Créés par Yvan Bienvenue et Stéphane Jacques, les Contes urbains fêtent en 2014 leurs vingt ans d’existence. Et, pour la première fois, la mise en scène est confiée à une femme, Brigitte Poupart.
Autour d’elle sont réunies sept femmes, d’âges et de milieux différents. Le fil rouge qui les réunit est personnifié par la plus âgée d’entre elles, France Arbour, qui reste en scène pendant toute la durée du spectacle et clôt la soirée avec le récit absolument savoureux de Tino le gigolo, « bronzé comme un catalogue », signé Yvan Bienvenue.
C’est Diane Lavallée qui part le bal, avec une sordide mais désopilante querelle de voisinage, écrite par Stéphane Jacques, une femme au bord de la crise de nerfs qui se voit contrainte de quitter le Plateau pour emménager à Laval : « Certains deviennent bouddhistes, moi je suis devenue Lavalloise », dira-t-elle. Brigitte Poupart dans son personnage de snobinarde-bobo-du-Plateau, créé par Stéphane Lafleur, est plus convenue mais néanmoins amusante dans sa recherche du bon goût et sa lutte pour la reconnaissance du prosciutto dans les boucheries d’HoMa, alors que son condo vient d’être dévalisé. Martine Francke défend elle aussi un personnage de petite bourgeoise, mariée-deux enfants, imaginé par Chantal Cadieux, qui voit sa vie bien rangée basculer suite à la découverte d’un cancer.
De maladie, de mort et de mère, il sera question dans deux autres contes. Celui de Marcel Pomerlo, livré avec force et intensité par Sandrine Bisson, met en scène une femme (sa mère) qui s’échappe de l’hôpital, vêtue de son beau manteau et de son collier qui brille, comme si elle avait un rendez-vous…
Le Noël écrit et interprété par Michelle Blanc est à la fois percutant et bouleversant. Elle évoque le petit garçon qu’elle fut, « la Fée Carabosse qui lui a donné son sexe », la femme qu’elle est devenue et la mort de sa mère, avec une ironie et un ton toujours très justes, à la fois drôles et poignants. En revanche, le texte de Justin Laramée, jouant sur les rimes et les allitérations, « passe un peu dans le beurre », mangé par la diction parfois inaudible de Dominique Quesnel.
La scénographie est réduite au minimum, quelques chaises sur lesquelles prennent place les comédiennes l’une après l’autre, comme un cercle d’amies qui se forme. Le dispositif bifrontal, qui place les spectateurs face à face, rend bien l’ambiance de veillée.
Mais la vraie réussite de cette édition tient à la mise en scène de Brigitte Poupart, qui fait s’enchainer et se relier les histoires entre elles. Cette fluidité donne une unité aux huit contes qui pourraient être autant d’épisodes de la vie d’une femme. Peut-être celle qui est là, dans sa robe fatiguée, assise sur une chaise comme dans une salle d’attente où elle n’attendrait plus rien, qui les regarde défiler, ces femmes ordinaires, porteuses de secrets, de blessures, de tant de violences. Dans l’histoire de cette femme multiple, la peur est omniprésente. Peur des menaces, des agressions (comme dans le terrible Prédateur, de Christine Germain, dit par Léa Simard), peur de l’abandon, de la maladie, de la solitude, de la vieillesse.
L’univers féminin de ces Contes urbains n’est pas sans évoquer d’autres spectacles dont l’argument se voulait féministe. Et là est un joli paradoxe. Car, c’est de ces petites histoires (dont cinq écrites par des hommes) que se dégagent des propos pertinents sur la condition féminine, telle que vécue par ces « belles-sœurs » contemporaines qui, loin de tout militantisme, disent leurs angoisses, leurs misères, leurs bonheurs sans jamais s’apitoyer, avec un humour noir et grinçant qui vient désamorcer le moindre accent mélodramatique. Et cette parole, mieux qu’un long discours, nous touche en plein cœur.
Textes de Yvan Bienvenue, Michelle Blanc, Chantal Cadieux, Christine Germain, Stéphane Jacques, Stéphane Lafleur, Justin Laramée et Marcel Pomerlo. Mise en scène de Brigitte Poupart. Une production Urbi et Orbi. Au Théâtre La Licorne jusqu’au 20 décembre 2014.
