Critiques

Attentat : L’appel aux armes

© Nicola-Frank Vachon

Huit interprètes, dans une soirée dédiée à la parole, livrent les textes de plus d’une trentaine de nos poètes, jeunes et moins jeunes. Attentat s’ouvre sur des diatribes homophobes, racistes, gracieuseté des radios dites poubelles. Suit en guise de réponse une première salve de poésie, pleine d’idéal, il sera beaucoup question d’amour.

Sur la petite scène chaleureuse de la Caserne Dalhousie, les interprètes traquent les discours inoffensifs, la parole vidée de son sens. Nos médias aseptisés, notre fausse démocratie à coup de sondages. « Ce n’est pas l’opinion qui change le monde, c’est le désir », répond-on à Alexandrine Warren qui personnifie une journaliste tournée en bourrique, tête de Turc du groupe.

Nicola-F Vachon

Véhicule de combat, Attentat ne fait pas dans la nuance. Le ton est résolument guerrier, on sent la même fougue que chez Bourgault, Lalonde et Gauvreau, par ailleurs évoqués. Dire que l’arme de l’attentat est la parole tiendrait du cliché. Le fait est pourtant que le spectacle pointe combien le langage quotidien peut desservir la liberté. Langage prostitué, langage propre, policé.

Pas le temps de faire doux, ici. Le propos est livré dans l’urgence, la réalité est là qu’on a trop délaissée. Les évènements de l’actualité sont palpables, on y nommera les pétrolières et l’austérité, ce qui se passe dans la cour arrière. Le spectacle orchestré par les femmes de théâtre Gabrielle et Véronique Côté vise juste, vise vrai.

La poésie — parfois déclamée, parfois projetée et laissée à lire in petto — le cède parfois aux passages plus essayistiques, les adresses au spectateur sont diversifiées, sincères. Des passages chantés, par ailleurs, peinent à se hisser à la hauteur du spectacle.

Steve Gagnon y va d’un bien senti fuck you, charge frontale contre les Duhaime et Couillard : « Je n’ai pas demandé à ce que tu existes dans ma vie ». Résolument, il y a peu de place ici pour la nuance, un lien douteux entre « ministre Barrette » et « méchoui » donne le ton.

On pourrait trouver à redire, notamment en ceci que le fiel déployé pourrait ressembler à celui des hargneux dénoncés d’entrée de jeu. Mais le problème, c’est que ça fonctionne. Le spectacle ouvre un espace rarement investi qui appelle du « nous », dans une tentative collective de se réapproprier le territoire.

La scénographie multiplie les symboles québécois, neige, bois de caribou et autres évocations du Nord. Certains éléments pourraient paraitre trop appuyés ; reste que l’ensemble ouvre sur la jouissance d’un espace retrouvé, rassemblement réel autour d’un pays à faire. « Nous ne serons pas deux, nous serons mille ».

Résolument nationaliste, le spectacle ouvrait une brèche, zone de révolte enthousiaste et de possibles, loin du statu quo. Le genre d’endroit où il ne faisait pas particulièrement bon être Canadien.

Attentat

Textes : Hubert Aquin, Marjolaine Beauchamp, Maxime Catellier, Evelyne de la Chenelière, Véronique Côté, Jean-Paul Daoust, Carole David, Jean-Marc Desgent, Louise Desjardins, Stéphane Despatie, Geneviève Desrosiers, Catherine Dorion, Alexandre Dostie, Simon Dumas, Alexandre Faustino, Steve Gagnon, Roland Giguère, Gérald Godin, François Guerrette, Benoît Jutras, Natasha Kanapé Fontaine, Sylvie Laliberté, Catherine Lalonde, René Lapierre, Jean-Sébastien Larouche, Nicolas Lauzon, Daniel Leblanc-Poirier, Geneviève Letarte, Mariève Maréchal, Gaston Miron, Jocelyn Pelletier, Jean-Philippe Tremblay. Mise en scène : Gabrielle Côté et Véronique Côté. Une production du Théâtre [mo]. À la Caserne Dalhousie, à l’occasion du Carrefour international de théâtre, jusqu’au 24 mai 2015. Au Théâtre Périscope du 24 janvier au 4 février 2017. Au Théâtre de Quat’Sous du 27 février au 4 mars 2017.

Simon Lambert

À propos de

Résidant à Québec, Simon Lambert est diplômé de l'Université Laval en philosophie et en littérature. Il collabore à JEU et au Devoir depuis 2015.