Déjà dans le hall du Périscope, une étrange manœuvre soulève des interrogations. Il y a une espèce de fébrilité circonspecte dans l’air. Nous attacherons plus tard les ficelles de cette nouvelle production de Nuages en pantalon. Ce soir, nous sommes invités au vernissage d’une exposition de photos et au lancement d’un nouveau site Internet.
Tout se joue autour d’Orion Communication, une jeune compagnie dynamique qui fabrique et vend de l’image. Ce sont des spécialistes de la falsification du monde. Fannie, dont la chambre située dans la régie habituelle du Périscope est tapissée d’images de beauté et qui écrit un blogue diffusé sur Internet; Tom qui refuse désormais d’utiliser un appareil numérique justement à cause de sa capacité à détruire l’authentique; Simon, le comédien qui cherche du travail et constate qu’il n’a pas de visage qui le représente, lui, le caméléon sans identité. Tous les personnages de ce théâtre multiplateforme sont en quête d’identité, écartelés entre le monde des images et le monde de chair, celui justement que veut débusquer Tom, un monde qui serait plus exact.
La tension créé par ce double événement du site Internet dédié au couple conseillers en bonheur et au vernissage d’une exposition fait éclater les acteurs de ce mauvais cauchemar selon des trajectoires complexes. Benoît à la recherche d’une famille bien à lui, Fannie en quête d’un amour tangible incarné dans un vrai corps, Patricia et Paul qui implosent dans leur futilité, Sophie enchaînée dans la perte de son mari, Emma engouffrée dans son handicap et qui se réfugie dans son rôle de conseiller de l’ombre, tous existent de manière dissemblable entre un monde réel mais apparemment désuet et un monde virtuel improbable et tellement fabriqué qu’il craque dans les fissures de la supercherie.
L’univers est devenu un monde complexe où le réel et le virtuel s’entrechoquent. Les personnages de Semblance se débattent dans ce qu’une branche de la philosophie et de la physique quantique appelle le «multivers». Or en naviguant dans ces mondes parallèles et parfois incompatibles, entre «ressembler» et «faire semblant», il y a aurait une phase douloureuse qui se nomme la «semblance», une apparence. Voici le théâtre de notre époque. Il se déroule par réseaux sociaux et Internet interposés, il se joue dans un espace de représentation comme ce théâtre même où nous sommes invités ce soir. Les cimaises mobiles découpent la scène en zones de jeu et portent sur une face les photos de l’exposition à venir. Nous passons rapidement dans le studio de Tom, la cuisine de Sophie, le bureau, etc. Les comédiens sont tout à la fois des personnages de scène et des citoyens comme nous (les références aux lieux publics du quartier en témoignent), des comédiens qui restent visibles dans la salle puisqu’il n’y a pas de coulisses. On fait sauter le quatrième mur en intégrant des interventions à travers le public, laissant en suspense la question des spectateurs réels ou complices, un des comédiens quitte même le théâtre, sort à l’extérieur et nous interpelle directement via une caméra qui le poursuit.
Cet étrange théâtre, car c’en est toujours un, en interrogeant la place du réel dans la réalité, la place du tangible dans le virtuel, pose de fait la question de la conscience. Les outils que l’humanité a inventés pour se raconter et se définir trouvent ici leur expression et en même temps leurs limites respectives. Mais ils sont immédiatement remis en perspective. Le va-et-vient entre la scène et la salle, entre le théâtre et le hall d’entrée, entre l’intérieur et l’extérieur de l’édifice, entre le contact direct et la médiation par les médias sociaux, entre les degrés de fabrication d’une image (chimique ou numérique) et sa prégnance sur notre identité, définissent un monde qui nous semble familier, mais pourtant si déroutant. Les personnages de Semblance, bien avant ce vernissage officiel, existaient déjà dans un autre plan de réalité. Sur des sites Internet, on peut en effet suivre leur carrière, lire leur blogue, écouter leur vidéoclip, visiter l’agence de publicité. On peut découvrir qui ils sont au www.projetsemblance.com.
Jean-Philippe Joubert réussit encore une fois à nous dérouter. C’est une habitude chez lui, pour notre plus grand plaisir. Les musiques de Millimetrik, d’Uberko, de Who Are You, les jeux de scène, les manipulations des équipements technologiques donnent à la pièce un ton de véracité, de proximité qui séduit totalement. On passera par dessus quelque flottement, quelque brisure de rythme, que le temps saura corriger. Voici un très fort spectacle qu’il ne faut pas manquer.
