S’attaquer à La Guerre des tuques, film culte de toute une génération, représentait non seulement un défi de taille, mais aussi un pari risqué. Qui de mieux que le Théâtre Sous Zéro – dont la particularité est de faire jouer ses acteurs à l’extérieur, en hiver, peu importe la température, alors que les spectateurs sont installés à l’intérieur – pour tenter le coup? C’est donc dans la cour du Musée national des beaux-arts du Québec – avec un mercure qui indiquait – 24ºC lorsque nous avons assisté à la pièce – que la troupe de Fabien Cloutier, auteur et metteur en scène du spectacle, nous a offert son interprétation de cette célèbre œuvre cinématographique.
Mais attention, cette nouvelle version s’adresse à un tout autre public. En effet, c’est une adaptation corrosive que nous offre Cloutier, qui a souhaité transformer cet inoffensif récit d’une bataille géante de boules de neige en «conte PAS pour tous». Si nous retrouvons une bonne partie des personnages du film, en commençant par la chienne Cléo, qui assume ici la narration, ceux-ci sont présentés en version adulte… et non censurée. Cléo, personnifiée par la comédienne Sophie Thibeault, raconte au public combien elle se sent délaissée et négligée depuis que Pierre (Guillaume Boisbriand), son maître, a un enfant qui monopolise toute son attention.
Et puis voilà qu’il en rajoute en acceptant de participer avec son ami François «les lunettes» (Joëlle Bourdon, tout simplement hilarante) et Sophie (Danielle LeSaux-Farmer), sa nouvelle voisine, à une stupide guerre les opposant à Luc Chicoine (Lucien Ratio, très juste dans ce rôle), qui se prend pour un général, Ti-Jacques (Jean-René Moisan) et Chabot (Philippe Duroche). Rien pour permettre à Pierre de s’occuper davantage de sa fidèle amie… Cléo cherche donc un moyen de mettre fin à ce combat d’ego – parce que dans cette guerre, il n’y a même pas de butin, on se bat pour l’honneur! – et trouve l’allié idéal en la personne de Ti-Guy La Lune (Maxime Perron, désopilant).
Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas tellement l’impression de nous éloigner de la version originale. Mais c’est dans le discours des personnages que le véritable travail de Fabien Cloutier se révèle et que nous sont offerts la fougue et le mordant auxquels il nous a habitués. Bien que les comportements des protagonistes reproduisent parfois ceux de leurs homologues du film, et relèvent donc d’un univers plus enfantin, le public est rapidement ramené à la réalité du monde «adulte» lorsque Pierre se rappelle qu’il doit acheter du Tempra et des Wet Ones pour le bébé, que Luc profère des menaces plutôt trashs au clan ennemi avant le début de la guerre et qu’on nous parle de magasiner chez Costco et de pertes d’emplois dans la région.
Les dialogues constituent une parfaite adéquation entre l’attendrissante naïveté de l’œuvre originale et la touche politiquement incorrecte de Cloutier. L’auteur s’est également amusé à transformer plus en profondeur certains personnages, comme celui de Ti-Guy La Lune, qui devient ici une espèce de chaman disjoncté qui parle avec les animaux et la neige, et celui du petit frère de François (Simon Lepage), qui n’a rien du «nerd» à lunettes présenté dans le film.
Le fait de jouer à l’extérieur, dans la neige, rend évidemment le tout très crédible, mais la scénographie simple et ingénieuse vient brillamment compléter le tout. On a mis juste ce qu’il fallait de nostalgie dans les costumes et la musique, et la technique, bien que soumise aux rigueurs du froid et du vent, tient le coup. C’est donc dire que Fabien Cloutier a relevé le défi avec brio et que sa Guerre des tuques vaut le détour.
