Vous demandez le programme de la soirée. On vous le remet dans une enveloppe brune. Le ton est donné: Sorel-Tracy sera une pièce sur la corruption municipale ou ne sera pas. Emmanuel Reichenbach campe l’intrigue de ce spectacle dans une ville moyenne (toute ressemblance avec la véritable Sorel-Tracy est fortuite) où un maire tente de se faire réélire suite à vingt ans de bons et déloyaux services.
Cette fois, peut-être est-ce dû à la mobilisation d’une opposition ou à l’usure du pouvoir, la course ne semble pas gagnée d’avance. Les sondages sont même catastrophiques, suite aux scandales suscités par les mœurs légères du maire et au dégoût des concitoyens face à la pollution porcine qui affecte toute la ville. Le maire Boivin et son équipe de conseillers, effrayés à l’idée de perdre leur emploi, utilisent donc tous les moyens, légaux ou non, pour travailler à la réélection du dirigeant. S’ensuit une troublante réflexion sur l’appât du gain, mais aussi et surtout sur l’importance des médias et de l’opinion publique, ingrédients essentiels pour sauver la face et une élection. On en vient à se demander qui est le plus à blâmer: le politicien qui ment ou l’électeur qui serait tout de même assez naïf pour le réélire?
L’une des nombreuses forces de ce spectacle est sa distribution hors pair. Les cinq interprètes confèrent une humanité telle aux personnages qu’ils défendent qu’on se prend d’affection pour ces ratés sympathiques, surtout pour le maire Boivin (Guillaume Cyr), qui semble presque bien intentionné dans ses malversations. Reflet parfait de la médiocrité des personnages, le décor aux murs bruns, stores horizontaux, planchers recouverts de tapis et cadres de mauvais goût donne des airs de sous-sol de banlieue à cet hôtel de ville où les dirigeants s’encrassent. La mise en scène fluide de Charles Dauphinais permet aux comédiens d’évoluer efficacement sur l’espace de jeu exigu et met en valeurs le talent et la complicité des comédiens.
Seul bémol, malgré les rebondissements, une histoire efficace et un suspense bien ficelé, le texte souffre parfois d’une adéquation trop parfaite avec la réalité. Le naturalisme des décors et des costumes ajouté à un texte qui semble parfois être le récit d’une véritable course à la mairie rivalisent mal avec les abracadabrantes déclarations qui fusent tous les jours à la commission Charbonneau. Il manque une plus grande amplification du réel qui transformerait les sourires que suscite le spectacle en véritables éclats de rire. Ou en pleurs, c’est selon.
Reste qu’on prend un véritable plaisir à assister à ce spectacle, pour voir les comédiens évoluer en scène, pour suivre les rebondissements de cette course à la mairie, et parce les êtres que l’on voit dans notre téléviseur ces jours-ci sont parfois tellement répugnants qu’il est bon de s’attacher à leur représentation en scène.
Sorel-Tracy
Texte: Emmanuel Reichenbach
Mise en scène: Charles Dauphinais
Une production du Théâtre Sans Domicile fixe, au Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 2 mars
Vous demandez le programme de la soirée. On vous le remet dans une enveloppe brune. Le ton est donné: Sorel-Tracy sera une pièce sur la corruption municipale ou ne sera pas. Emmanuel Reichenbach campe l’intrigue de ce spectacle dans une ville moyenne (toute ressemblance avec la véritable Sorel-Tracy est fortuite) où un maire tente de se faire réélire suite à vingt ans de bons et déloyaux services.
Cette fois, peut-être est-ce dû à la mobilisation d’une opposition ou à l’usure du pouvoir, la course ne semble pas gagnée d’avance. Les sondages sont même catastrophiques, suite aux scandales suscités par les mœurs légères du maire et au dégoût des concitoyens face à la pollution porcine qui affecte toute la ville. Le maire Boivin et son équipe de conseillers, effrayés à l’idée de perdre leur emploi, utilisent donc tous les moyens, légaux ou non, pour travailler à la réélection du dirigeant. S’ensuit une troublante réflexion sur l’appât du gain, mais aussi et surtout sur l’importance des médias et de l’opinion publique, ingrédients essentiels pour sauver la face et une élection. On en vient à se demander qui est le plus à blâmer: le politicien qui ment ou l’électeur qui serait tout de même assez naïf pour le réélire?
L’une des nombreuses forces de ce spectacle est sa distribution hors pair. Les cinq interprètes confèrent une humanité telle aux personnages qu’ils défendent qu’on se prend d’affection pour ces ratés sympathiques, surtout pour le maire Boivin (Guillaume Cyr), qui semble presque bien intentionné dans ses malversations. Reflet parfait de la médiocrité des personnages, le décor aux murs bruns, stores horizontaux, planchers recouverts de tapis et cadres de mauvais goût donne des airs de sous-sol de banlieue à cet hôtel de ville où les dirigeants s’encrassent. La mise en scène fluide de Charles Dauphinais permet aux comédiens d’évoluer efficacement sur l’espace de jeu exigu et met en valeurs le talent et la complicité des comédiens.
Seul bémol, malgré les rebondissements, une histoire efficace et un suspense bien ficelé, le texte souffre parfois d’une adéquation trop parfaite avec la réalité. Le naturalisme des décors et des costumes ajouté à un texte qui semble parfois être le récit d’une véritable course à la mairie rivalisent mal avec les abracadabrantes déclarations qui fusent tous les jours à la commission Charbonneau. Il manque une plus grande amplification du réel qui transformerait les sourires que suscite le spectacle en véritables éclats de rire. Ou en pleurs, c’est selon.
Reste qu’on prend un véritable plaisir à assister à ce spectacle, pour voir les comédiens évoluer en scène, pour suivre les rebondissements de cette course à la mairie, et parce les êtres que l’on voit dans notre téléviseur ces jours-ci sont parfois tellement répugnants qu’il est bon de s’attacher à leur représentation en scène.
Sorel-Tracy
Texte: Emmanuel Reichenbach
Mise en scène: Charles Dauphinais
Une production du Théâtre Sans Domicile fixe, au Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 2 mars