Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a quelque chose de très embêtant à produire la critique d’un spectacle d’opéra de Pékin, d’autant plus s’il s’agit, comme ici, de la transposition d’un chef-d’œuvre de la dramaturgie occidentale qui ne va de soi même pour nous!
L’invitation des dirigeants de la Place des Arts à «poser un regard sur la modernité de la Chine» grâce au festival Spectaculairement Chine dont la superbe Tragédie du prince Zidan constitue la «pièce de résistance» revient en effet à interroger, pour le dire avec Brecht, «l’art du spectateur».
On nous a d’entrée de jeu expliqué que les Chinois n’ont «aucun mal à s’identifier» à plusieurs thèmes et valeurs d’Hamlet. Quelques ajustements ont été faits à la trame qui tiennent cependant plus de la mise en scène.
Dans le cimetière par exemple, on retrouvera des êtres blancs et noirs qui doivent servir, dans la culture chinoise, de guides aux trépassés. Dans cette même scène, d’ailleurs, de petits meubles en bois figureront des pierres tombales qui deviendront par la suite des chaises, notamment; le décor se limite en outre à quatre panneaux – sur lesquels on retrouvera plus tard inscrits les plus célèbres mots du protagoniste – qui tournoient au besoin, et d’un peu de fumée.
Les personnages endeuillés porteront du blanc, tel que le veut la coutume dans l’Empire du Milieu, alors que Yong Shu (Claudius) et Jiang Rong (Gertrude) seront vêtus de jaune qui symbolise la royauté. Quant aux patronymes, enfin, mentionnons seulement qu’Ophélie devient Yin Li, nom qui fait référence au foulard qu’une mère donnerait à sa fille qui prend époux, et que l’identité des deux jeunes amants, toujours dans la langue mandarine, est teintée de rouge.
La lecture chinoise d’Hamlet enrichit ainsi, on s’en doute, chaque nom et mot de la pièce à laquelle s’ajoute le jeu qui, lui, laisse le spectateur sans trop de répères. Cela dit, l’«insolite» (Brecht) s’accompagne d’un émerveillement constant face au talent prodigieux des comédiens dont la dextérité et la puissance vocales n’ont d’égales que leurs habiletés physiques.
Et, au final, on sort de la salle pour s’entourer de commentaires parfois tautologiques et délirants qui prouvent que notre façon d’appréhender la représentation théâtrale n’est souvent pas la bonne, et que nous aurions tout intérêt à être exposés davantage à d’autres formes d’art. Car, comme l’écrivait encore Brecht, «la mystique n’est pas la seule à faire naître des sentiments».
La Tragédie du prince Zidan. Une production de la Troupe de jingju de Shanghai. Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts le 28 février et le 1er mars 2014.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a quelque chose de très embêtant à produire la critique d’un spectacle d’opéra de Pékin, d’autant plus s’il s’agit, comme ici, de la transposition d’un chef-d’œuvre de la dramaturgie occidentale qui ne va de soi même pour nous!
L’invitation des dirigeants de la Place des Arts à «poser un regard sur la modernité de la Chine» grâce au festival Spectaculairement Chine dont la superbe Tragédie du prince Zidan constitue la «pièce de résistance» revient en effet à interroger, pour le dire avec Brecht, «l’art du spectateur».
On nous a d’entrée de jeu expliqué que les Chinois n’ont «aucun mal à s’identifier» à plusieurs thèmes et valeurs d’Hamlet. Quelques ajustements ont été faits à la trame qui tiennent cependant plus de la mise en scène.
Dans le cimetière par exemple, on retrouvera des êtres blancs et noirs qui doivent servir, dans la culture chinoise, de guides aux trépassés. Dans cette même scène, d’ailleurs, de petits meubles en bois figureront des pierres tombales qui deviendront par la suite des chaises, notamment; le décor se limite en outre à quatre panneaux – sur lesquels on retrouvera plus tard inscrits les plus célèbres mots du protagoniste – qui tournoient au besoin, et d’un peu de fumée.
Les personnages endeuillés porteront du blanc, tel que le veut la coutume dans l’Empire du Milieu, alors que Yong Shu (Claudius) et Jiang Rong (Gertrude) seront vêtus de jaune qui symbolise la royauté. Quant aux patronymes, enfin, mentionnons seulement qu’Ophélie devient Yin Li, nom qui fait référence au foulard qu’une mère donnerait à sa fille qui prend époux, et que l’identité des deux jeunes amants, toujours dans la langue mandarine, est teintée de rouge.
La lecture chinoise d’Hamlet enrichit ainsi, on s’en doute, chaque nom et mot de la pièce à laquelle s’ajoute le jeu qui, lui, laisse le spectateur sans trop de répères. Cela dit, l’«insolite» (Brecht) s’accompagne d’un émerveillement constant face au talent prodigieux des comédiens dont la dextérité et la puissance vocales n’ont d’égales que leurs habiletés physiques.
Et, au final, on sort de la salle pour s’entourer de commentaires parfois tautologiques et délirants qui prouvent que notre façon d’appréhender la représentation théâtrale n’est souvent pas la bonne, et que nous aurions tout intérêt à être exposés davantage à d’autres formes d’art. Car, comme l’écrivait encore Brecht, «la mystique n’est pas la seule à faire naître des sentiments».
La Tragédie du prince Zidan. Une production de la Troupe de jingju de Shanghai. Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts le 28 février et le 1er mars 2014.