Créée en 2006, cette production aux qualités esthétiques remarquables revient à la Maison Théâtre sans avoir pris une ride. Puisqu’il s’agit, en fait, d’un conte plutôt intemporel, on peut espérer que le spectacle, dont le long titre vous paraîtra moins obscur après la représentation, poursuivra sa route sur les scènes du monde encore longtemps.
L’ambiance fébrile, pétillante d’échos de voix des quelques centaines d’enfants présents mardi après-midi s’est subtilement transformée au fil d’une petite heure bien remplie, de silences, de mots pesés, de souffles haletants, de courses et d’accalmies, d’humour et de poésie. Passant des éclats de rires tout prêts à jaillir à l’écoute attentive, puis aux «oh» admiratifs devant quelques trouvailles visuelles, simples mais évocatrices, le jeune public a été habilement conquis.
Dans un décor de désert imagé, une montagne en toile, écran dont les courbes se fondent avec le sol beige, l’entrée amusante des acteurs-marionnettistes se fait en roulades sans qu’un mot ne soit prononcé, chacun déposant sur scène un ballot, un sac. Puis, en contrepoint des actions silencieuses des interprètes, une voix féminine assure la narration, sur un fond sonore d’eau qui coule, comme une pluie si précieuse dans le désert, prélude au thème-leitmotiv de la soif à assouvir: «Dans le noir. Tout commence dans le noir. Rien ne sert d’ouvrir les yeux. Rien ne sert de les fermer. Je dors l’œil ouvert, dans le noir liquide, l’abysse des poissons». Sous une bâche, une forme prend vie : le chameau, aussitôt soutenu par les trois manipulateurs, qui l’aident à se mettre sur pied, dans une valse-hésitation chorégraphiée à la fois tendre et drôle.
Rapidement, le héros de l’histoire se révèle handicapé:une patte plus courte, «pas bien née», l’empêche de suivre le troupeau de ses semblables. Vulnérable à tous les dangers, il fera preuve de détermination et d’une soif de liberté aussi inextinguible que la soif réelle qui harcèle les habitants du désert.
Les éclairages chauds, aux teintes de jaune, d’orange et de rouge, signés Alexandre Nadeau, les ambiances sonores d’Éric Forget, qui juxtaposent des musiques aux rythmes de marches, de galops et de tambours, le texte poétique, en phrases simples, aux concepts immédiatement accessibles, s’amalgament en une œuvre d’une belle cohérence. Puis, des jeux de projections multicolores et d’ombres, sur le décor, sur une toile à l’avant d’un tricycle et sur la robe-écran de la danseuse-étoile à la fin, évocations de kaléidoscopes, ravissent les yeux des petits et des grands.
Parmi les dangers rencontrés par le chameau, outre le redoutable lion, il y a évidemment les hommes, qui l’attrapent et l’attachent pour en faire un esclave transportant l’eau de l’oasis à la ville. Cette dernière, qui recèle aussi ses périls, est symbolisée par des façades colorées et les masques bleus, menaçants, de ses habitants. De retour au désert, le héros accouche d’un petit… et on comprend pourquoi la narration était faite par une voix féminine, celle toute en nuances de Sylvie Tremblay : la chamelle vieillie, éprouvée par la perte de son petit, a des accents qui m’ont rappelé la fabuleuse Kim Yaroshevskaya.
De nombreux talents ont uni leurs forces dans cette création pour offrir du rêve, du merveilleux, de la beauté aux enfants : outre l’auteur et la metteure en scène, et ceux déjà nommés, les interprètes Dany Lefrançois, Christian Ouellet et Marilyne Renaud, la scénographe et créatrice des marionnettes et des masques, Marie-Pierre Simard, ainsi qu’Alain Lavallée pour les ombres et Marie-Josée Paradis pour les chorégraphies. Qu’ils en soient félicités, et remerciés!
Texte : Jean-Rock Gaudreault. Mise en scène : Marthe Adam. Une production du Théâtre Les Amis de Chiffon. À la Maison Théâtre jusqu’au 25 mai 2014.
