Voilà un théâtre où je ne vais pas souvent, même s’il m’est arrivé à l’occasion de le regretter après avoir lu la critique de certains confrères. Autant le dire tout de suite: depuis la grande époque du fondateur, au milieu des années 1970, et pendant plus de 25 ans, j’avais vu tous les spectacles de la compagnie Jean-Duceppe. Par conscience professionnelle, j’en rendais compte dans un média, généralement dans Jeu, ou à la Chaîne culturelle de Radio-Canada. Depuis une douzaine d’années, ayant cessé mon rythme de 175 pièces par saison (mais je me rattrape à l’étranger), je me suis mis à choisir mes soirées, ce qui m’a amené à fréquenter plutôt d’autres salles que le Théâtre Jean-Duceppe. Je dois avoir vu là cinq ou six spectacles depuis (par exemple, des pièces de Tremblay que je ne voulais pas manquer).
Je ne sais pas vraiment pourquoi je me suis aventuré de nouveau dans cette salle cette fois-ci: la curiosité? Sûrement la signature de Serge Denoncourt à la mise en scène; peut-être aussi une promotion alléchante… Toujours est-il que j’ai retrouvé les bonnes vieilles habitudes de la maison, c’est-à-dire le ronron d’une histoire comme à la télé, mais avec un écran plus large. (Je consomme très peu d’émissions de télé.)
Non pas que la pièce d’Antoine Rault soit bête. On y trouve au contraire une fine peinture d’époque, adossée à une solide recherche historique. Mais l’immense plateau (on dirait un hangar, fermé par une gigantesque verrière) faisant face aux gradins dans un rapport frontal implacable fait que la magie est difficile à établir. On est absorbé par la fiction comme devant un écran de cinéma, sauf qu’il faut tendre l’oreille pour entendre les acteurs tandis que les musiques de transition (toujours les mêmes trois notes de musique «d’époque») sont assourdissantes.
On y raconte les derniers jours du cardinal Mazarin (Michel Dumont), premier ministre de la régente Anne d’Autriche (Monique Miller) et du dauphin Louis XIV (François-Xavier Dufour). On prépare pour le jeune roi un mariage politique avec l’infante d’Espagne pour mettre fin à la guerre de Trente ans, mais le jeune homme n’a d’yeux que pour la belle nièce du cardinal, Marie Mancini (Magalie Lépine-Blondeau). Dans la distribution habilement réduite, l’auteur fait aussi place à Colbert (Jean-François Casabonne), intrigant successeur de Mazarin, et à un valet.
Bien sûr, comme l’auteur, en bon Français, manie bien sa langue, on a droit à quelques mots d’esprit sentencieux, tous poussés par un cardinal cynique et manipulateur, qui a le beau rôle en faisant rire le public: «Il faut donner l’illusion que tout est possible, surtout quand rien n’est sûr.» «Quel dommage de devoir mourir pour être aimé!» «Il ne faut jamais hésiter à s’acheter un artiste: c’est un investissement.» Autour de lui, faute de texte substantiel, les comédiens rament pour imposer leur personnage. Qu’il s’agisse du dauphin qui, de gamin espiègle devient trop vite un roi autoritaire, de la régente partagée entre amour et intrigue mais qui demeure longtemps coite, de Colbert qui doit faire de longs allers et retours sur ce plateau immense (et qui apparaît parfois inopinément juste quand on allait l’appeler!) au lieu d’intérioriser son personnage… Peut-on parler de maladresses de la mise en scène? Comme de celle qui consiste à faire entrer puis sortir par les portes vitrées du fond des arbres en pots sur roulettes, poussés par les comédiens… J’avoue que de voir Louis XIV et Colbert pousser leur petit arbre avant de quitter la scène fait un peu curieux. Mais sur ce plateau ingrat, comment faire mieux?
Bref, s’il est toujours intéressant de se pencher sur la vie des grands de ce monde (d’autres auteurs, comme ici Michel Garneau et Jovette Marchessault, s’en étaient fait une spécialité), de les voir dans leur quotidien avec leurs travers et leurs mesquineries, tout comme à la télé (j’y reviens) on a vu les Rois maudits et autres séries populaires, le théâtre comporte aussi une dimension esthétique qui, chez Duceppe, semble être la dernière roue de la charrette.
