Jeune metteur en scène belge d’origine italienne, Salvatore Calcagno s’est imposé dès son premier spectacle comme un créateur à l’univers singulier. Créé en 2012, présenté à Bruxelles, Paris, Marseille et Colmar, La Vecchia Vacca a été nommé meilleure découverte de l’année 2013 par le Prix de la critique belge et n’a récolté que louanges et dithyrambes sur son passage.
Une cuisine en Sicile. Table et chaises en formica, très sixties, avec le pot de Nutella bien en évidence. Partant de la mamma italienne, figure par excellence de la mère nourricière, Salvatore Calcagno dresse un portrait décapant et tendre des femmes de son enfance, mère et tantes.
Un rideau pailleté dévoile la scène, comme on le faisait sur un stand de foire quand on exhibait les monstres. Effectivement, ces mères sont monstrueuses de trop d’amour, de trop d’angoisse, de trop de soins. De véritables fabriques de culpabilité, dans leur peur de ne jamais en faire assez. Objet de cette attention dévorante, le jeune garçon que l’on gave de tartines, qu’on entoure, qu’on surveille alors qu’il tente de s’émanciper. Comment grandir, comment se détacher d’une mère aimante mais envahissante ? Comment aimer une autre personne ?
Dans cette succession de tableaux, Calcagno s’attache à démolir les clichés, en détournant les gestes du quotidien pour en faire jaillir une poésie puissante. Ici, les corps sont plus bavards que le texte, souvent dit en italien, sans pour autant que cela gêne la compréhension du spectacle. Les gestes sont déstructurés et recomposés, amplifiés jusqu’à l’outrance. Ainsi, le simple fait de tartiner du Nutella sur un quignon de pain devient une chorégraphie, traduisant la colère ou la soumission.
Sexy mais jamais vulgaires, loufoques et déjantées, ces mères n’en sont pas moins des femmes qui cherchent à séduire, comme dans cette savoureuse scène où elles papotent nerveusement des fréquentations du fiston dans des nuages de poudre de riz.
Évoluant dans une esthétique kitsch totalement assumée, les cinq interprètes, vêtus (ou pas) de costumes vintage et débraillés, sont tous épatants de justesse et de précision. Incarnant des personnages aux limites de la caricature, ils gardent l’équilibre et la fragilité nécessaires pour leur insuffler une humanité profondément touchante.
Moins cruel qu’Angélica Liddell, moins percutant que Pippo Delbono – pourtant ce sont ces références qui viennent en tête devant ce spectacle et c’est à prendre comme un compliment – Calcagno, comme on le dit des bons vins, est encore jeune et on ne lui souhaite que de prendre de la bouteille…
Texte et mise en scène de Salvatore Calcagno. Une production de garçongarçon. Au Théâtre La Chapelle jusqu’au 21 février 2015.
Jeune metteur en scène belge d’origine italienne, Salvatore Calcagno s’est imposé dès son premier spectacle comme un créateur à l’univers singulier. Créé en 2012, présenté à Bruxelles, Paris, Marseille et Colmar, La Vecchia Vacca a été nommé meilleure découverte de l’année 2013 par le Prix de la critique belge et n’a récolté que louanges et dithyrambes sur son passage.
Une cuisine en Sicile. Table et chaises en formica, très sixties, avec le pot de Nutella bien en évidence. Partant de la mamma italienne, figure par excellence de la mère nourricière, Salvatore Calcagno dresse un portrait décapant et tendre des femmes de son enfance, mère et tantes.
Un rideau pailleté dévoile la scène, comme on le faisait sur un stand de foire quand on exhibait les monstres. Effectivement, ces mères sont monstrueuses de trop d’amour, de trop d’angoisse, de trop de soins. De véritables fabriques de culpabilité, dans leur peur de ne jamais en faire assez. Objet de cette attention dévorante, le jeune garçon que l’on gave de tartines, qu’on entoure, qu’on surveille alors qu’il tente de s’émanciper. Comment grandir, comment se détacher d’une mère aimante mais envahissante ? Comment aimer une autre personne ?
Dans cette succession de tableaux, Calcagno s’attache à démolir les clichés, en détournant les gestes du quotidien pour en faire jaillir une poésie puissante. Ici, les corps sont plus bavards que le texte, souvent dit en italien, sans pour autant que cela gêne la compréhension du spectacle. Les gestes sont déstructurés et recomposés, amplifiés jusqu’à l’outrance. Ainsi, le simple fait de tartiner du Nutella sur un quignon de pain devient une chorégraphie, traduisant la colère ou la soumission.
Sexy mais jamais vulgaires, loufoques et déjantées, ces mères n’en sont pas moins des femmes qui cherchent à séduire, comme dans cette savoureuse scène où elles papotent nerveusement des fréquentations du fiston dans des nuages de poudre de riz.
Évoluant dans une esthétique kitsch totalement assumée, les cinq interprètes, vêtus (ou pas) de costumes vintage et débraillés, sont tous épatants de justesse et de précision. Incarnant des personnages aux limites de la caricature, ils gardent l’équilibre et la fragilité nécessaires pour leur insuffler une humanité profondément touchante.
Moins cruel qu’Angélica Liddell, moins percutant que Pippo Delbono – pourtant ce sont ces références qui viennent en tête devant ce spectacle et c’est à prendre comme un compliment – Calcagno, comme on le dit des bons vins, est encore jeune et on ne lui souhaite que de prendre de la bouteille…
La Vecchia Vacca
Texte et mise en scène de Salvatore Calcagno. Une production de garçongarçon. Au Théâtre La Chapelle jusqu’au 21 février 2015.