Peut-on encore faire rimer intimité et sexualité? Le sexe s’étale, en gros plan, en petits caractères, sur papier glacé, sur écran géant. On en parle, à la radio, à la télévision, aux heures de grande écoute comme à l’orée de la nuit. Il y a 17 ans, Eve Ensler prenait d’assaut la planète avec son brûlot féministe Les monologues du vagin, traduit en 46 langues, auquel se sont frottés certaines des actrices les plus saluées. On pensait tout avoir entendu, être revenu de tout, et pourtant, certains tabous demeuraient, tenaces. En s’appropriant elle-même les mots d’Ensler, la néerlandaise Adelheid Roosen a réalisé qu’il était temps de déboulonner certains mythes associés à la femme musulmane, que l’œil occidental perçoit comme dépendante, brimée, flouée. Elle a interviewé plus de 70 immigrantes musulmanes de première et deuxième génération établies aux Pays-Bas, des vierges, des grands-mères, des lesbiennes, des plus ou moins religieuses, pour en extraire 12 témoignages, autant de regards complémentaires sur une réalité à des lieues des clichés véhiculés.
La question du voile n’est ici qu’effleurée. « Mon voile, je le porte dans mes yeux, dans mon regard. » On y parlera par contre de mariages arrangés, de l’hymen (délirant segment, au ton clinique volontairement décalé, auquel participe les quatre comédiennes, une gomme à mâcher servant à démontrer les multiples affirmations de la gynécologue « invitée »), de défloration, de conversations de hammam, de viol, d’homosexualité, d’excision. Ce dialogue entre mère excisée et fille qui ne l’a pas été reste particulièrement troublant. On pense que l’on sait de quel côté la balance de la raison devrait pencher, et puis, non, miroir projeté vers un autre, le texte nous renvoie à nos propres limites. Quand l’aînée explique que la compassion des amies néerlandaises de sa fille l’humilie, on réalise qu’aux noir et blanc tranchés, il faudrait toujours préférer les gris, au fond plus nuancés. On réalise, presque malgré soi que, au fond, bien sûr, les femmes musulmanes rêvent, comme toutes les autres, que l’homme les remarque, fasse attention à elles, les comprenne.
La mise en scène minimaliste, mais efficace, donne au spectateur l’impression d’avoir été convié à une soirée de filles (comme en témoigne la salle, composée en grande majorité de femmes).Un long sofa de cuir noir, sur lequel les quatre complices s’assoient, s’étendent, se touchent, s’appuient, suffit à créer un sentiment d’intimité, qui refuse pourtant toute mièvrerie. Le saz, le tambour et la voix envoutante d’Hassiba Halab servent d’habile ponctuation, facilitant certaines transitions ou offrant ici et là des instants suspendus, qui permettent de laisser l’histoire entendue se déposer en nous. Impudiques, ces Monologues voilés? Certainement. Vulgaires? Jamais. Et si le voile, au fond, se trouvait dans l’œil de celui qui regarde?
Peut-on encore faire rimer intimité et sexualité? Le sexe s’étale, en gros plan, en petits caractères, sur papier glacé, sur écran géant. On en parle, à la radio, à la télévision, aux heures de grande écoute comme à l’orée de la nuit. Il y a 17 ans, Eve Ensler prenait d’assaut la planète avec son brûlot féministe Les monologues du vagin, traduit en 46 langues, auquel se sont frottés certaines des actrices les plus saluées. On pensait tout avoir entendu, être revenu de tout, et pourtant, certains tabous demeuraient, tenaces. En s’appropriant elle-même les mots d’Ensler, la néerlandaise Adelheid Roosen a réalisé qu’il était temps de déboulonner certains mythes associés à la femme musulmane, que l’œil occidental perçoit comme dépendante, brimée, flouée. Elle a interviewé plus de 70 immigrantes musulmanes de première et deuxième génération établies aux Pays-Bas, des vierges, des grands-mères, des lesbiennes, des plus ou moins religieuses, pour en extraire 12 témoignages, autant de regards complémentaires sur une réalité à des lieues des clichés véhiculés.
La question du voile n’est ici qu’effleurée. « Mon voile, je le porte dans mes yeux, dans mon regard. » On y parlera par contre de mariages arrangés, de l’hymen (délirant segment, au ton clinique volontairement décalé, auquel participe les quatre comédiennes, une gomme à mâcher servant à démontrer les multiples affirmations de la gynécologue « invitée »), de défloration, de conversations de hammam, de viol, d’homosexualité, d’excision. Ce dialogue entre mère excisée et fille qui ne l’a pas été reste particulièrement troublant. On pense que l’on sait de quel côté la balance de la raison devrait pencher, et puis, non, miroir projeté vers un autre, le texte nous renvoie à nos propres limites. Quand l’aînée explique que la compassion des amies néerlandaises de sa fille l’humilie, on réalise qu’aux noir et blanc tranchés, il faudrait toujours préférer les gris, au fond plus nuancés. On réalise, presque malgré soi que, au fond, bien sûr, les femmes musulmanes rêvent, comme toutes les autres, que l’homme les remarque, fasse attention à elles, les comprenne.
La mise en scène minimaliste, mais efficace, donne au spectateur l’impression d’avoir été convié à une soirée de filles (comme en témoigne la salle, composée en grande majorité de femmes).Un long sofa de cuir noir, sur lequel les quatre complices s’assoient, s’étendent, se touchent, s’appuient, suffit à créer un sentiment d’intimité, qui refuse pourtant toute mièvrerie. Le saz, le tambour et la voix envoutante d’Hassiba Halab servent d’habile ponctuation, facilitant certaines transitions ou offrant ici et là des instants suspendus, qui permettent de laisser l’histoire entendue se déposer en nous. Impudiques, ces Monologues voilés? Certainement. Vulgaires? Jamais. Et si le voile, au fond, se trouvait dans l’œil de celui qui regarde?
Les monologues voilés
Texte et mise en scène d’Adelheid Roosen
Une production AxeSud (Belgique)
À la 5e salle de la Place des Arts jusqu’au 15 décembre