Depuis le 19e siècle, on rêve à l’œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk), union entre les disciplines artistiques à la portée métaphysique. Peut-on associer le côté spectaculaire du cirque à celui intimiste du théâtre, les lier par des prestations musicales? Croyant pouvoir répondre par l’affirmative, l’inspirant collectif Les 7 doigts de la main n’a pu résister à l’invitation de Lorraine Pintal d’habiter autrement les planches du TNM.
Peut-on passer en quelques secondes des oh! et ha! d’émerveillement suscités par une prouesse circassienne au silence intérieur nécessaire pour apprivoiser une histoire d’enfance hypothéquée, d’amours déçues, de projets avortés? Les attentes étaient probablement trop élevées et, malgré quelques tableaux particulièrement réussis (le numéro de mat chinois, celui de trapèze à deux, les duos juxtaposés entre guitaristes et acrobates), on sort de la salle déçu, en se demandant toutefois comment Le murmure du coquelicot aurait pu relever son pari.
L’histoire de Raymond Lemieur, interprété avec conviction mais sans éclat par Rémy Girard, acteur raté convoqué en audition pour interpréter le rôle de sa vie (à prendre au sens premier du terme), semblait pourtant suffisamment riche pour alimenter cette succession de tableaux narrés et chantés, toile sur laquelle déposer un certain nombre de numéros de cirque.
Pressé par la metteure en scène madame B. (Pascale Montpetit, souvent caricaturale), Raymond raconte: ses premières années d’école, sa rencontre avec le théâtre, son escalade de l’Himalaya de l’amour avec un grand A, la morsure ressentie lors de l’abandon de sa mère, alors qu’il n’avait que sept ans. Autour de lui, trois hommes et trois femmes, tantôt acrobates, tantôt danseurs, musiciens ou chanteurs, réinterprètent les propos.
Certaines images poétiques se révèlent suffisamment fortes pour habiter l’imaginaire: cette virgule qui aurait permis à Raymond d’effacer qui il était, mais surtout cet orgue de Barbarie intérieur, chaque trou de la partition représentant une douleur ancrée au cœur de soi. Malheureusement, le reste du temps, le texte du concepteur du spectacle Sébastien Soldevilla, pourtant aidé de Michel Vézina, enfile les clichés et ratisse trop large en tentant d’intégrer à la trame les dictatures de Franco et de Pinochet. Périodiquement, on décroche, le regard happé par les propositions des acrobates ou l’oreille bercée par des mélodies habillées avec beaucoup de délicatesse par Nans Bortuzzo.
Malgré ces maladresses, Le murmure du coquelicot reste une proposition audacieuse, à laquelle il faudra revenir. La prochaine fois, peut-être remplira-t-elle ses promesses.
Le murmure du coquelicot. Texte: Sébastien Soldevilla et Michel Vézina. Mise en scène: Sébastien Soldevilla et Shana Carroll. Une production des 7 doigts de la main. Au TNM jusqu’au 12 octobre 2013.
Depuis le 19e siècle, on rêve à l’œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk), union entre les disciplines artistiques à la portée métaphysique. Peut-on associer le côté spectaculaire du cirque à celui intimiste du théâtre, les lier par des prestations musicales? Croyant pouvoir répondre par l’affirmative, l’inspirant collectif Les 7 doigts de la main n’a pu résister à l’invitation de Lorraine Pintal d’habiter autrement les planches du TNM.
Peut-on passer en quelques secondes des oh! et ha! d’émerveillement suscités par une prouesse circassienne au silence intérieur nécessaire pour apprivoiser une histoire d’enfance hypothéquée, d’amours déçues, de projets avortés? Les attentes étaient probablement trop élevées et, malgré quelques tableaux particulièrement réussis (le numéro de mat chinois, celui de trapèze à deux, les duos juxtaposés entre guitaristes et acrobates), on sort de la salle déçu, en se demandant toutefois comment Le murmure du coquelicot aurait pu relever son pari.
L’histoire de Raymond Lemieur, interprété avec conviction mais sans éclat par Rémy Girard, acteur raté convoqué en audition pour interpréter le rôle de sa vie (à prendre au sens premier du terme), semblait pourtant suffisamment riche pour alimenter cette succession de tableaux narrés et chantés, toile sur laquelle déposer un certain nombre de numéros de cirque.
Pressé par la metteure en scène madame B. (Pascale Montpetit, souvent caricaturale), Raymond raconte: ses premières années d’école, sa rencontre avec le théâtre, son escalade de l’Himalaya de l’amour avec un grand A, la morsure ressentie lors de l’abandon de sa mère, alors qu’il n’avait que sept ans. Autour de lui, trois hommes et trois femmes, tantôt acrobates, tantôt danseurs, musiciens ou chanteurs, réinterprètent les propos.
Certaines images poétiques se révèlent suffisamment fortes pour habiter l’imaginaire: cette virgule qui aurait permis à Raymond d’effacer qui il était, mais surtout cet orgue de Barbarie intérieur, chaque trou de la partition représentant une douleur ancrée au cœur de soi. Malheureusement, le reste du temps, le texte du concepteur du spectacle Sébastien Soldevilla, pourtant aidé de Michel Vézina, enfile les clichés et ratisse trop large en tentant d’intégrer à la trame les dictatures de Franco et de Pinochet. Périodiquement, on décroche, le regard happé par les propositions des acrobates ou l’oreille bercée par des mélodies habillées avec beaucoup de délicatesse par Nans Bortuzzo.
Malgré ces maladresses, Le murmure du coquelicot reste une proposition audacieuse, à laquelle il faudra revenir. La prochaine fois, peut-être remplira-t-elle ses promesses.
Le murmure du coquelicot. Texte: Sébastien Soldevilla et Michel Vézina. Mise en scène: Sébastien Soldevilla et Shana Carroll. Une production des 7 doigts de la main. Au TNM jusqu’au 12 octobre 2013.