Créés par Yvan Bienvenue et Stéphane Jacques, les Contes urbains fêtent en 2014 leurs vingt ans d’existence. Et, pour la première fois, la mise en scène est confiée à une femme, Brigitte Poupart.
Autour d’elle sont réunies sept femmes, d’âges et de milieux différents. Le fil rouge qui les réunit est personnifié par la plus âgée d’entre elles, France Arbour, qui reste en scène pendant toute la durée du spectacle et clôt la soirée avec le récit absolument savoureux de Tino le gigolo, « bronzé comme un catalogue », signé Yvan Bienvenue.
C’est Diane Lavallée qui part le bal, avec une sordide mais désopilante querelle de voisinage, écrite par Stéphane Jacques, une femme au bord de la crise de nerfs qui se voit contrainte de quitter le Plateau pour emménager à Laval : « Certains deviennent bouddhistes, moi je suis devenue Lavalloise », dira-t-elle. Brigitte Poupart dans son personnage de snobinarde-bobo-du-Plateau, créé par Stéphane Lafleur, est plus convenue mais néanmoins amusante dans sa recherche du bon goût et sa lutte pour la reconnaissance du prosciutto dans les boucheries d’HoMa, alors que son condo vient d’être dévalisé. Martine Francke défend elle aussi un personnage de petite bourgeoise, mariée-deux enfants, imaginé par Chantal Cadieux, qui voit sa vie bien rangée basculer suite à la découverte d’un cancer.
De maladie, de mort et de mère, il sera question dans deux autres contes. Celui de Marcel Pomerlo, livré avec force et intensité par Sandrine Bisson, met en scène une femme (sa mère) qui s’échappe de l’hôpital, vêtue de son beau manteau et de son collier qui brille, comme si elle avait un rendez-vous…
Le Noël écrit et interprété par Michelle Blanc est à la fois percutant et bouleversant. Elle évoque le petit garçon qu’elle fut, « la Fée Carabosse qui lui a donné son sexe », la femme qu’elle est devenue et la mort de sa mère, avec une ironie et un ton toujours très justes, à la fois drôles et poignants. En revanche, le texte de Justin Laramée, jouant sur les rimes et les allitérations, « passe un peu dans le beurre », mangé par la diction parfois inaudible de Dominique Quesnel.
La scénographie est réduite au minimum, quelques chaises sur lesquelles prennent place les comédiennes l’une après l’autre, comme un cercle d’amies qui se forme. Le dispositif bifrontal, qui place les spectateurs face à face, rend bien l’ambiance de veillée.
Mais la vraie réussite de cette édition tient à la mise en scène de Brigitte Poupart, qui fait s’enchainer et se relier les histoires entre elles. Cette fluidité donne une unité aux huit contes qui pourraient être autant d’épisodes de la vie d’une femme. Peut-être celle qui est là, dans sa robe fatiguée, assise sur une chaise comme dans une salle d’attente où elle n’attendrait plus rien, qui les regarde défiler, ces femmes ordinaires, porteuses de secrets, de blessures, de tant de violences. Dans l’histoire de cette femme multiple, la peur est omniprésente. Peur des menaces, des agressions (comme dans le terrible Prédateur, de Christine Germain, dit par Léa Simard), peur de l’abandon, de la maladie, de la solitude, de la vieillesse.
L’univers féminin de ces Contes urbains n’est pas sans évoquer d’autres spectacles dont l’argument se voulait féministe. Et là est un joli paradoxe. Car, c’est de ces petites histoires (dont cinq écrites par des hommes) que se dégagent des propos pertinents sur la condition féminine, telle que vécue par ces « belles-sœurs » contemporaines qui, loin de tout militantisme, disent leurs angoisses, leurs misères, leurs bonheurs sans jamais s’apitoyer, avec un humour noir et grinçant qui vient désamorcer le moindre accent mélodramatique. Et cette parole, mieux qu’un long discours, nous touche en plein cœur.
Les Contes urbains
Textes de Yvan Bienvenue, Michelle Blanc, Chantal Cadieux, Christine Germain, Stéphane Jacques, Stéphane Lafleur, Justin Laramée et Marcel Pomerlo. Mise en scène de Brigitte Poupart. Une production Urbi et Orbi. Au Théâtre La Licorne jusqu’au 20 décembre 2014.