Romantisme, virilité, hypersensibilité et athlétisme. Ce sont les quatre mots qui décrivent le mieux le spectacle d’ouverture du OFFTA, Détruire, nous allons, un remixage (somme toute assez sage) de scènes amoureuses classiques, dans un arrière-plan sportif propice à tous les dépassements de soi et à toutes les fulgurances.
Un chœur de trente-quatre acteurs se démène dans des scènes très physiques sur un immense terrain de football à Sainte-Thérèse, éclairé par des lampes au sodium qui créent de somptueux reliefs. Leurs corps sveltes et fermes sont vêtus de jupes noires et de chemises raffinées. Voilà qui induit une certaine tension entre la puissance virile et l’émotivité, ou entre la brutalité et le raffinement. La pièce oscillera constamment entre ces deux états. L’amour, ce sentiment complexe, s’exprimera dans un langage fleuri. Mais jamais ne sera camouflé le caractère violent, imprévisible et orageux des sentiments exprimés.
Dans une certaine austérité, le terrain de football devient le lieu de déploiement de scènes d’amour tirées de Cyrano de Bergerac ou de Richard III, avec des emprunts à Caligula et Hamlet, mettant toujours en scène la même femme, une certaine Félicité, incarnée par Marie-France Marcotte. En elle se croisent les visages de Roxane, de la princesse Anne et de la reine Gertrude.
Même si le collage de scènes tragiques est peu inventif, en dehors de quelques substitutions de personnages et de quelques rigolos écarts de langage, la trame narrative est cohérente et propose un sympathique parcours dans les grands textes, parfois assortis de références à la culture populaire et d’envahissement du joual (à la manière du Roi boiteux de Ronfard). Connaissant les conditions de création de ce grand spectacle événementiel, qui a été bricolé avec passion mais en très peu de temps, on mettra assurément le nom de Philippe Boutin, un jeune acteur à peine sorti de l’école, sur la liste des jeunes personnalités théâtrales à surveiller.
Il s’est adjoint les services de Dave St-Pierre pour les chorégraphies (physiques mais un peu simplistes), et on lui reconnaît le même romantisme, la même urgence, la même quête d’amour éperdu, campée dans le même univers hautement masculin, musclé et intempestif. Boutin ne rechigne pas non plus à quelques cabotinages et autres absurdités, en mettant notamment en scène un personnage de narratrice-choryphée en robe brillante, à épaulettes, dans un corps d’homme longiligne, qui traverse le terrain de football en se perdant en explications.
Quand son esthétisme musclé-raffiné entre vraiment en dialogue avec la tragédie, la démarche de Boutin prend tout son sens. Autrement dit, c’est dans son irrespect de la préciosité des grandes oeuvres que le metteur en scène dévoile son intelligence dramatique. Quand une scène dialoguée est soudainement envahie et pervertie par des joueurs de foot, par exemple. Ou quand jaillit un sacre bien senti dans une scène shakespearienne inspirée du combat d’escrime entre Hamlet et Laërte. Pour une plus grande cohérence et une meilleure incarnation de son propos sur les démesures de l’amour, Boutin aurait gagné à travailler plus en profondeur ces petites libertés prises avec les textes originaux, pour insufler au spectacle davantage de sa fougue et pour ainsi proposer une vision neuve de ces personnages, dont il ne révèle pour l’instant que des aspects abondamment connus.
Par moments, j’avais le sentiment d’être en présence d’un émule de Vincent Macaigne, un jeune metteur en scène français dont l’indocile adaptation d’Hamlet a fait beaucoup de bruit en 2011 (et ce, même si le travail de Macaigne est éminemment plus politique). Il manque néanmoins à Boutin une plus grande volonté de réappropriation des grands textes, un regard plus fouillé sur les grands personnages auxquels il s’attaque, mais les ferments de cette intelligence dramatique sont indéniablement présents en lui.
Détruire, nous allons
Texte et mise en scène : Philippe Boutin. Collaboration dramaturgique : Étienne Lepage. Chorégraphies : Dave St-Pierre. Une production de la compagnie Couronne Nord. Sur un terrain de football, à Sainte-Thérèse, à l’occasion du OFFTA, jusqu’au 25 mai 2013. Départ en autobus du Théâtre d’Aujourd’hui.
