants à l’heure actuelle, à ses expériences sans concession et à sa quête du «non-jeu». Le documentaire aura certes une longue vie dans tous les lieux où s’enseigne le théâtre. Mais on lui souhaite aussi une longue vie en salle puisqu’il livre avant tout une belle leçon de liberté.
Mort subite d’un homme-théâtre
Documentaire de Jean-Claude Coulbois
Les Films du 3 mars
Présentement à l’affiche au Cinéma Beaubien, à Montréal et au CLAP, à Québec
Bientôt aux Nouveautés documentaires à Saguenay, le 10 avril, et à Cinélune (Gaspé), le 21 avril