Créée en 2006, cette production aux qualités esthétiques remarquables revient à la Maison Théâtre sans avoir pris une ride. Puisqu’il s’agit, en fait, d’un conte plutôt intemporel, on peut espérer que le spectacle, dont le long titre vous paraîtra moins obscur après la représentation, poursuivra sa route sur les scènes du monde encore longtemps.
L’ambiance fébrile, pétillante d’échos de voix des quelques centaines d’enfants présents mardi après-midi s’est subtilement transformée au fil d’une petite heure bien remplie, de silences, de mots pesés, de souffles haletants, de courses et d’accalmies, d’humour et de poésie. Passant des éclats de rires tout prêts à jaillir à l’écoute attentive, puis aux «oh» admiratifs devant quelques trouvailles visuelles, simples mais évocatrices, le jeune public a été habilement conquis.
Dans un décor de désert imagé, une montagne en toile, écran dont les courbes se fondent avec le sol beige, l’entrée amusante des acteurs-marionnettistes se fait en roulades sans qu’un mot ne soit prononcé, chacun déposant sur scène un ballot, un sac. Puis, en contrepoint des actions silencieuses des interprètes, une voix féminine assure la narration, sur un fond sonore d’eau qui coule, comme une pluie si précieuse dans le désert, prélude au thème-leitmotiv de la soif à assouvir: «Dans le noir. Tout commence dans le noir. Rien ne sert d’ouvrir les yeux. Rien ne sert de les fermer. Je dors l’œil ouvert, dans le noir liquide, l’abysse des poissons». Sous une bâche, une forme prend vie : le chameau, aussitôt soutenu par les trois manipulateurs, qui l’aident à se mettre sur pied, dans une valse-hésitation chorégraphiée à la fois tendre et drôle.
Rapidement, le héros de l’histoire se révèle handicapé:une patte plus courte, «pas bien née», l’empêche de suivre le troupeau de ses semblables. Vulnérable à tous les dangers, il fera preuve de détermination et d’une soif de liberté aussi inextinguible que la soif réelle qui harcèle les habitants du désert.
Les éclairages chauds, aux teintes de jaune, d’orange et de rouge, signés Alexandre Nadeau, les ambiances sonores d’Éric Forget, qui juxtaposent des musiques aux rythmes de marches, de galops et de tambours, le texte poétique, en phrases simples, aux concepts immédiatement accessibles, s’amalgament en une œuvre d’une belle cohérence. Puis, des jeux de projections multicolores et d’ombres, sur le décor, sur une toile à l’avant d’un tricycle et sur la robe-écran de la danseuse-étoile à la fin, évocations de kaléidoscopes, ravissent les yeux des petits et des grands.
Parmi les dangers rencontrés par le chameau, outre le redoutable lion, il y a évidemment les hommes, qui l’attrapent et l’attachent pour en faire un esclave transportant l’eau de l’oasis à la ville. Cette dernière, qui recèle aussi ses périls, est symbolisée par des façades colorées et les masques bleus, menaçants, de ses habitants. De retour au désert, le héros accouche d’un petit… et on comprend pourquoi la narration était faite par une voix féminine, celle toute en nuances de Sylvie Tremblay : la chamelle vieillie, éprouvée par la perte de son petit, a des accents qui m’ont rappelé la fabuleuse Kim Yaroshevskaya.
De nombreux talents ont uni leurs forces dans cette création pour offrir du rêve, du merveilleux, de la beauté aux enfants : outre l’auteur et la metteure en scène, et ceux déjà nommés, les interprètes Dany Lefrançois, Christian Ouellet et Marilyne Renaud, la scénographe et créatrice des marionnettes et des masques, Marie-Pierre Simard, ainsi qu’Alain Lavallée pour les ombres et Marie-Josée Paradis pour les chorégraphies. Qu’ils en soient félicités, et remerciés!
Une histoire dont le héros est un chameau et dont le sujet est la vie
Texte : Jean-Rock Gaudreault. Mise en scène : Marthe Adam. Une production du Théâtre Les Amis de Chiffon. À la Maison Théâtre jusqu’au 25 mai 2014.