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Emile Lansman reçoit l’Ordre des Francophones d’Amérique

Emile Lansman voit son travail reconnu par l’octroi de l’Ordre des Francophones d’Amérique. Enseignant, journaliste et médiateur culturel, Emile Lansman s’est intéressé dès 1977 aux arts de la scène québécois alors qu’il participait à l’accueil, en Belgique francophone, de troupes montréalaises de théâtre destiné au jeune public. De 1985 à 1989, il a assuré la programmation de la Maison de la culture de La Louvière, ce qui lui a permis d’inviter des artistes québécois en théâtre, en danse et en chanson. De 1985 à 2012, il a dirigé Promotion Théâtre, l’association belge théâtre-éducation, avec laquelle il a joué un rôle moteur dans les échanges entre jeunes Québécois et Belges francophones.

Président du jury du Prix de littérature Québec/Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse de 1987 à 2001, il a participé à la distribution en Europe des ouvrages de plusieurs éditeurs québécois pour enfants et adolescents et organisé des tournées d’auteurs. Il a également fondé en 1989 les éditions Lansman, spécialisées en théâtre, qui, jusqu’à ce jour, ont publié près de 2000 textes dramatiques en provenance de toute la francophonie, avec une place de choix pour les (jeunes) auteurs québécois.

Initiateur du Centre des écritures dramatiques Wallonie-Bruxelles conçu sur le modèle montréalais du CEAD, il siège depuis 1999 comme expert belge à la Commission internationale du théâtre francophone (qu’il a présidée de 2005 à 2009) et en assure, depuis 2013, la coordination à travers sa nouvelle association EMILE&CIE. En 2008, monsieur Lansman a reçu un hommage commun du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la Délégation Wallonie-Bruxelles à Québec. Au fil des ans, il a affiné sa connaissance du théâtre québécois, de sorte qu’on le considère à l’heure actuelle comme un spécialiste européen du sujet.

L’Ordre des francophones d’Amérique

Le Conseil de la langue française du Québec, devenu le Conseil supérieur de la langue française depuis le 1er octobre 2002, a institué l’Ordre des francophones d’Amérique le 3 juillet 1978, en même temps que le prix du 3-Juillet-1608. Cette distinction, décernée annuellement à un nombre très restreint de personnalités, a pour objet de reconnaître les mérites de personnes qui se consacrent au maintien et à l’épanouissement de la langue de l’Amérique française. Quatre Belges ont, depuis la création, reçu cette distinction dans la catégorie « Autres continents »: Joseph Hanse (1985), Jean-Marie Klinkenberg (1988), Roger Dehaybe (1992), Jacques Dubois (2006). Au palmarès général, on retrouve des personnalités connues en Europe comme Gilles Vigneault, Aimé Césaire, Antonine Maillet, Michel Drucker, Gabrielle Roy, Yves Duteil, Marc Favreau (Sol), Luc Plamondon, Herménégilde Chiasson, Alain Peyrefitte, Zachary Richard…

Discours prononcé par Emile Lansman

Mesdames, Messieurs, en vos titres et fonctions,

Rien ne me prédestinait à me retrouver aujourd’hui dans de telles circonstances. Petit-fils de mineur wallon, fils d’ouvrier, tout se conjuguait pour que je reste dans les horizons d’une enfance bercée par la culture populaire et dont je garde d’excellents souvenirs même si, pour ma famille, se déplacer de cinquante kilomètres relevait de l’aventure. Mais voilà: il y eut l’Expo universelle ’58. Une extraordinaire ouverture sur le monde pour le gamin curieux que j’étais… et qui se mit à rêver d’un ailleurs; un ailleurs qui, comme pour beaucoup de jeunes de ma génération, devint très vite un rêve d’Amérique puis d’Amérique francophone, par crainte et paresse d’affronter une autre langue.

Mon parcours d’adolescent fut donc bercé entre autres par le visage – excusez le cliché – de Maria Chapdelaine – dont j’ai sans doute rêvé un jour d’être le quatrième soupirant – et par des Souliers qui ont beaucoup voyagé avant de prendre Le train du Nord. C’est donc, oui, par la littérature et la chanson, mais aussi un peu plus tard par le théâtre, que le Québec s’est installé progressivement comme une évidence dans mon parcours, même si je n’ai jamais franchi le pas de l’exode – du moins jusqu’à présent. Les hasards de la vie ont plutôt fait de moi un passeur, pour ne pas dire un ambassadeur, en Belgique et en France, puis en Afrique, de la culture québécoise (et plus tard acadienne) sous de multiples formes. Avec à la clé de belles et profondes amitiés, mais aussi l’honneur inattendu et la fierté de me retrouver aujourd’hui parmi vous.

Je tiens à exprimer ma gratitude sincère à tous ceux qui, de près ou de loin, ont joué un rôle dans mon accession à cet Ordre des Francophones d’Amérique. Tant au Québec qu’en Fédération Wallonie- Bruxelles où l’on a toujours soutenu mes désirs de « voyagement actif » au service des échanges entre les deux communautés. Je souhaite aussi, qu’ils soient présents ou non, saluer ceux et celles qui, chacun à sa manière, ont fait et font encore ce que je suis aujourd’hui, dans mon entourage proche mais aussi un peu partout dans ce monde francophone qui nous est cher. Avec évidemment une pensée pour ma famille, en particulier pour mon épouse et merveilleuse complice trop tôt disparue.

Je voudrais terminer cette brève prise de parole en insistant sur un fait: oui, certes, j’aime le Québec pour son affirmation culturelle et sa défense de cette langue que nous partageons, tout en assurant sereinement et savoureusement nos différences; oui, j’éprouve une profonde empathie pour les artistes qui ont porté haut et fort cette culture et que j’ai eu la chance de côtoyer sur le terrain grâce à des guides dont on sous-estime parfois l’importance – je pense ici au travail remarquable de Bernard Sauvé et au rôle inestimable qu’il a joué en Belgique dans la découverte de nouveaux créateurs. Mais je ne voudrais pas laisser une impression passéiste de mon regard et de mon action.

Si je continue à aimer et défendre la culture québécoise dans la mesure de mes modestes moyens, en même temps que ma propre culture wallonne, c’est d’abord et avant tout parce que j’admire la créativité, l’originalité, l’ouverture d’esprit, la pugnacité et l’impérieux besoin de vivre et dire le monde de cette jeune génération qui constitue VOTRE relève. En conviant à mes côtés une jeune auteure et metteure en scène de cette génération, Marie-Eve Huot, et au-delà de l’inestimable complicité qui nous unit, j’ai voulu symboliquement manifester mon souhait de vous encourager à poursuivre tous les efforts engagés pour donner, à cette génération montante et talentueuse, la meilleure chance et les meilleurs conditions possibles de se faire entendre, en harmonie avec ceux qui les ont précédés, dans le grand concert international. Au sein de notre société mondialisée, qui semble parfois perdre ses valeurs et ses repères, la voix salutaire de vos jeunes artistes créateurs est plus que jamais indispensable.

Merci à tous.

Emile Lansman, 16 septembre 2013, Québec