Je suis arrivé à Mons, capitale européenne de la culture 2015, une ville charmante située à mois de 30 minutes en train de Bruxelles, le 15 septembre. Le 16, déjà, j’avais la chance d’assister à la création mondiale de Ça ira (1) Fin de Louis, le nouveau spectacle de Joël Pommerat. Pour comprendre dans quel état d’excitation j’étais en entrant dans le vaste hall du Manège, il faut savoir que le travail du metteur en scène français me passionne au plus haut point, et, croyez-moi, je ne suis pas le seul.
Une voie nouvelle
Faire partie du tout premier public de ce spectacle, premier volet d’un diptyque qui sera à n’en pas douter présenté dans les plus grandes salles au cours des prochaines années, me ravissait. Avant que le spectacle commence, je ressentais tout cela comme un honneur, un privilège. Quand le spectacle a commencé, ce sentiment s’est mis à croître. C’est que Pommerat surprend en s’aventurant sur une nouvelle voie, abordant pour la première fois un sujet historique, rien de moins que la Révolution française. Exit les clairs-obscurs, les personnages fantomatiques et les chuchotements graves. Or, il ne s’agit pas pour autant d’un documentaire. Pommerat approche l’histoire en transcendant la matière, en donnant aux discours politiques une teneur nettement théâtrale, une envergure saisissante, une humanité désarmante et une actualité troublante.
Ainsi, en assistant aux faits saillants de la révolution de 1789, on ne peut s’empêcher de penser à notre époque : les réfugiés dont le nombre s’accroit chaque jour, les grandes crises économiques qui broient les individus, les luttes de classes et de communautés, les printemps du monde où l’espérance cède trop souvent la place à l’amertume. Trois heures et demi sans l’ombre d’un moment d’ennui. 15 comédiens de haut vol, ceux-là même qui sont essentiels au metteur en scène, à l’exécution de ses visions. Si je vous dis tout le bien que je pense de ce spectacle, ce n’est pas pour tourner le fer dans la plaie, c’est pour vous encourager à aller le voir au Centre national des arts, à Ottawa, en mars. J’en profite pour lever mon chapeau à Brigitte Haentjens, directrice du Théâtre français, pour sa noble fidélité à Pommerat.
JEU à la Maison Folie
Le 17 septembre, c’est le coup d’envoi de l’Ailleurs en Folie Montréal/Québec, l’événement organisé par Jasmine Catudal à la Maison Folie, un complexe, doté d’espaces intérieurs et extérieurs, associé au Manège. Les oeuvres extérieures d’Aude Moreau (un grand carré de charbon noir et luisant, clin d’oeil au passé minier de la région) et de Max-Otto Fauteux (une forêt enneigée où les souches miroitent et les branches sont peintes en bleu) donnent beaucoup de vie au lieu. Quatre-vingt artistes québécois de la relève, appartenant à plusieurs disciplines, vont y présenter leur travail jusqu’au 27 septembre.
À 18h, en collaboration avec TULITU, une librairie bruxelloise qui fait la part belle à la littérature québécoise, un lieu doté d’un supplément d’âme tenu par Dominique Janelle et Ariane Herman depuis 7 mois, nous avons procédé, Michelle Chanonat et moi, au lancement belge du numéro 155 de JEU. Nous avons eu de riches échanges avec celles et ceux qui se sont approchés de notre table, nous avons parlé avec passion de la littérature québécoise et de cette revue qui se voue exclusivement au théâtre depuis tout près de 40 ans.
Un troisième Abécédaire
Olivier Choinière avait l’honneur d’ouvrir l’événement avec une troisième mouture de son Abécédaire des mots en perte de sens. Après le public des Écuries et celui du Théâtre d’Aujourd’hui, c’était au tour des Montois de découvrir cette brillante formule imaginée pour le Festival du Jamais Lu. Ce sont donc 26 auteurs, 13 Québécois et 13 Belges, qui, après s’être penchés sur le mot qui leur a été confié et avoir écrit une brève lettre destinée à une personne réelle, sont montés sur scène pour la défendre. Les mots imposés par Choinière, comme « frontière », « migrant » et « zone », on tout naturellement mené la soirée, généralement émouvante, vers de récentes tragédies.
