J’aime passionnément la comédie musicale et ai toujours éprouvé une tendresse particulière pour les superproductions de jadis de la MGM, auxquelles a participé à de nombreuses reprises la mythique Judy Garland. Je me faisais donc une joie de voir l’adaptation française de The End of the Rainbow de Peter Quilter, saluée par de multiples nominations aux Tony Awards.
Malheureusement, quelques minutes à peine ont suffi pour comprendre que la magie ne ferait pas partie de l’équation, malgré un décor somptueux d’Olivier Landreville qui rappelle beaucoup celui de la production de Broadway (les costumes de Pierre-Guy Lapointe également), qui nous permet astucieusement de passer du Ritz à la salle de spectacle en quelques secondes.
Comment a-t-on pu réduire un tel destin à une production aussi édulcorée? Tous les ingrédients semblaient en place pourtant : un énième retour de l’étoile en 1968, un étrange triangle amoureux entre Judy, Mickey Deans, son futur cinquième mari (Éric Robidoux, efficace en faire-valoir attentif) et Anthony, son pianiste homosexuel (Roger La Rue, surprenant), onze numéros chantés, une histoire de déchéance annoncée et de rédemption impossible.
La pièce n’en est pas réellement une, mais se lit plutôt comme une série de scènes, liées entre elles certes, mais qui au fond servent de préludes – ou d’interludes – aux numéros chantés. Nous aurons droit à un seul moment de théâtre pur, de vérité enfin effleurée quand, en deuxième partie (pour ceux qui n’auront pas quitté la salle), Anthony maquille sa diva, la rassure, lui offre un amour pur et dématérialisé.
La mise en scène prévisible de Michel Poirier et la traduction de Michel Dumont, un salmigondis de français dit normatif, de québécois nivelé vers le bas, d’expressions américaines (comment croire une seule seconde à ces multiples « Jésus Christ » qui ponctuent le texte?) et de comique de boulevard rendent le tout encore plus indigeste.
La magie aurait pu – aurait dû – s’installer lors des chansons, surtout que Linda Sorgini se révèle particulièrement en voix et refuse de caricaturer Garland, ne cherchant pas à reproduire les moindres gestes ou inflexions de l’icône. D’une rare mièvrerie, les arrangements de Christian Thomas, un étrange croisement entre foxtrot et musique d’ameublement, qui semblent produits avec les moyens du bord, nous empêchent malheureusement d’y croire. On aurait pu sans peine sacrifier le décor fastueux et opter pour la présence sinon d’un big band, au moins d’un trio jazz complice, qui nous aurait moins fait regretter les petits bijoux signés au fil des ans par les arrangeurs de Garland.
On se retrouve le lendemain matin avec une seule envie : écouter la vraie Judy, incontestablement l’une des artistes les plus consommées que la terre ait jamais portées.
Texte de Peter Quilter. Mise en scène de Michel Poirier. Une production de la Compagnie Jean Duceppe. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 16 mai 2015.
J’aime passionnément la comédie musicale et ai toujours éprouvé une tendresse particulière pour les superproductions de jadis de la MGM, auxquelles a participé à de nombreuses reprises la mythique Judy Garland. Je me faisais donc une joie de voir l’adaptation française de The End of the Rainbow de Peter Quilter, saluée par de multiples nominations aux Tony Awards.
Malheureusement, quelques minutes à peine ont suffi pour comprendre que la magie ne ferait pas partie de l’équation, malgré un décor somptueux d’Olivier Landreville qui rappelle beaucoup celui de la production de Broadway (les costumes de Pierre-Guy Lapointe également), qui nous permet astucieusement de passer du Ritz à la salle de spectacle en quelques secondes.
Comment a-t-on pu réduire un tel destin à une production aussi édulcorée? Tous les ingrédients semblaient en place pourtant : un énième retour de l’étoile en 1968, un étrange triangle amoureux entre Judy, Mickey Deans, son futur cinquième mari (Éric Robidoux, efficace en faire-valoir attentif) et Anthony, son pianiste homosexuel (Roger La Rue, surprenant), onze numéros chantés, une histoire de déchéance annoncée et de rédemption impossible.
La pièce n’en est pas réellement une, mais se lit plutôt comme une série de scènes, liées entre elles certes, mais qui au fond servent de préludes – ou d’interludes – aux numéros chantés. Nous aurons droit à un seul moment de théâtre pur, de vérité enfin effleurée quand, en deuxième partie (pour ceux qui n’auront pas quitté la salle), Anthony maquille sa diva, la rassure, lui offre un amour pur et dématérialisé.
La mise en scène prévisible de Michel Poirier et la traduction de Michel Dumont, un salmigondis de français dit normatif, de québécois nivelé vers le bas, d’expressions américaines (comment croire une seule seconde à ces multiples « Jésus Christ » qui ponctuent le texte?) et de comique de boulevard rendent le tout encore plus indigeste.
La magie aurait pu – aurait dû – s’installer lors des chansons, surtout que Linda Sorgini se révèle particulièrement en voix et refuse de caricaturer Garland, ne cherchant pas à reproduire les moindres gestes ou inflexions de l’icône. D’une rare mièvrerie, les arrangements de Christian Thomas, un étrange croisement entre foxtrot et musique d’ameublement, qui semblent produits avec les moyens du bord, nous empêchent malheureusement d’y croire. On aurait pu sans peine sacrifier le décor fastueux et opter pour la présence sinon d’un big band, au moins d’un trio jazz complice, qui nous aurait moins fait regretter les petits bijoux signés au fil des ans par les arrangeurs de Garland.
On se retrouve le lendemain matin avec une seule envie : écouter la vraie Judy, incontestablement l’une des artistes les plus consommées que la terre ait jamais portées.
Judy Garland, la fin d’une étoile
Texte de Peter Quilter. Mise en scène de Michel Poirier. Une production de la Compagnie Jean Duceppe. Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 16 mai 2015.