Romantisme, virilité, hypersensibilité et athlétisme. Ce sont les quatre mots qui décrivent le mieux le spectacle d’ouverture du OFFTA, Détruire, nous allons, un remixage (somme toute assez sage) de scènes amoureuses classiques, dans un arrière-plan sportif propice à tous les dépassements de soi et à toutes les fulgurances.
Un chœur de trente-quatre acteurs se démène dans des scènes très physiques sur un immense terrain de football à Sainte-Thérèse, éclairé par des lampes au sodium qui créent de somptueux reliefs. Leurs corps sveltes et fermes sont vêtus de jupes noires et de chemises raffinées. Voilà qui induit une certaine tension entre la puissance virile et l’émotivité, ou entre la brutalité et le raffinement. La pièce oscillera constamment entre ces deux états. L’amour, ce sentiment complexe, s’exprimera dans un langage fleuri. Mais jamais ne sera camouflé le caractère violent, imprévisible et orageux des sentiments exprimés.
Dans une certaine austérité, le terrain de football devient le lieu de déploiement de scènes d’amour tirées de Cyrano de Bergerac ou de Richard III, avec des emprunts à Caligula et Hamlet, mettant toujours en scène la même femme, une certaine Félicité, incarnée par Marie-France Marcotte. En elle se croisent les visages de Roxane, de la princesse Anne et de la reine Gertrude.
Même si le collage de scènes tragiques est peu inventif, en dehors de quelques substitutions de personnages et de quelques rigolos écarts de langage, la trame narrative est cohérente et propose un sympathique parcours dans les grands textes, parfois assortis de références à la culture populaire et d’envahissement du joual (à la manière du Roi boiteux de Ronfard). Connaissant les conditions de création de ce grand spectacle événementiel, qui a été bricolé avec passion mais en très peu de temps, on mettra assurément le nom de Philippe Boutin, un jeune acteur à peine sorti de l’école, sur la liste des jeunes personnalités théâtrales à surveiller.
Il s’est adjoint les services de Dave St-Pierre pour les chorégraphies (physiques mais un peu simplistes), et on lui reconnaît le même romantisme, la même urgence, la même quête d’amour éperdu, campée dans le même univers hautement masculin, musclé et intempestif. Boutin ne rechigne pas non plus à quelques cabotinages et autres absurdités, en mettant notamment en scène un personnage de narratrice-choryphée en robe brillante, à épaulettes, dans un corps d’homme longiligne, qui traverse le terrain de football en se perdant en explications.
Quand son esthétisme musclé-raffiné entre vraiment en dialogue avec la tragédie, la démarche de Boutin prend tout son sens. Autrement dit, c’est dans son irrespect de la préciosité des grandes oeuvres que le metteur en scène dévoile son intelligence dramatique. Quand une scène dialoguée est soudainement envahie et pervertie par des joueurs de foot, par exemple. Ou quand jaillit un sacre bien senti dans une scène shakespearienne inspirée du combat d’escrime entre Hamlet et Laërte. Pour une plus grande cohérence et une meilleure incarnation de son propos sur les démesures de l’amour, Boutin aurait gagné à travailler plus en profondeur ces petites libertés prises avec les textes originaux, pour insufler au spectacle davantage de sa fougue et pour ainsi proposer une vision neuve de ces personnages, dont il ne révèle pour l’instant que des aspects abondamment connus.
Par moments, j’avais le sentiment d’être en présence d’un émule de Vincent Macaigne, un jeune metteur en scène français dont l’indocile adaptation d’Hamlet a fait beaucoup de bruit en 2011 (et ce, même si le travail de Macaigne est éminemment plus politique). Il manque néanmoins à Boutin une plus grande volonté de réappropriation des grands textes, un regard plus fouillé sur les grands personnages auxquels il s’attaque, mais les ferments de cette intelligence dramatique sont indéniablement présents en lui.
Détruire, nous allons
Texte et mise en scène : Philippe Boutin. Collaboration dramaturgique : Étienne Lepage. Chorégraphies : Dave St-Pierre. Une production de la compagnie Couronne Nord. Sur un terrain de football, à Sainte-Thérèse, à l’occasion du OFFTA, jusqu’au 25 mai 2013. Départ en autobus du Théâtre d’Aujourd’hui.