Certains, comme Pascal Brullemans, Rébecca Déraspe, Suzanne Lebeau et Emmanuel Schwartz, ont choisi de s’adresser à l’être aimé, à la précieuse descendance ou encore à l’ami fidèle. D’autres, comme Marianne Dansereau, Véronique Côté et Florence Minder, ont carrément opté pour une personnalité politique, du maire de Mirabel au roi de Belgique en passant par le premier ministre de la Grèce Aléxis Tsípras. Fanny Britt a pour sa part choisi de cuisiner les ambitions démesurées de Ricardo. Annick Lefebvre a usé de toute la verve qu’on lui connaît pour inviter la directrice de la Maison Folie à faire passer les êtres humains avant les clichés.
Étienne Lepage s’est adressé à Olivier Choinière dans une sorte de déconstruction des principes de la soirée. L’Anglo-Québécois Michael Mackenzie et le Belge néerlandophone Paul Pourveur apportaient leurs points de vue uniques sur une notion aussi délicate en Belgique qu’au Québec : le bilinguisme. Alors que Thierry Janssen s’est adressé avec émotion au tristement célèbre Aylan Kurdi, Olivier Kemeid a plutôt choisi de prendre la voix de l’enfant syrien retrouvé mort sur une plage turque au début du mois de septembre pour adresser une missive bouleversante à Stephen Harper.
Ainsi parlait
Le 18, j’ai pu voir une partie d’Ainsi parlait, fertile collaboration entre l’auteur Étienne Lepage et le chorégraphe Frédérick Gravel. Le spectacle, créé en 2013 au FTA, a un peu changé, au sens où il ne reste plus, des interprètes originaux, que Marilyn Perreault, mais il n’a rien perdu de sa force de frappe. J’ai relu ma critique publiée en 2013 et j’en endosse encore chaque ligne. Juste après le spectacle, le groupe Avec pas d’casque donnait un concert dans le bistrot de l’endroit. Ce soir, j’assiste à Impatience, un spectacle conçu par Anne-Marie Ouellet et Thomas Sinou, de la compagnie L’eau du bain, avec trois ados montois. L’Ailleurs en Folie Montréal/Québec me permet de rattraper cette création, portait poétique et sonore de trois adolescents, notamment présentée à l’Usine C en février dernier.
À la Maison Folie de Mons jusqu’au 27 septembre. Une coproduction du Manège et de la Fondation Mons 2015. Avec l’aide du OFFTA, du Bureau International Jeunesse (BIJ), du ministère de la Culture et des Communications, du Conseil des arts et des lettres du Québec, de la Société de développement des entreprises culturelles, de la Délégation générale du Québec à Bruxelles, du ministère des Relations internationales et de la Francophonie et des Offices jeunesse internationaux du Québec.
Je suis arrivé à Mons, capitale européenne de la culture 2015, une ville charmante située à mois de 30 minutes en train de Bruxelles, le 15 septembre. Le 16, déjà, j’avais la chance d’assister à la création mondiale de Ça ira (1) Fin de Louis, le nouveau spectacle de Joël Pommerat. Pour comprendre dans quel état d’excitation j’étais en entrant dans le vaste hall du Manège, il faut savoir que le travail du metteur en scène français me passionne au plus haut point, et, croyez-moi, je ne suis pas le seul.
Une voie nouvelle
Faire partie du tout premier public de ce spectacle, premier volet d’un diptyque qui sera à n’en pas douter présenté dans les plus grandes salles au cours des prochaines années, me ravissait. Avant que le spectacle commence, je ressentais tout cela comme un honneur, un privilège. Quand le spectacle a commencé, ce sentiment s’est mis à croître. C’est que Pommerat surprend en s’aventurant sur une nouvelle voie, abordant pour la première fois un sujet historique, rien de moins que la Révolution française. Exit les clairs-obscurs, les personnages fantomatiques et les chuchotements graves. Or, il ne s’agit pas pour autant d’un documentaire. Pommerat approche l’histoire en transcendant la matière, en donnant aux discours politiques une teneur nettement théâtrale, une envergure saisissante, une humanité désarmante et une actualité troublante.
