Ceux qui ont vu Oxygène, de l’auteur russe Ivan Viripaev, au FTA 2008, dans une mise en scène de Galin Stoev, s’en souviendront sans doute comme d’une bouffée d’air frais. Les deux comédiens, debout derrière des micros et accompagnés par un DJ nous livraient ce texte atypique et chaotique avec une infinie variété d’intonations, de rythmes, et de modulations, et interagissaient avec légèreté et complicité, tantôt gambadant, tantôt plaisantant, tantôt grimaçant.
Pour sa version montréalaise, Christian Lapointe, qui signe la mise en scène, a pris un tout autre parti, non moins efficace. Nous sommes ici dans un environnement qui évoque un mariage : le public est assis autour de tables décorées de fleurs en plastique et de bougies à pile sous une tente blanche, et les deux comédiens, Éric Robidoux et Ève Pressault, sont habillés comme des mariés, elle en robe blanche et voile, lui en tuxedo. Debout derrière des micros, sur fond de musique électronique et éclairés par des spots de couleurs et une boule à facettes, ils parlent avec l’énergie d’animateurs de boîte de nuit.
Chacun des tableaux, appelés «compositions», illustre comment Sacha de Serboukhov et Sacha de Moscou – et au-delà d’eux le monde entier –, bafouent au quotidien les dix commandements que Dieu révéla à Moïse. «Avez-vous entendu ce qui a été dit? Tu ne tueras point»… sauf que Sacha de Serboukhov coupe sa femme en deux à coups de pelle.
Sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle, Viripaev nous parle de meurtre, d’adultère, de terrorisme, de religion, des rapports entre ville et campagne, de vodka, etc. Il nous assène une vision du monde plutôt cynique, qui n’est pas exempte de raccourcis, de clichés et d’images saugrenues. Ici, ce n’est pas tant le sens qui prime que la musicalité du texte, la plupart des compositions comportant couplets et refrains. On comprendra que Lapointe ait trouvé ici une matière à son goût. Il a choisi d’accompagner cette partition vocale d’une partition gestuelle, un choix qui s’avère extrêmement porteur de sens. Ainsi, les codes corporels, représentant notamment l’argent ou le sexe (il y en a quelques dizaines), commencent par soutenir le texte pour finir par exister indépendament de lui. À ce jeu-là, les comédiens sont remarquablement habiles et leur diction est impeccable. Il en résulte un spectacle à l’image du texte: un peu fou et décoiffant, un élan de révolte terriblement jouissif contre un monde asphyxié.
Oxygène. Texte de Ivan Viripaev. Mise en scène de Christian Lapointe. Une production La Veillée. Au Théâtre Prospero jusqu’au 14 décembre 2013.
Ceux qui ont vu Oxygène, de l’auteur russe Ivan Viripaev, au FTA 2008, dans une mise en scène de Galin Stoev, s’en souviendront sans doute comme d’une bouffée d’air frais. Les deux comédiens, debout derrière des micros et accompagnés par un DJ nous livraient ce texte atypique et chaotique avec une infinie variété d’intonations, de rythmes, et de modulations, et interagissaient avec légèreté et complicité, tantôt gambadant, tantôt plaisantant, tantôt grimaçant.
Pour sa version montréalaise, Christian Lapointe, qui signe la mise en scène, a pris un tout autre parti, non moins efficace. Nous sommes ici dans un environnement qui évoque un mariage : le public est assis autour de tables décorées de fleurs en plastique et de bougies à pile sous une tente blanche, et les deux comédiens, Éric Robidoux et Ève Pressault, sont habillés comme des mariés, elle en robe blanche et voile, lui en tuxedo. Debout derrière des micros, sur fond de musique électronique et éclairés par des spots de couleurs et une boule à facettes, ils parlent avec l’énergie d’animateurs de boîte de nuit.
Chacun des tableaux, appelés «compositions», illustre comment Sacha de Serboukhov et Sacha de Moscou – et au-delà d’eux le monde entier –, bafouent au quotidien les dix commandements que Dieu révéla à Moïse. «Avez-vous entendu ce qui a été dit? Tu ne tueras point»… sauf que Sacha de Serboukhov coupe sa femme en deux à coups de pelle.
Sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle, Viripaev nous parle de meurtre, d’adultère, de terrorisme, de religion, des rapports entre ville et campagne, de vodka, etc. Il nous assène une vision du monde plutôt cynique, qui n’est pas exempte de raccourcis, de clichés et d’images saugrenues. Ici, ce n’est pas tant le sens qui prime que la musicalité du texte, la plupart des compositions comportant couplets et refrains. On comprendra que Lapointe ait trouvé ici une matière à son goût. Il a choisi d’accompagner cette partition vocale d’une partition gestuelle, un choix qui s’avère extrêmement porteur de sens. Ainsi, les codes corporels, représentant notamment l’argent ou le sexe (il y en a quelques dizaines), commencent par soutenir le texte pour finir par exister indépendament de lui. À ce jeu-là, les comédiens sont remarquablement habiles et leur diction est impeccable. Il en résulte un spectacle à l’image du texte: un peu fou et décoiffant, un élan de révolte terriblement jouissif contre un monde asphyxié.
Oxygène. Texte de Ivan Viripaev. Mise en scène de Christian Lapointe. Une production La Veillée. Au Théâtre Prospero jusqu’au 14 décembre 2013.