Le roman, provocant, était substantiel ; le spectacle qu’en a tiré le jeune Julien Gosselin (3 h 40) l’est tout autant. D’ailleurs, toutes les traces de l’écrit s’y retrouvent, en abondance. Texte projeté sur l’écran géant qui constitue le mur du fond, paroles prolixes de l’auteur dites, ou plutôt proférées, voire hurlées par les interprètes, quand ce n’est pas par un double de Houellebecq lui-même qui apparaît en commentateur de l’action.
Or, cette forte présence du texte écrit, loin de rendre le spectacle abstrait, prouve qu’il contient un bon potentiel dramatique. Cela me rappelle Vendredi ou la vie sauvage qu’Antoine Vitez avait mis en scène jadis, spectacle dans lequel les comédiens allaient jusqu’à lire de longs extraits de Robinson Crusoé, et, culot suprême, à les lire avec le livre à la main.
Fidèle au roman, dont les principales parties, personnages et idées clefs sont projetées sur l’écran, le spectacle orchestré par Gosselin fait appel à une douzaine de comédiens-musiciens (avec guitares et clavier) qui par moments vont jusqu’à subordonner l’action à un concert pop. Cette présence constante de la musique – par dessus laquelle le texte doit se frayer un chemin –, alliée à des éclairages violents (pleins feux, fumée, néons, stroboscopes…), permet de créer des montées dramatiques et de ponctuer des temps forts.
Les Particules élémentaires constituent le portrait vitriolique d’une génération héritière du new age, soit obsédée sexuellement soit déboussolée au point de ne pouvoir aimer. Deux demi-frères, Bruno et Michel, l’un professeur de littérature, l’autre chercheur en génétique, survivent, à travers les partouzes ou le voyeurisme esseulé, à une recherche effrénée du bonheur.
Bruno a besoin de se masturber constamment, même devant une de ses étudiantes en classe, ce qui lui vaut un congé pour traitement psychiatrique, tandis que Michel s’enferme de plus en plus dans le travail et un isolement qui le poussera au suicide. Une des théories plutôt fumeuses de Houellebecq veut que les actionnistes viennois ont fait naître le mouvement beatnik, qui a suscité le phénomène hippie, lequel a enfanté les tueurs en série. Un peu simpliste.
L’espace scénique, d’abord vide, est entouré de plateformes surélevées d’où les interprètes observent comme des voyeurs le jeu, qui se déploie surtout au milieu. Des caméras et des micros viennent par moments capter des témoignages plus intimes qui sont projetés en direct sur l’écran. Des photos (Giscard d’Estaing) et des noms (Bruno Masure, François Mitterrand, Mick Jagger…) inscrivent le spectacle dans un réel familier de la société française depuis les années 1970.
De tout cela, il se dégage, comme à la lecture du roman, une impression de trop-plein, presque d’écœurement parfois (comme quand on décrit les perversions sexuelles des disciples de Charles Manson). Certes, la thèse de Houellebecq, qui nous dit que l’être humain parviendra sous peu à dissocier totalement la reproduction de son espèce du bonheur sexuel, évitant ainsi à jamais toute frustration et tout malheur, nous parvient avec force. Mais ses obsessions aussi. Bref, on oscille entre la génétique et la branlette, qui est tout le temps présente, bien que plus souvent évoquée que montrée.
Texte : Michel Houellebecq. Adaptation et mise en scène : Julien Gosselin. Une production de Si vous pouviez lécher mon cœur. Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à l’occasion du Festival TransAmériques, les 30 et 31 mai 2014.
Le roman, provocant, était substantiel ; le spectacle qu’en a tiré le jeune Julien Gosselin (3 h 40) l’est tout autant. D’ailleurs, toutes les traces de l’écrit s’y retrouvent, en abondance. Texte projeté sur l’écran géant qui constitue le mur du fond, paroles prolixes de l’auteur dites, ou plutôt proférées, voire hurlées par les interprètes, quand ce n’est pas par un double de Houellebecq lui-même qui apparaît en commentateur de l’action.
Or, cette forte présence du texte écrit, loin de rendre le spectacle abstrait, prouve qu’il contient un bon potentiel dramatique. Cela me rappelle Vendredi ou la vie sauvage qu’Antoine Vitez avait mis en scène jadis, spectacle dans lequel les comédiens allaient jusqu’à lire de longs extraits de Robinson Crusoé, et, culot suprême, à les lire avec le livre à la main.
Les Particules élémentaires constituent le portrait vitriolique d’une génération héritière du new age, soit obsédée sexuellement soit déboussolée au point de ne pouvoir aimer. Deux demi-frères, Bruno et Michel, l’un professeur de littérature, l’autre chercheur en génétique, survivent, à travers les partouzes ou le voyeurisme esseulé, à une recherche effrénée du bonheur.
Bruno a besoin de se masturber constamment, même devant une de ses étudiantes en classe, ce qui lui vaut un congé pour traitement psychiatrique, tandis que Michel s’enferme de plus en plus dans le travail et un isolement qui le poussera au suicide. Une des théories plutôt fumeuses de Houellebecq veut que les actionnistes viennois ont fait naître le mouvement beatnik, qui a suscité le phénomène hippie, lequel a enfanté les tueurs en série. Un peu simpliste.
De tout cela, il se dégage, comme à la lecture du roman, une impression de trop-plein, presque d’écœurement parfois (comme quand on décrit les perversions sexuelles des disciples de Charles Manson). Certes, la thèse de Houellebecq, qui nous dit que l’être humain parviendra sous peu à dissocier totalement la reproduction de son espèce du bonheur sexuel, évitant ainsi à jamais toute frustration et tout malheur, nous parvient avec force. Mais ses obsessions aussi. Bref, on oscille entre la génétique et la branlette, qui est tout le temps présente, bien que plus souvent évoquée que montrée.
Les Particules élémentaires
Texte : Michel Houellebecq. Adaptation et mise en scène : Julien Gosselin. Une production de Si vous pouviez lécher mon cœur. Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à l’occasion du Festival TransAmériques, les 30 et 31 mai 2014.