Concerto au sol présente une singulière fantasmagorie. Dans ce spectacle sans parole de Félix Boisvert surgissent des figures lumineuses et musicales d’une façon troublante, presque surnaturelle. La protagoniste n’est autre que la main gauche de Félix Boisvert (qui est droitier qui plus est). Elle évolue sur un sol musicalement fertile, c’est-à-dire que ses mouvements résonnent, sonnent et composent de la musique, sans qu’aucun instrument ne soit visible. Cette errance, qui prend aussi des allures d’épopée, s’effectue dans un cadre fermé par une toile translucide, qui forme un écran sur lequel défilent des projections-vidéos.
Un concert symphonique est sur le point de commencer, le pianiste s’installe à son instrument, quand le clavier se trouve soudainement englouti. Une des mains de l’interprète plonge! Elle se redresse et une aventure cosmique débute. Cette main devient un homme baigné d’une lumière bleutée, une silhouette qui dérive de rivages en nuages, de reflets en échos. Elle tente par exemple d’apprivoiser une lune mouvante qui émerge, ou bien un autre astre qui se dégonfle comme une baudruche.
Toujours, la main s’avance sur un sol musicien. Dans ce monde sonore, elle rencontre d’autres mains anthropomorphisées qui produisent toutes sortes de notes, qui dansent. La chute d’une lune fait retourner la main à sa position de pianiste. Bien que le clavier ne soit pas revenu, les mains improvisent un morceau avec les possibilités sonores qu’elles ont sous la main. Ce parcours poétique offre de très belles images, fortes et fascinantes, en glissant avec finesse de différents bruits à une musique de grande qualité (tant dans l’interprétation que dans la diffusion, ce qui n’est pas si courant dans les spectacles de théâtre).
Le bémol tient à la construction dramaturgique, qui n’est pas déterminée par une ligne assez perceptible. Ce jeu de cache-cache avec des astres est interrompu par des retours au concertiste, surpris de ce que sa main traverse. Ce rêve surnaturel serait-il finalement un exercice conscient du pianiste? De même, la main semble s’évader de ce cadre filmique, alors que la musique fait plusieurs fois le tour de la salle. Pourquoi revenir après la visite d’un tel lieu musical derrière l’écran? Concerto au sol est une oeuvre poétique grâce à sa dimension interartistique, mais cette poésie de «mainrionnette» serait plus forte encore à mon sens si les choix dramaturgiques étaient plus nets.
Ce «one-hand-show» témoigne d’une franche originalité et d’une recherche résolue, très solide après huit ans de création. Les arts y fusionnent: la musique devenant personnage de ce «film» marionnettique réalisé en temps réel, au théâtre. Avec une grande chaleur, l’homme-orchestre Félix Boisvert partage après la représentation la passion de son aventure. Pour sa recherche et son originalité, Concerto au sol mérite à coup sûr une escale aux Écuries.
Conception et interprétation: Félix Boisvert. Mise en scène: Félix Boisvert et Jean-François Boisvert, en collaboration avec Karina Bleau. Une production de la Société de musique contemporaine du Québec. Aux Écuries jusqu’au 26 octobre 2013.
Concerto au sol présente une singulière fantasmagorie. Dans ce spectacle sans parole de Félix Boisvert surgissent des figures lumineuses et musicales d’une façon troublante, presque surnaturelle. La protagoniste n’est autre que la main gauche de Félix Boisvert (qui est droitier qui plus est). Elle évolue sur un sol musicalement fertile, c’est-à-dire que ses mouvements résonnent, sonnent et composent de la musique, sans qu’aucun instrument ne soit visible. Cette errance, qui prend aussi des allures d’épopée, s’effectue dans un cadre fermé par une toile translucide, qui forme un écran sur lequel défilent des projections-vidéos.
Un concert symphonique est sur le point de commencer, le pianiste s’installe à son instrument, quand le clavier se trouve soudainement englouti. Une des mains de l’interprète plonge! Elle se redresse et une aventure cosmique débute. Cette main devient un homme baigné d’une lumière bleutée, une silhouette qui dérive de rivages en nuages, de reflets en échos. Elle tente par exemple d’apprivoiser une lune mouvante qui émerge, ou bien un autre astre qui se dégonfle comme une baudruche.
Toujours, la main s’avance sur un sol musicien. Dans ce monde sonore, elle rencontre d’autres mains anthropomorphisées qui produisent toutes sortes de notes, qui dansent. La chute d’une lune fait retourner la main à sa position de pianiste. Bien que le clavier ne soit pas revenu, les mains improvisent un morceau avec les possibilités sonores qu’elles ont sous la main. Ce parcours poétique offre de très belles images, fortes et fascinantes, en glissant avec finesse de différents bruits à une musique de grande qualité (tant dans l’interprétation que dans la diffusion, ce qui n’est pas si courant dans les spectacles de théâtre).
Le bémol tient à la construction dramaturgique, qui n’est pas déterminée par une ligne assez perceptible. Ce jeu de cache-cache avec des astres est interrompu par des retours au concertiste, surpris de ce que sa main traverse. Ce rêve surnaturel serait-il finalement un exercice conscient du pianiste? De même, la main semble s’évader de ce cadre filmique, alors que la musique fait plusieurs fois le tour de la salle. Pourquoi revenir après la visite d’un tel lieu musical derrière l’écran? Concerto au sol est une oeuvre poétique grâce à sa dimension interartistique, mais cette poésie de «mainrionnette» serait plus forte encore à mon sens si les choix dramaturgiques étaient plus nets.
Ce «one-hand-show» témoigne d’une franche originalité et d’une recherche résolue, très solide après huit ans de création. Les arts y fusionnent: la musique devenant personnage de ce «film» marionnettique réalisé en temps réel, au théâtre. Avec une grande chaleur, l’homme-orchestre Félix Boisvert partage après la représentation la passion de son aventure. Pour sa recherche et son originalité, Concerto au sol mérite à coup sûr une escale aux Écuries.
Concerto au sol
Conception et interprétation: Félix Boisvert. Mise en scène: Félix Boisvert et Jean-François Boisvert, en collaboration avec Karina Bleau. Une production de la Société de musique contemporaine du Québec. Aux Écuries jusqu’au 26 octobre 2013.