Du pain et des jeux… ou plutôt ici du maïs soufflé, de la bière et des jeux. Sommes-nous au cirque, au cabaret, au théâtre, sur un réseau social ? Dans la Rome antique, à Montréal, dans le monde virtuel ? Jusqu’où peut-on aller pour obtenir une reconnaissance sociale – ou un rôle, le grand empereur ou la grande impératrice des Ludi Magni étant assuré de faire partie de la saison 2016-2017 d’Espace Libre ?
« Aspirants champions, ce soir vous passerez peut-être à l’histoire ou du moins à la chronique municipale », soulignera d’entrée de jeu Christophe Payeur, sacré premier empereur suite à une joute présentée en ligne la semaine dernière. Fringants, arborant des survêtements de sport blancs, les trois participants s’avancent avec leur « char » (une chaise de rotin astucieusement recyclée), prêts à relever cinq épreuves : tranche de vie, talent, culture générale, qualités physiques et compassion suscitée. La récitation d’odes de la Rome antique – beau clin d’œil – permettra de départager les finalistes, le perdant ayant bien sûr été jeté aux lions.
Dans cette réflexion de Benoît Drouin-Germain sur l’instantanéité de la célébrité (co-mise en scène par Daniel Brière), chacun fait son numéro, tente de rallier les suffrages du public par des moyens divers. Mathieu Quesnel adoptera souvent un registre cabotin (cela se retournera contre lui), Sonia Cordeau celui de la reconnaissance. Marie-Pier Labrecque agira de façon plus souterraine, mais finira ce soir-là par remporter les grands honneurs.
Cela donnera lieu à des moments hilarants (les trois jours passés à travailler chez Zellers de Sonia, les auditions pour Puppetry of the Penis de Mathieu), d’autres presque suspendus (l’interprétation de Surabaya Johnny de Kurt Weill de Marie-Pier). Un sommet de malaise est atteint avec le concours de beauté, les deux femmes ne portant plus qu’un maillot deux pièces blanc athlétique, chaque segment (tête, bras, seins, taille, jambes, pieds) étant noté par Mathieu, qui justifie ses choix un peu aléatoirement, histoire sans doute de favoriser une certaine distanciation. On serait curieux de savoir si les mêmes règles sont adoptées quand les deux hommes se retrouvent dans l’arène ou si le tout devient alors épreuve de musculature.
De façon étonnante, ce n’est que lorsque les pugilistes doivent prouver leur vulnérabilité (« Vous arriverez peut-être à vous attirer un peu de pitié ») que cela semble sonner faux, hormis l’histoire tragique de Marie-Pier (jusqu’à quel point celle-ci a-t-elle été préparée pour maximiser l’effet ?), comme s’il était impossible à la fois d’être et de paraître. Troublant constat.
Après chaque intervention, les spectateurs démontrent leur satisfaction à l’applaudimètre, l’empereur se réservant le droit d’« interpréter » la chose et, au fond, de faire avancer le jeu à un rythme qui maintient un certain suspense. « Soyez sans pitié, soyez terrible! » La joute reste somme toute assez policée, le public sage, ne huant presque jamais, même si cela fait partie de ses privilèges. La proposition aurait sans doute pu être menée plus loin, en intégrant des duels ou en mettant des bâtons dans les roues des acteurs par exemple ou en instituant un vote en direct sur un site dédié.
Ludi Magni va-t-il au-delà du simple divertissement ? Si on ose jeter un regard attentif sur le monde qui nous entoure, oui.
Texte de Benoît Drouin-Germain. Mise en scène de Daniel Brière et Benoît Drouin-Germain. Une production du Nouveau Théâtre Expérimental. À Espace Libre jusqu’au 9 mai 2015.
Du pain et des jeux… ou plutôt ici du maïs soufflé, de la bière et des jeux. Sommes-nous au cirque, au cabaret, au théâtre, sur un réseau social ? Dans la Rome antique, à Montréal, dans le monde virtuel ? Jusqu’où peut-on aller pour obtenir une reconnaissance sociale – ou un rôle, le grand empereur ou la grande impératrice des Ludi Magni étant assuré de faire partie de la saison 2016-2017 d’Espace Libre ?
« Aspirants champions, ce soir vous passerez peut-être à l’histoire ou du moins à la chronique municipale », soulignera d’entrée de jeu Christophe Payeur, sacré premier empereur suite à une joute présentée en ligne la semaine dernière. Fringants, arborant des survêtements de sport blancs, les trois participants s’avancent avec leur « char » (une chaise de rotin astucieusement recyclée), prêts à relever cinq épreuves : tranche de vie, talent, culture générale, qualités physiques et compassion suscitée. La récitation d’odes de la Rome antique – beau clin d’œil – permettra de départager les finalistes, le perdant ayant bien sûr été jeté aux lions.
Dans cette réflexion de Benoît Drouin-Germain sur l’instantanéité de la célébrité (co-mise en scène par Daniel Brière), chacun fait son numéro, tente de rallier les suffrages du public par des moyens divers. Mathieu Quesnel adoptera souvent un registre cabotin (cela se retournera contre lui), Sonia Cordeau celui de la reconnaissance. Marie-Pier Labrecque agira de façon plus souterraine, mais finira ce soir-là par remporter les grands honneurs.
Cela donnera lieu à des moments hilarants (les trois jours passés à travailler chez Zellers de Sonia, les auditions pour Puppetry of the Penis de Mathieu), d’autres presque suspendus (l’interprétation de Surabaya Johnny de Kurt Weill de Marie-Pier). Un sommet de malaise est atteint avec le concours de beauté, les deux femmes ne portant plus qu’un maillot deux pièces blanc athlétique, chaque segment (tête, bras, seins, taille, jambes, pieds) étant noté par Mathieu, qui justifie ses choix un peu aléatoirement, histoire sans doute de favoriser une certaine distanciation. On serait curieux de savoir si les mêmes règles sont adoptées quand les deux hommes se retrouvent dans l’arène ou si le tout devient alors épreuve de musculature.
De façon étonnante, ce n’est que lorsque les pugilistes doivent prouver leur vulnérabilité (« Vous arriverez peut-être à vous attirer un peu de pitié ») que cela semble sonner faux, hormis l’histoire tragique de Marie-Pier (jusqu’à quel point celle-ci a-t-elle été préparée pour maximiser l’effet ?), comme s’il était impossible à la fois d’être et de paraître. Troublant constat.
Après chaque intervention, les spectateurs démontrent leur satisfaction à l’applaudimètre, l’empereur se réservant le droit d’« interpréter » la chose et, au fond, de faire avancer le jeu à un rythme qui maintient un certain suspense. « Soyez sans pitié, soyez terrible! » La joute reste somme toute assez policée, le public sage, ne huant presque jamais, même si cela fait partie de ses privilèges. La proposition aurait sans doute pu être menée plus loin, en intégrant des duels ou en mettant des bâtons dans les roues des acteurs par exemple ou en instituant un vote en direct sur un site dédié.
Ludi Magni va-t-il au-delà du simple divertissement ? Si on ose jeter un regard attentif sur le monde qui nous entoure, oui.
Ludi Magni
Texte de Benoît Drouin-Germain. Mise en scène de Daniel Brière et Benoît Drouin-Germain. Une production du Nouveau Théâtre Expérimental. À Espace Libre jusqu’au 9 mai 2015.