Ah! ces clowns! Incontournables de la piste traditionnelle, comédiens toujours, musiciens souvent, acrobates à l’occasion. Prêts à tout pour faire rire le public: gags avec des accessoires, comique de situation, chutes et claques, dynamique dominant-dominé entre le clown blanc et l’Auguste, théâtralité drolatique…
Dans le vaste univers des clowns, pourrait-on faire des catégories? Pourrait-on parler de clowns génériques quand on voit ceux des cirques traditionnels américains? Y aurait-il des clowns de cirque et des clowns de théâtre? Des vrais et des faux? Et ces clowns «excentriques» dans une certaine tradition slave ou associés au music-hall? Notre Sol, dans quelle case irait-il?
Ce qu’on appelle «personnage de transition» a pris des allures loin de l’Auguste et de son habituel partenaire. Plusieurs compagnies de cirque contemporain n’ont pas de clown qui corresponde à l’imagerie conventionnelle, mais le comique est pourtant bien vivant dans leurs productions. Il y a des clowns qui gagnent leur vie en incarnant toujours le même personnage, dans un cirque ou en solo, et des clowns interprétés par des comédiens qui font partie d’un spectacle. Les deux genres étaient présents cette année à Montréal Complètement Cirque (MCC).
Qui sommes-je? et Pugilatus
Contemporain qui ne renie pas ses racines, surtout avec la présence d’un compère archétype du clown blanc, le Français Ludor Citrik arbore une tronche singulière. Peu de cheveux, blancs frisés, en postiche attaché par un élastique sur le dessus d’un crâne chauve, du rouge aux lèvres et aux oreilles, des cercles blancs autour des yeux; un nez foncé et texturé, pas très joli. Son spectacle sérieusement construit, au titre bien trouvé de Qui sommes-je?, met en relief l’absurdité du conditionnement social avec un humour grinçant. Ce clown joue son rôle de critique en faisant rire en même temps qu’il crée un inconfort chez le spectateur.
Le Pugilatus de l’Escarlata Circus, de Barcelone, trace un portrait comico-fantaisiste de l’amitié entre deux hommes avec une poésie touchante. Les comédiens se transforment en clowns pendant le spectacle, après avoir échangé leurs vêtements: le gros engoncé dans ceux du petit sur qui flotte le linge de l’autre. Les cheveux naturels de l’un sont ébouriffés, et les deux visages, simplement enduits de maquillage avec les mains, sont complètement blancs.
Le 6e jour
Arletti porte un maquillage très élaboré qui change beaucoup le visage de la comédienne qui l’interprète, faisant disparaître ses lèvres pulpeuses et rapetissant ses yeux dont le gauche se ferme de temps à autre. Ses cheveux en tulle noir à pois pâles sont surmontés d’un mignon bibi rouge, qu’on voit apparaitre lorsqu’elle se découvre d’un premier couvre-chef, au début du spectacle Le 6e jour.
Personnage étonnant, voire déroutant, Arletti fait son entrée en claudiquant, maladroite, comme une enfant, petite et chétive, et l’idée nous effleure que c’est peut-être une handicapée. Avant de s’adresser au public, elle s’installe à une table, vidant le contenu de sa serviette qu’elle manipule avec ses gants rouges, ponctuant ses gestes de petits sons amusants.
C’est avec une voix menue qu’Arletti nous livre un texte qui s’attaque à la création du monde, carrément. Au fil des jours qu’elle décrit avec commentaires cocasses et admiratifs sur Dieu ou jeux de mots («les oiseaux, c’était une idée en l’air…»), la frêle femme-clown révèle certains côtés insoupçonnés de son personnage, comme cette voix grave qui s’exprime en phonèmes incompréhensibles, lui ajoutant une certaine bizarrerie.
Avec une quinzaine de productions à son répertoire, la compagnie française l’Entreprise n’en est pas à son premier spectacle avec Arletti et pourtant, il m’a fallu un certain temps avant d’apprivoiser le personnage. Nul doute que Catherine Germain est une comédienne de talent: elle porte ce spectacle notamment grâce à la légèreté enfantine d’Arletti qu’elle rend crédible ou à son aisance à entrer en contact avec les spectateurs quand elle va dans la salle.
Certains éléments laissent cependant perplexe, comme toute cette eau qui se répand au sol. Deux ou trois petites flaques auraient suffi pour avoir le même effet comique, il me semble. Quant à ce sixième jour, qui n’advient pas dans la pièce et où Dieu a créé l’homme, qu’est-ce qui nous mène à cette lente finale où seul est éclairé le visage de la clown qui fait du lipsynch sur une trame sonore avec des chants de baleines? Cela dit, si Dieu a créé les hommes dont les clowns sont des créatures, Le 6e jour leur fait honneur avec des moments tendres et un personnage à la fois fort et vulnérable.
Le festival Montréal Complètement Cirque se poursuit jusqu’au 14 juillet 2013.
