Fondé en 2009, le collectif Les langues baladeuses privilégie une approche pluridisciplinaire, axée sur le théâtre. Après avoir exploré les liens avec la danse dans Pour le meilleur…, il se tourne cette fois vers la bande dessinée avec Encré, qui suit le destin de cinq personnages, menant des vies plus ou moins parallèles dans une métropole nord-américaine, qu’elle soit Montréal ou New York, un distinct parfum de Will Eisner se dégageant du tout.
On y retrouve ainsi Mimi, vieille fille asociale qui aimerait bien voir concrétisé le message trouvé dans son biscuit de fortune: «Vous devriez rencontrer quelqu’un.» Il y a aussi Michel, vieil homme revenu de tout, qui attend avec impatience la mort. Caroline et Sébastien adorent la course à pied, mais semblent quant à eux incapables d’accepter entièrement l’amour qui les unit. L’homme qui dessine devient ici un deus ex machina essentiel au déroulement de ces histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres, lui qui, à force de regarder vivre les gens de son quartier, a décidé de modifier la trajectoire de certains au gré de son inspiration. Après tout, «l’imagination ne se contrôle définitivement pas.»
Mimi devient Marie M., descendante directe des discrets Superman, Batman et Spiderman. (Johanne Benoit transmet d’ailleurs fort bien dans son langage corporel le poids qui pèse sur les épaules de la première aussi bien que la confiance en soi que dégage la seconde.) Michel se transforme en Barneby, un vieux routier qui tient à rencontrer le Créateur (le bédéiste lui-même) pour lui demander d’enfin lui permettre d’être mortel, tandis que les coureurs (Karine Berthelot, qui tire bien son épingle du jeu, et Louis-Philippe Berthiaume, impeccable Passe-partout dans Le tour du monde en 80 jours, qui continue d’éblouir) en sont réduits à deux mains tenant une cigarette, ravisseurs du dit Créateur. Nappés dans le noir (beau travail d’éclairage ici de Marie-Ève Marceau et Mathieu Prud’Homme), ils échangeront de façon volubile avec un accent français délirant. Trouvaille savoureuse, des personnages plus ou moins définis par leurs pieds (Caroline offrira d’ailleurs une nouvelle paire de souliers de course à Sébastien), en sont maintenant réduits à ne pouvoir s’exprimer qu’à travers leurs mains.
La proposition habile de Jonathan Leduc, dans le double rôle d’auteur et metteur en scène, fait souvent sourire. La scène au cours de laquelle Mimi dialogue avec le propriétaire du livre de croquis qu’elle a subtilisé lors d’une de ses rares promenades (Samuel Brassard, qui transmet bien l’intensité du dessinateur), puis a quelques pensées disons coquines à son égard, au grand dam du principal intéressé, restera dans les mémoires, tout autant que les discussions entre les deux cigarettes. Dans un registre doux-amer, difficile de ne pas se sentir interpellé par le destin de ce vieil homme qui n’en peut plus de mourir à petit feu (Igor Ovadis, que l’on retrouve ici avec plaisir, également suave à souhait dans le rôle de Barneby) et surtout cette solitude inhérente aux grandes villes, qui infuse toute la pièce.
Encré. Texte et mise en scène de Jonathan Leduc. Une productions Les langues baladeuses. Au Théâtre Aux Écuries jusqu’au 4 mars 2014.
Fondé en 2009, le collectif Les langues baladeuses privilégie une approche pluridisciplinaire, axée sur le théâtre. Après avoir exploré les liens avec la danse dans Pour le meilleur…, il se tourne cette fois vers la bande dessinée avec Encré, qui suit le destin de cinq personnages, menant des vies plus ou moins parallèles dans une métropole nord-américaine, qu’elle soit Montréal ou New York, un distinct parfum de Will Eisner se dégageant du tout.
On y retrouve ainsi Mimi, vieille fille asociale qui aimerait bien voir concrétisé le message trouvé dans son biscuit de fortune: «Vous devriez rencontrer quelqu’un.» Il y a aussi Michel, vieil homme revenu de tout, qui attend avec impatience la mort. Caroline et Sébastien adorent la course à pied, mais semblent quant à eux incapables d’accepter entièrement l’amour qui les unit. L’homme qui dessine devient ici un deus ex machina essentiel au déroulement de ces histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres, lui qui, à force de regarder vivre les gens de son quartier, a décidé de modifier la trajectoire de certains au gré de son inspiration. Après tout, «l’imagination ne se contrôle définitivement pas.»
Mimi devient Marie M., descendante directe des discrets Superman, Batman et Spiderman. (Johanne Benoit transmet d’ailleurs fort bien dans son langage corporel le poids qui pèse sur les épaules de la première aussi bien que la confiance en soi que dégage la seconde.) Michel se transforme en Barneby, un vieux routier qui tient à rencontrer le Créateur (le bédéiste lui-même) pour lui demander d’enfin lui permettre d’être mortel, tandis que les coureurs (Karine Berthelot, qui tire bien son épingle du jeu, et Louis-Philippe Berthiaume, impeccable Passe-partout dans Le tour du monde en 80 jours, qui continue d’éblouir) en sont réduits à deux mains tenant une cigarette, ravisseurs du dit Créateur. Nappés dans le noir (beau travail d’éclairage ici de Marie-Ève Marceau et Mathieu Prud’Homme), ils échangeront de façon volubile avec un accent français délirant. Trouvaille savoureuse, des personnages plus ou moins définis par leurs pieds (Caroline offrira d’ailleurs une nouvelle paire de souliers de course à Sébastien), en sont maintenant réduits à ne pouvoir s’exprimer qu’à travers leurs mains.
La proposition habile de Jonathan Leduc, dans le double rôle d’auteur et metteur en scène, fait souvent sourire. La scène au cours de laquelle Mimi dialogue avec le propriétaire du livre de croquis qu’elle a subtilisé lors d’une de ses rares promenades (Samuel Brassard, qui transmet bien l’intensité du dessinateur), puis a quelques pensées disons coquines à son égard, au grand dam du principal intéressé, restera dans les mémoires, tout autant que les discussions entre les deux cigarettes. Dans un registre doux-amer, difficile de ne pas se sentir interpellé par le destin de ce vieil homme qui n’en peut plus de mourir à petit feu (Igor Ovadis, que l’on retrouve ici avec plaisir, également suave à souhait dans le rôle de Barneby) et surtout cette solitude inhérente aux grandes villes, qui infuse toute la pièce.
Encré. Texte et mise en scène de Jonathan Leduc. Une productions Les langues baladeuses. Au Théâtre Aux Écuries jusqu’au 4 mars 2014.