La scène est plongée dans le noir. Puis, quelques éclats de lumière, tâtonnante, découvrent quatre individus, bidouillant une console. Apparaissent en fond de scène des phrases anodines, comme des surtitres. On comprend alors que ce sont leurs pensées qui se projettent. Eux restent muets, dans une drôle de pantomime. En accolant un prénom devant ces répliques, on assiste à la naissance du personnage.
La découverte d’un micro sous la scène, déterré à grands coups de pioche, permet de transférer les pensées vers « l’appareil phonatoire ». Avec l’usage de la parole, vient très vite le besoin de se structurer afin de la répartir, aussi on s’empresse de désigner un directeur de la communication.
Plus tard, grâce à une guitare électrique, elle aussi extirpée des gravats, ils expérimentent le chant et la comédie musicale. Dans une grande tentative d’organiser le foutoir du monde, ils catégorisent les objets : il y a ceux qui font poc poc et ceux qui ne le font pas. Et hop, voici que sous nos yeux se déploie avec une logique époustouflante la théorie des ensembles mathématiques.
La roue, le feu, l’ordinateur et Dieu, ils réinventent tout, sans peur et sans complexe. Il s’agit pour eux « d’établir une succession d’événements avec critères de cohérence spatiale et temporelle », de structurer le chaos. Mais où est le mode d’emploi ? Un « parallélépipède rectangle, un manuel d’utilisateur à deux pages » (entendez un ordinateur portable), donnera lieu à une scène désopilante, où l’on assiste à la création de la scénographie…
Tout ceci écrit platement ne rend pas justice au délire et aux trouvailles de ces deux inventeurs fous que sont Antoine Defoort et Halory Goerger, découverts et fort appréciés l’an dernier au FTA avec &&&&& && &&&. Entre la philosophie et l’absurde, Germinal (ainsi intitulé pour induire les profs en erreur et donner à leurs élèves l’occasion de vivre un moment de théâtre jubilatoire, dixit les deux créateurs !) décortique et déconstruit la parole et la société telle qu’on la comprend (ou pas).
Avec un humour décalé, à la fois lucide et totalement déjanté, les compères de L’amicale de production réinventent le théâtre, ni plus ni moins. Un spectacle aussi anarchique que réjouissant, d’une créativité loufoque, mais surtout, d’une remarquable intelligence.
Le public leur a réservé hier soir une ovation debout et trois rappels: apparemment je ne suis pas la seule à être tombée sous le charme ravageur de cette équipe d’hurluberlus.
Du comique intello. Bravo !
Conception et mise en scène d’Antoine Defoort et Halory Goerger. Une production de L’amicale de production. À la Maison Théâtre, à l’occasion du FTA, jusqu’au 1er juin 2014. De retour à l’Usine C du 3 au 6 février 2016.
La scène est plongée dans le noir. Puis, quelques éclats de lumière, tâtonnante, découvrent quatre individus, bidouillant une console. Apparaissent en fond de scène des phrases anodines, comme des surtitres. On comprend alors que ce sont leurs pensées qui se projettent. Eux restent muets, dans une drôle de pantomime. En accolant un prénom devant ces répliques, on assiste à la naissance du personnage.
La découverte d’un micro sous la scène, déterré à grands coups de pioche, permet de transférer les pensées vers « l’appareil phonatoire ». Avec l’usage de la parole, vient très vite le besoin de se structurer afin de la répartir, aussi on s’empresse de désigner un directeur de la communication.
Plus tard, grâce à une guitare électrique, elle aussi extirpée des gravats, ils expérimentent le chant et la comédie musicale. Dans une grande tentative d’organiser le foutoir du monde, ils catégorisent les objets : il y a ceux qui font poc poc et ceux qui ne le font pas. Et hop, voici que sous nos yeux se déploie avec une logique époustouflante la théorie des ensembles mathématiques.
La roue, le feu, l’ordinateur et Dieu, ils réinventent tout, sans peur et sans complexe. Il s’agit pour eux « d’établir une succession d’événements avec critères de cohérence spatiale et temporelle », de structurer le chaos. Mais où est le mode d’emploi ? Un « parallélépipède rectangle, un manuel d’utilisateur à deux pages » (entendez un ordinateur portable), donnera lieu à une scène désopilante, où l’on assiste à la création de la scénographie…
Tout ceci écrit platement ne rend pas justice au délire et aux trouvailles de ces deux inventeurs fous que sont Antoine Defoort et Halory Goerger, découverts et fort appréciés l’an dernier au FTA avec &&&&& && &&&. Entre la philosophie et l’absurde, Germinal (ainsi intitulé pour induire les profs en erreur et donner à leurs élèves l’occasion de vivre un moment de théâtre jubilatoire, dixit les deux créateurs !) décortique et déconstruit la parole et la société telle qu’on la comprend (ou pas).
Avec un humour décalé, à la fois lucide et totalement déjanté, les compères de L’amicale de production réinventent le théâtre, ni plus ni moins. Un spectacle aussi anarchique que réjouissant, d’une créativité loufoque, mais surtout, d’une remarquable intelligence.
Le public leur a réservé hier soir une ovation debout et trois rappels: apparemment je ne suis pas la seule à être tombée sous le charme ravageur de cette équipe d’hurluberlus.
Du comique intello. Bravo !
Germinal
Conception et mise en scène d’Antoine Defoort et Halory Goerger. Une production de L’amicale de production. À la Maison Théâtre, à l’occasion du FTA, jusqu’au 1er juin 2014. De retour à l’Usine C du 3 au 6 février 2016.