Ah! ces clowns! Incontournables de la piste traditionnelle, comédiens toujours, musiciens souvent, acrobates à l’occasion. Prêts à tout pour faire rire le public: gags avec des accessoires, comique de situation, chutes et claques, dynamique dominant-dominé entre le clown blanc et l’Auguste, théâtralité drolatique…
Dans le vaste univers des clowns, pourrait-on faire des catégories? Pourrait-on parler de clowns génériques quand on voit ceux des cirques traditionnels américains? Y aurait-il des clowns de cirque et des clowns de théâtre? Des vrais et des faux? Et ces clowns «excentriques» dans une certaine tradition slave ou associés au music-hall? Notre Sol, dans quelle case irait-il?
Ce qu’on appelle «personnage de transition» a pris des allures loin de l’Auguste et de son habituel partenaire. Plusieurs compagnies de cirque contemporain n’ont pas de clown qui corresponde à l’imagerie conventionnelle, mais le comique est pourtant bien vivant dans leurs productions. Il y a des clowns qui gagnent leur vie en incarnant toujours le même personnage, dans un cirque ou en solo, et des clowns interprétés par des comédiens qui font partie d’un spectacle. Les deux genres étaient présents cette année à Montréal Complètement Cirque (MCC).
Qui sommes-je? et Pugilatus
Contemporain qui ne renie pas ses racines, surtout avec la présence d’un compère archétype du clown blanc, le Français Ludor Citrik arbore une tronche singulière. Peu de cheveux, blancs frisés, en postiche attaché par un élastique sur le dessus d’un crâne chauve, du rouge aux lèvres et aux oreilles, des cercles blancs autour des yeux; un nez foncé et texturé, pas très joli. Son spectacle sérieusement construit, au titre bien trouvé de Qui sommes-je?, met en relief l’absurdité du conditionnement social avec un humour grinçant. Ce clown joue son rôle de critique en faisant rire en même temps qu’il crée un inconfort chez le spectateur.
Le Pugilatus de l’Escarlata Circus, de Barcelone, trace un portrait comico-fantaisiste de l’amitié entre deux hommes avec une poésie touchante. Les comédiens se transforment en clowns pendant le spectacle, après avoir échangé leurs vêtements: le gros engoncé dans ceux du petit sur qui flotte le linge de l’autre. Les cheveux naturels de l’un sont ébouriffés, et les deux visages, simplement enduits de maquillage avec les mains, sont complètement blancs.
Le 6e jour
Arletti porte un maquillage très élaboré qui change beaucoup le visage de la comédienne qui l’interprète, faisant disparaître ses lèvres pulpeuses et rapetissant ses yeux dont le gauche se ferme de temps à autre. Ses cheveux en tulle noir à pois pâles sont surmontés d’un mignon bibi rouge, qu’on voit apparaitre lorsqu’elle se découvre d’un premier couvre-chef, au début du spectacle Le 6e jour.
Personnage étonnant, voire déroutant, Arletti fait son entrée en claudiquant, maladroite, comme une enfant, petite et chétive, et l’idée nous effleure que c’est peut-être une handicapée. Avant de s’adresser au public, elle s’installe à une table, vidant le contenu de sa serviette qu’elle manipule avec ses gants rouges, ponctuant ses gestes de petits sons amusants.
C’est avec une voix menue qu’Arletti nous livre un texte qui s’attaque à la création du monde, carrément. Au fil des jours qu’elle décrit avec commentaires cocasses et admiratifs sur Dieu ou jeux de mots («les oiseaux, c’était une idée en l’air…»), la frêle femme-clown révèle certains côtés insoupçonnés de son personnage, comme cette voix grave qui s’exprime en phonèmes incompréhensibles, lui ajoutant une certaine bizarrerie.
Avec une quinzaine de productions à son répertoire, la compagnie française l’Entreprise n’en est pas à son premier spectacle avec Arletti et pourtant, il m’a fallu un certain temps avant d’apprivoiser le personnage. Nul doute que Catherine Germain est une comédienne de talent: elle porte ce spectacle notamment grâce à la légèreté enfantine d’Arletti qu’elle rend crédible ou à son aisance à entrer en contact avec les spectateurs quand elle va dans la salle.
Certains éléments laissent cependant perplexe, comme toute cette eau qui se répand au sol. Deux ou trois petites flaques auraient suffi pour avoir le même effet comique, il me semble. Quant à ce sixième jour, qui n’advient pas dans la pièce et où Dieu a créé l’homme, qu’est-ce qui nous mène à cette lente finale où seul est éclairé le visage de la clown qui fait du lipsynch sur une trame sonore avec des chants de baleines? Cela dit, si Dieu a créé les hommes dont les clowns sont des créatures, Le 6e jour leur fait honneur avec des moments tendres et un personnage à la fois fort et vulnérable.
Le festival Montréal Complètement Cirque se poursuit jusqu’au 14 juillet 2013.