La Guerre des tuques. Un conte PAS pour tous
Texte et mise en scène: Fabien Cloutier
D’après le scénario de Roger Cantin, Danyèle Patenaude et réalisé par André Melançon
Une production du Théâtre Sous Zéro
Au Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’au 3 mars 2013
S’attaquer à La Guerre des tuques, film culte de toute une génération, représentait non seulement un défi de taille, mais aussi un pari risqué. Qui de mieux que le Théâtre Sous Zéro – dont la particularité est de faire jouer ses acteurs à l’extérieur, en hiver, peu importe la température, alors que les spectateurs sont installés à l’intérieur – pour tenter le coup? C’est donc dans la cour du Musée national des beaux-arts du Québec – avec un mercure qui indiquait – 24ºC lorsque nous avons assisté à la pièce – que la troupe de Fabien Cloutier, auteur et metteur en scène du spectacle, nous a offert son interprétation de cette célèbre œuvre cinématographique.
Mais attention, cette nouvelle version s’adresse à un tout autre public. En effet, c’est une adaptation corrosive que nous offre Cloutier, qui a souhaité transformer cet inoffensif récit d’une bataille géante de boules de neige en «conte PAS pour tous». Si nous retrouvons une bonne partie des personnages du film, en commençant par la chienne Cléo, qui assume ici la narration, ceux-ci sont présentés en version adulte… et non censurée. Cléo, personnifiée par la comédienne Sophie Thibeault, raconte au public combien elle se sent délaissée et négligée depuis que Pierre (Guillaume Boisbriand), son maître, a un enfant qui monopolise toute son attention.
Et puis voilà qu’il en rajoute en acceptant de participer avec son ami François «les lunettes» (Joëlle Bourdon, tout simplement hilarante) et Sophie (Danielle LeSaux-Farmer), sa nouvelle voisine, à une stupide guerre les opposant à Luc Chicoine (Lucien Ratio, très juste dans ce rôle), qui se prend pour un général, Ti-Jacques (Jean-René Moisan) et Chabot (Philippe Duroche). Rien pour permettre à Pierre de s’occuper davantage de sa fidèle amie… Cléo cherche donc un moyen de mettre fin à ce combat d’ego – parce que dans cette guerre, il n’y a même pas de butin, on se bat pour l’honneur! – et trouve l’allié idéal en la personne de Ti-Guy La Lune (Maxime Perron, désopilant).
Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas tellement l’impression de nous éloigner de la version originale. Mais c’est dans le discours des personnages que le véritable travail de Fabien Cloutier se révèle et que nous sont offerts la fougue et le mordant auxquels il nous a habitués. Bien que les comportements des protagonistes reproduisent parfois ceux de leurs homologues du film, et relèvent donc d’un univers plus enfantin, le public est rapidement ramené à la réalité du monde «adulte» lorsque Pierre se rappelle qu’il doit acheter du Tempra et des Wet Ones pour le bébé, que Luc profère des menaces plutôt trashs au clan ennemi avant le début de la guerre et qu’on nous parle de magasiner chez Costco et de pertes d’emplois dans la région.
Les dialogues constituent une parfaite adéquation entre l’attendrissante naïveté de l’œuvre originale et la touche politiquement incorrecte de Cloutier. L’auteur s’est également amusé à transformer plus en profondeur certains personnages, comme celui de Ti-Guy La Lune, qui devient ici une espèce de chaman disjoncté qui parle avec les animaux et la neige, et celui du petit frère de François (Simon Lepage), qui n’a rien du «nerd» à lunettes présenté dans le film.
Le fait de jouer à l’extérieur, dans la neige, rend évidemment le tout très crédible, mais la scénographie simple et ingénieuse vient brillamment compléter le tout. On a mis juste ce qu’il fallait de nostalgie dans les costumes et la musique, et la technique, bien que soumise aux rigueurs du froid et du vent, tient le coup. C’est donc dire que Fabien Cloutier a relevé le défi avec brio et que sa Guerre des tuques vaut le détour.
La Guerre des tuques. Un conte PAS pour tous
Texte et mise en scène: Fabien Cloutier
D’après le scénario de Roger Cantin, Danyèle Patenaude et réalisé par André Melançon
Une production du Théâtre Sous Zéro
Au Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’au 3 mars 2013