À l’origine de ce spectacle, il y a une phrase, lue par Denis Lavalou à l’occasion d’un concours de nouvelles en 1998 : « Ils montaient vers le nord dans le noir de la nuit, et si l’on peut encore donner un sens au mot prière, je suis certain qu’au volant de sa vieille Dodge, Parker priait (Trevor Ferguson, Train d’enfer). »
Lavalou n’a pas participé au concours, mais il est resté habité par cette phrase, notant de temps à autres quelques idées sur un bout de papier. À l’occasion des vingt ans du Théâtre Complice, fondé en 1994 par Marie-Josée Gauthier, celui qui est maintenant son directeur artistique nous présente le résultat de ces années de réflexion, une pièce post apocalyptique qui a des allures de partition musicale, et qui a sans aucun doute dû nécessiter un travail d’appropriation colossal de la part des comédiens.
Vêtement crasseux, cheveux gras, air hagard, douze villageois, assis derrière une longue table tels les apôtres de la Cène et qui semblent être les derniers survivants d’un cataclysme quelconque, dissertent sans fin sur deux uniques questions : quand Parker a-t-il quitté le village, et qui l’a vu pour la dernière fois ? Ici, tout le monde donne son opinion, tout le monde s’exprime, mais il n’en sort rien d’autre qu’une cacophonie vide de sens, un déblatérage obsessionnel et absurde, qui n’est pas sans évoquer Becket ou Ionesco. Puis arrive l’étranger, celui qui dérange avec toutes ses questions. Il cherche à comprendre ? Il n’accepte pas de ne pas recevoir de réponse ? C’est louche, forcément, c’est même peut-être dangereux, mieux vaut s’en débarrasser.
À l’exception d’une femme, Jeanne, les personnages sont anonymes, car dans ce village sans âme, on ne nomme plus les gens, mais on leur donne des numéros. Le simple fait qu’une jeune fille demande son nom à l’étranger cause tout un émoi. Avec le nom vient l’identité et une humanité qui semble faire défaut à la petite communauté repliée sur elle même, et qui rejette le nouveau venu presque par principe, même si elle se meurt de voir les gens disparaître les uns après les autres.
Avec un indéniable talent d’écriture (malgré certaines longueurs), Denis Lavalou nous dépeint un monde caractérisé par la peur de l’étranger, l’absence de valeurs humanistes, les radotages infinis sur les sujets les plus triviaux, l’ignorance volontaire des questions essentielles… Un monde qui n’est pas beau à voir mais qui finalement ressemble beaucoup au nôtre. On reste habité longtemps par l’atmosphère de fin du monde qui se dégage de la scénographie (tas de chaises empilées; immense table qui figure aussi la route du Nord, celle par laquelle on part, mais dont on ne revient pas; fumée; grondements en fond sonore), de l’accoutrement crasseux des personnages, de leurs regard fixes et de leurs visages sans joie (l’unique moment de rire de la pièce prend d’autant plus de relief).
Le Souffleur de verre
Texte et mise en scène : Denis Lavalou. Avec Jean-François Blanchard, Léa-Marie Cantin, Henri Chassé, Olivier Courtois, Jasmine Dubé, Carmen Ferlan, Marie-Josée Gauthier, Nico Lagarde, Claude Lemieux, Vincent Magnat, Bernard Meney, Janie Pelletier et Marcel Pomerlo. Le spectacle est dédié à la mémoire du comédien Denis Gravereaux, décédé subitement en décembre. Une production du Théâtre Complice présentée à Espace Libre jusqu’au 1er février 2014.
À l’origine de ce spectacle, il y a une phrase, lue par Denis Lavalou à l’occasion d’un concours de nouvelles en 1998 : « Ils montaient vers le nord dans le noir de la nuit, et si l’on peut encore donner un sens au mot prière, je suis certain qu’au volant de sa vieille Dodge, Parker priait (Trevor Ferguson, Train d’enfer). »
Lavalou n’a pas participé au concours, mais il est resté habité par cette phrase, notant de temps à autres quelques idées sur un bout de papier. À l’occasion des vingt ans du Théâtre Complice, fondé en 1994 par Marie-Josée Gauthier, celui qui est maintenant son directeur artistique nous présente le résultat de ces années de réflexion, une pièce post apocalyptique qui a des allures de partition musicale, et qui a sans aucun doute dû nécessiter un travail d’appropriation colossal de la part des comédiens.
Vêtement crasseux, cheveux gras, air hagard, douze villageois, assis derrière une longue table tels les apôtres de la Cène et qui semblent être les derniers survivants d’un cataclysme quelconque, dissertent sans fin sur deux uniques questions : quand Parker a-t-il quitté le village, et qui l’a vu pour la dernière fois ? Ici, tout le monde donne son opinion, tout le monde s’exprime, mais il n’en sort rien d’autre qu’une cacophonie vide de sens, un déblatérage obsessionnel et absurde, qui n’est pas sans évoquer Becket ou Ionesco. Puis arrive l’étranger, celui qui dérange avec toutes ses questions. Il cherche à comprendre ? Il n’accepte pas de ne pas recevoir de réponse ? C’est louche, forcément, c’est même peut-être dangereux, mieux vaut s’en débarrasser.
À l’exception d’une femme, Jeanne, les personnages sont anonymes, car dans ce village sans âme, on ne nomme plus les gens, mais on leur donne des numéros. Le simple fait qu’une jeune fille demande son nom à l’étranger cause tout un émoi. Avec le nom vient l’identité et une humanité qui semble faire défaut à la petite communauté repliée sur elle même, et qui rejette le nouveau venu presque par principe, même si elle se meurt de voir les gens disparaître les uns après les autres.
Avec un indéniable talent d’écriture (malgré certaines longueurs), Denis Lavalou nous dépeint un monde caractérisé par la peur de l’étranger, l’absence de valeurs humanistes, les radotages infinis sur les sujets les plus triviaux, l’ignorance volontaire des questions essentielles… Un monde qui n’est pas beau à voir mais qui finalement ressemble beaucoup au nôtre. On reste habité longtemps par l’atmosphère de fin du monde qui se dégage de la scénographie (tas de chaises empilées; immense table qui figure aussi la route du Nord, celle par laquelle on part, mais dont on ne revient pas; fumée; grondements en fond sonore), de l’accoutrement crasseux des personnages, de leurs regard fixes et de leurs visages sans joie (l’unique moment de rire de la pièce prend d’autant plus de relief).
Le Souffleur de verre
Texte et mise en scène : Denis Lavalou. Avec Jean-François Blanchard, Léa-Marie Cantin, Henri Chassé, Olivier Courtois, Jasmine Dubé, Carmen Ferlan, Marie-Josée Gauthier, Nico Lagarde, Claude Lemieux, Vincent Magnat, Bernard Meney, Janie Pelletier et Marcel Pomerlo. Le spectacle est dédié à la mémoire du comédien Denis Gravereaux, décédé subitement en décembre. Une production du Théâtre Complice présentée à Espace Libre jusqu’au 1er février 2014.