Déjà dans le hall du Périscope, une étrange manœuvre soulève des interrogations. Il y a une espèce de fébrilité circonspecte dans l’air. Nous attacherons plus tard les ficelles de cette nouvelle production de Nuages en pantalon. Ce soir, nous sommes invités au vernissage d’une exposition de photos et au lancement d’un nouveau site Internet.
Tout se joue autour d’Orion Communication, une jeune compagnie dynamique qui fabrique et vend de l’image. Ce sont des spécialistes de la falsification du monde. Fannie, dont la chambre située dans la régie habituelle du Périscope est tapissée d’images de beauté et qui écrit un blogue diffusé sur Internet; Tom qui refuse désormais d’utiliser un appareil numérique justement à cause de sa capacité à détruire l’authentique; Simon, le comédien qui cherche du travail et constate qu’il n’a pas de visage qui le représente, lui, le caméléon sans identité. Tous les personnages de ce théâtre multiplateforme sont en quête d’identité, écartelés entre le monde des images et le monde de chair, celui justement que veut débusquer Tom, un monde qui serait plus exact.
La tension créé par ce double événement du site Internet dédié au couple conseillers en bonheur et au vernissage d’une exposition fait éclater les acteurs de ce mauvais cauchemar selon des trajectoires complexes. Benoît à la recherche d’une famille bien à lui, Fannie en quête d’un amour tangible incarné dans un vrai corps, Patricia et Paul qui implosent dans leur futilité, Sophie enchaînée dans la perte de son mari, Emma engouffrée dans son handicap et qui se réfugie dans son rôle de conseiller de l’ombre, tous existent de manière dissemblable entre un monde réel mais apparemment désuet et un monde virtuel improbable et tellement fabriqué qu’il craque dans les fissures de la supercherie.
L’univers est devenu un monde complexe où le réel et le virtuel s’entrechoquent. Les personnages de Semblance se débattent dans ce qu’une branche de la philosophie et de la physique quantique appelle le «multivers». Or en naviguant dans ces mondes parallèles et parfois incompatibles, entre «ressembler» et «faire semblant», il y a aurait une phase douloureuse qui se nomme la «semblance», une apparence. Voici le théâtre de notre époque. Il se déroule par réseaux sociaux et Internet interposés, il se joue dans un espace de représentation comme ce théâtre même où nous sommes invités ce soir. Les cimaises mobiles découpent la scène en zones de jeu et portent sur une face les photos de l’exposition à venir. Nous passons rapidement dans le studio de Tom, la cuisine de Sophie, le bureau, etc. Les comédiens sont tout à la fois des personnages de scène et des citoyens comme nous (les références aux lieux publics du quartier en témoignent), des comédiens qui restent visibles dans la salle puisqu’il n’y a pas de coulisses. On fait sauter le quatrième mur en intégrant des interventions à travers le public, laissant en suspense la question des spectateurs réels ou complices, un des comédiens quitte même le théâtre, sort à l’extérieur et nous interpelle directement via une caméra qui le poursuit.
Cet étrange théâtre, car c’en est toujours un, en interrogeant la place du réel dans la réalité, la place du tangible dans le virtuel, pose de fait la question de la conscience. Les outils que l’humanité a inventés pour se raconter et se définir trouvent ici leur expression et en même temps leurs limites respectives. Mais ils sont immédiatement remis en perspective. Le va-et-vient entre la scène et la salle, entre le théâtre et le hall d’entrée, entre l’intérieur et l’extérieur de l’édifice, entre le contact direct et la médiation par les médias sociaux, entre les degrés de fabrication d’une image (chimique ou numérique) et sa prégnance sur notre identité, définissent un monde qui nous semble familier, mais pourtant si déroutant. Les personnages de Semblance, bien avant ce vernissage officiel, existaient déjà dans un autre plan de réalité. Sur des sites Internet, on peut en effet suivre leur carrière, lire leur blogue, écouter leur vidéoclip, visiter l’agence de publicité. On peut découvrir qui ils sont au www.projetsemblance.com.
Jean-Philippe Joubert réussit encore une fois à nous dérouter. C’est une habitude chez lui, pour notre plus grand plaisir. Les musiques de Millimetrik, d’Uberko, de Who Are You, les jeux de scène, les manipulations des équipements technologiques donnent à la pièce un ton de véracité, de proximité qui séduit totalement. On passera par dessus quelque flottement, quelque brisure de rythme, que le temps saura corriger. Voici un très fort spectacle qu’il ne faut pas manquer.
Semblance
Texte: Création collective
Mise en scène: Jean-Philippe Joubert
Une production de Nuages en pantalon, au Périscope, Québec, jusqu’au 7 avril 2013