Voilà un théâtre où je ne vais pas souvent, même s’il m’est arrivé à l’occasion de le regretter après avoir lu la critique de certains confrères. Autant le dire tout de suite: depuis la grande époque du fondateur, au milieu des années 1970, et pendant plus de 25 ans, j’avais vu tous les spectacles de la compagnie Jean-Duceppe. Par conscience professionnelle, j’en rendais compte dans un média, généralement dans Jeu, ou à la Chaîne culturelle de Radio-Canada. Depuis une douzaine d’années, ayant cessé mon rythme de 175 pièces par saison (mais je me rattrape à l’étranger), je me suis mis à choisir mes soirées, ce qui m’a amené à fréquenter plutôt d’autres salles que le Théâtre Jean-Duceppe. Je dois avoir vu là cinq ou six spectacles depuis (par exemple, des pièces de Tremblay que je ne voulais pas manquer).
Je ne sais pas vraiment pourquoi je me suis aventuré de nouveau dans cette salle cette fois-ci: la curiosité? Sûrement la signature de Serge Denoncourt à la mise en scène; peut-être aussi une promotion alléchante… Toujours est-il que j’ai retrouvé les bonnes vieilles habitudes de la maison, c’est-à-dire le ronron d’une histoire comme à la télé, mais avec un écran plus large. (Je consomme très peu d’émissions de télé.)
Non pas que la pièce d’Antoine Rault soit bête. On y trouve au contraire une fine peinture d’époque, adossée à une solide recherche historique. Mais l’immense plateau (on dirait un hangar, fermé par une gigantesque verrière) faisant face aux gradins dans un rapport frontal implacable fait que la magie est difficile à établir. On est absorbé par la fiction comme devant un écran de cinéma, sauf qu’il faut tendre l’oreille pour entendre les acteurs tandis que les musiques de transition (toujours les mêmes trois notes de musique «d’époque») sont assourdissantes.
On y raconte les derniers jours du cardinal Mazarin (Michel Dumont), premier ministre de la régente Anne d’Autriche (Monique Miller) et du dauphin Louis XIV (François-Xavier Dufour). On prépare pour le jeune roi un mariage politique avec l’infante d’Espagne pour mettre fin à la guerre de Trente ans, mais le jeune homme n’a d’yeux que pour la belle nièce du cardinal, Marie Mancini (Magalie Lépine-Blondeau). Dans la distribution habilement réduite, l’auteur fait aussi place à Colbert (Jean-François Casabonne), intrigant successeur de Mazarin, et à un valet.
Bien sûr, comme l’auteur, en bon Français, manie bien sa langue, on a droit à quelques mots d’esprit sentencieux, tous poussés par un cardinal cynique et manipulateur, qui a le beau rôle en faisant rire le public: «Il faut donner l’illusion que tout est possible, surtout quand rien n’est sûr.» «Quel dommage de devoir mourir pour être aimé!» «Il ne faut jamais hésiter à s’acheter un artiste: c’est un investissement.» Autour de lui, faute de texte substantiel, les comédiens rament pour imposer leur personnage. Qu’il s’agisse du dauphin qui, de gamin espiègle devient trop vite un roi autoritaire, de la régente partagée entre amour et intrigue mais qui demeure longtemps coite, de Colbert qui doit faire de longs allers et retours sur ce plateau immense (et qui apparaît parfois inopinément juste quand on allait l’appeler!) au lieu d’intérioriser son personnage… Peut-on parler de maladresses de la mise en scène? Comme de celle qui consiste à faire entrer puis sortir par les portes vitrées du fond des arbres en pots sur roulettes, poussés par les comédiens… J’avoue que de voir Louis XIV et Colbert pousser leur petit arbre avant de quitter la scène fait un peu curieux. Mais sur ce plateau ingrat, comment faire mieux?
Bref, s’il est toujours intéressant de se pencher sur la vie des grands de ce monde (d’autres auteurs, comme ici Michel Garneau et Jovette Marchessault, s’en étaient fait une spécialité), de les voir dans leur quotidien avec leurs travers et leurs mesquineries, tout comme à la télé (j’y reviens) on a vu les Rois maudits et autres séries populaires, le théâtre comporte aussi une dimension esthétique qui, chez Duceppe, semble être la dernière roue de la charrette.
Le diable rouge
Texte: Antoine Rault
Mise en scène: Serge Denoncourt
Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 18 mai