Critiques

Un : En quête de soi

Mani Soleymanlou est Iranien. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il a été amené à participer aux « Lundis Découvertes » du Théâtre de Quat’sous en 2009. Enthousiaste à l’idée de parler de sa culture d’origine, il n’a pas hésité à monter sur les planches, pour se retrouver confronté à un problème de taille: cet Iran qui fait partie de lui, qu’en connaît-il au fond?

La langue, l’histoire, quelques recettes de cuisine fameuses, mais encore? Certes, il est né en Iran, certes, ses parents sont Iraniens, mais lui qui a vécu en France, à Toronto, à Ottawa avant de poser ses valises à Montréal, quelles sont ses racines? Fort de ce constat, il nous livre le produit de ses réflexions sur la construction de soi, le déracinement et le rapport du Québec à l’étranger, le tout seul en scène, à mi-chemin entre le théâtre et le stand-up comedy.

C’est qu’il a du talent ce jeune homme. Un talent d’écriture d’abord, maniant avec habileté l’humour pour éviter à la gravité de s’installer. Zigzaguant entre ses souvenirs d’enfance, de courtes leçons d’histoire, et des clichés folkloriques, il nous livre un parcours, le sien, avec lucidité et autodérision, et, sans en avoir l’air, nous invite à réfléchir sur la question de l’identité. Entre deux éclats de rire, on prend ainsi conscience du déchirement que peut ressentir un immigrant entre son identité de « racines » et celle de ceux qui sont restés au pays, qui vivent l’oppression quotidienne d’une théocratie et qui se battent pour avoir le droit d’exister.

Talent de metteur en scène ensuite. Évoluant au milieu de chaises bien alignées, il utilise intelligemment l’espace et parvient à nous faire voir dans les chaises aussi bien des bancs d’école, que des sièges d’avion, une foule en transe ou des enfants-soldats. Certains spectateurs, dont je suis, aiment que l’on fasse travailler ainsi leur imaginaire!

Si le spectacle est intitulé Un, c’est que, en plus d’être un solo écrit, joué et mis en scène par la même personne (tout de même assisté de la metteure en scène Alice Ronfard), il évoque la quête de réconciliation de l’auteur avec ses identités multiples, pour former un être unique qui accepte l’absence et le vide et s’en nourrit.

Écrite en français, puis traduite en anglais, la pièce a déjà été présentée à Calgary et à Toronto. Elle est également publiée à L’instant même. Espérons que Soleymanlou le comédien ne s’arrêtera pas à ce premier essai d’écriture et de mise en scène fort prometteur.

 

Un
Texte, mise en scène et interprétation de Mani Soleymanlou

Co-mise en scène: Alice Ronfard

Une production Orange Noyée
Au Théâtre La Chapelle jusqu’au 1er décembre