La pièce de la compagnie torontoise EW & FCO a beaucoup tourné depuis sa création en 2010, mais n’a rien perdu de son actualité. Si Little Iliad n’a rien d’épique dans le sens littéraire du terme, elle est le fragment autonome de quelque chose de grand.
Le titre fait référence à une partie du récit de la guerre de Troie qui comprend l’épisode d’une querelle entre Philoctète et Ulysse. L’histoire a été récupérée aux États-Unis, comme technique d’intervention auprès des soldats afin de faciliter leur réintégration au retour de la guerre. Ils interprètent une version théâtrale de ce récit qui justifie et anoblit, d’une certaine manière, la posture guerrière. Cette petite histoire est aussi au cœur de la pièce des artistes Evan Webber et Frank Cox-O’Connell.
Deux anciens amis, un théâtreux canadien et un officier dans l’armée, discutent sur Skype. Un moment de retrouvailles malgré la distance qui les sépare; un bref rapprochement avant que le militaire ne soit déployé à nouveau en zone de conflit. Ensemble, ils se racontent l’histoire de Philoctète, en interprètent des morceaux, ce qui leur permet de ponctuer le récit de leurs commentaires. Paradoxalement, en même temps que s’installe leur complicité, une opposition grandit entre les deux amis.
Car la pièce n’aborde pas les enjeux politiques et sociaux liés à l’implication des forces armées canadiennes outremer. À peine est-il souligné que les deux conflits dont il est question, soit la guerre de Troie et celle menée en Afghanistan, ont en commun une durée accablante qui dissipe l’origine des combats, ainsi que ses premières motivations. Les deux amis se disputent plutôt, et très simplement, à propos de partir ou ne pas partir à la guerre. Les arguments de chacun sont rapidement énoncés, sans être particulièrement défendus.
Little Iliad s’attarde davantage à décortiquer la dynamique du conflit qui oppose les deux amis que des problématiques d’ordre militaire. S’il est question de guerre, c’est parce que la pièce souligne qu’elle peut être conçue comme un mode de rapport à l’autre, une forme d’échange, une manière de se rencontrer, de communiquer.
La distance entre les deux amis, qui croît au fil de l’histoire, s’affirme déjà dans la scénographie et le captivant dispositif vidéo élaboré par Pierre-Antoine Lafon Simard. Le personnage de l’artiste discute avec l’officier, dont l’image est projetée sur une statuette qui évoque sa silhouette. Jumelé à l’utilisation de casques d’écoute pour relayer les voix des interprètes, le dispositif global de la représentation sert moins une expérience immersive singulière, que la délicate reproduction de l’ambiance d’une discussion sur Skype avec un ami lointain.
Au terme de la représentation, on peut se demander si, de la même manière que Philoctète sert à aider les soldats à accepter leurs actions et fonctions passées, la pièce Little Iliad n’est pas elle aussi un théâtre d’intervention auprès des civils. Une histoire pour apprivoiser sa propre posture vis-à-vis l’humain guerrier.
Texte de Evan Webber. Mise en scène de Frank Cox-O’Connell. Une production d’EW & FCO. Dans le studio Espace Libre jusqu’au 14 mars 2015.
La pièce de la compagnie torontoise EW & FCO a beaucoup tourné depuis sa création en 2010, mais n’a rien perdu de son actualité. Si Little Iliad n’a rien d’épique dans le sens littéraire du terme, elle est le fragment autonome de quelque chose de grand.
Le titre fait référence à une partie du récit de la guerre de Troie qui comprend l’épisode d’une querelle entre Philoctète et Ulysse. L’histoire a été récupérée aux États-Unis, comme technique d’intervention auprès des soldats afin de faciliter leur réintégration au retour de la guerre. Ils interprètent une version théâtrale de ce récit qui justifie et anoblit, d’une certaine manière, la posture guerrière. Cette petite histoire est aussi au cœur de la pièce des artistes Evan Webber et Frank Cox-O’Connell.
Deux anciens amis, un théâtreux canadien et un officier dans l’armée, discutent sur Skype. Un moment de retrouvailles malgré la distance qui les sépare; un bref rapprochement avant que le militaire ne soit déployé à nouveau en zone de conflit. Ensemble, ils se racontent l’histoire de Philoctète, en interprètent des morceaux, ce qui leur permet de ponctuer le récit de leurs commentaires. Paradoxalement, en même temps que s’installe leur complicité, une opposition grandit entre les deux amis.
Car la pièce n’aborde pas les enjeux politiques et sociaux liés à l’implication des forces armées canadiennes outremer. À peine est-il souligné que les deux conflits dont il est question, soit la guerre de Troie et celle menée en Afghanistan, ont en commun une durée accablante qui dissipe l’origine des combats, ainsi que ses premières motivations. Les deux amis se disputent plutôt, et très simplement, à propos de partir ou ne pas partir à la guerre. Les arguments de chacun sont rapidement énoncés, sans être particulièrement défendus.
Little Iliad s’attarde davantage à décortiquer la dynamique du conflit qui oppose les deux amis que des problématiques d’ordre militaire. S’il est question de guerre, c’est parce que la pièce souligne qu’elle peut être conçue comme un mode de rapport à l’autre, une forme d’échange, une manière de se rencontrer, de communiquer.
La distance entre les deux amis, qui croît au fil de l’histoire, s’affirme déjà dans la scénographie et le captivant dispositif vidéo élaboré par Pierre-Antoine Lafon Simard. Le personnage de l’artiste discute avec l’officier, dont l’image est projetée sur une statuette qui évoque sa silhouette. Jumelé à l’utilisation de casques d’écoute pour relayer les voix des interprètes, le dispositif global de la représentation sert moins une expérience immersive singulière, que la délicate reproduction de l’ambiance d’une discussion sur Skype avec un ami lointain.
Au terme de la représentation, on peut se demander si, de la même manière que Philoctète sert à aider les soldats à accepter leurs actions et fonctions passées, la pièce Little Iliad n’est pas elle aussi un théâtre d’intervention auprès des civils. Une histoire pour apprivoiser sa propre posture vis-à-vis l’humain guerrier.
Little Iliad
Texte de Evan Webber. Mise en scène de Frank Cox-O’Connell. Une production d’EW & FCO. Dans le studio Espace Libre jusqu’au 14 mars 2015.