Ainsi, en assistant aux faits saillants de la révolution de 1789, on ne peut s’empêcher de penser à notre époque : les réfugiés dont le nombre s’accroit chaque jour, les grandes crises économiques qui broient les individus, les luttes de classes et de communautés, les printemps du monde où l’espérance cède trop souvent la place à l’amertume. Trois heures et demi sans l’ombre d’un moment d’ennui. 15 comédiens de haut vol, ceux-là même qui sont essentiels au metteur en scène, à l’exécution de ses visions. Si je vous dis tout le bien que je pense de ce spectacle, ce n’est pas pour tourner le fer dans la plaie, c’est pour vous encourager à aller le voir au Centre national des arts, à Ottawa, en mars. J’en profite pour lever mon chapeau à Brigitte Haentjens, directrice du Théâtre français, pour sa noble fidélité à Pommerat.
JEU à la Maison Folie
Le 17 septembre, c’est le coup d’envoi de l’Ailleurs en Folie Montréal/Québec, l’événement organisé par Jasmine Catudal à la Maison Folie, un complexe, doté d’espaces intérieurs et extérieurs, associé au Manège. Les oeuvres extérieures d’Aude Moreau (un grand carré de charbon noir et luisant, clin d’oeil au passé minier de la région) et de Max-Otto Fauteux (une forêt enneigée où les souches miroitent et les branches sont peintes en bleu) donnent beaucoup de vie au lieu. Quatre-vingt artistes québécois de la relève, appartenant à plusieurs disciplines, vont y présenter leur travail jusqu’au 27 septembre.
À 18h, en collaboration avec TULITU, une librairie bruxelloise qui fait la part belle à la littérature québécoise, un lieu doté d’un supplément d’âme tenu par Dominique Janelle et Ariane Herman depuis 7 mois, nous avons procédé, Michelle Chanonat et moi, au lancement belge du numéro 155 de JEU. Nous avons eu de riches échanges avec celles et ceux qui se sont approchés de notre table, nous avons parlé avec passion de la littérature québécoise et de cette revue qui se voue exclusivement au théâtre depuis tout près de 40 ans.
Un troisième Abécédaire
Olivier Choinière avait l’honneur d’ouvrir l’événement avec une troisième mouture de son Abécédaire des mots en perte de sens. Après le public des Écuries et celui du Théâtre d’Aujourd’hui, c’était au tour des Montois de découvrir cette brillante formule imaginée pour le Festival du Jamais Lu. Ce sont donc 26 auteurs, 13 Québécois et 13 Belges, qui, après s’être penchés sur le mot qui leur a été confié et avoir écrit une brève lettre destinée à une personne réelle, sont montés sur scène pour la défendre. Les mots imposés par Choinière, comme « frontière », « migrant » et « zone », on tout naturellement mené la soirée, généralement émouvante, vers de récentes tragédies.
Certains, comme Pascal Brullemans, Rébecca Déraspe, Suzanne Lebeau et Emmanuel Schwartz, ont choisi de s’adresser à l’être aimé, à la précieuse descendance ou encore à l’ami fidèle. D’autres, comme Marianne Dansereau, Véronique Côté et Florence Minder, ont carrément opté pour une personnalité politique, du maire de Mirabel au roi de Belgique en passant par le premier ministre de la Grèce Aléxis Tsípras. Fanny Britt a pour sa part choisi de cuisiner les ambitions démesurées de Ricardo. Annick Lefebvre a usé de toute la verve qu’on lui connaît pour inviter la directrice de la Maison Folie à faire passer les êtres humains avant les clichés.
Étienne Lepage s’est adressé à Olivier Choinière dans une sorte de déconstruction des principes de la soirée. L’Anglo-Québécois Michael Mackenzie et le Belge néerlandophone Paul Pourveur apportaient leurs points de vue uniques sur une notion aussi délicate en Belgique qu’au Québec : le bilinguisme. Alors que Thierry Janssen s’est adressé avec émotion au tristement célèbre Aylan Kurdi, Olivier Kemeid a plutôt choisi de prendre la voix de l’enfant syrien retrouvé mort sur une plage turque au début du mois de septembre pour adresser une missive bouleversante à Stephen Harper.
Ainsi parlait
Le 18, j’ai pu voir une partie d’Ainsi parlait, fertile collaboration entre l’auteur Étienne Lepage et le chorégraphe Frédérick Gravel. Le spectacle, créé en 2013 au FTA, a un peu changé, au sens où il ne reste plus, des interprètes originaux, que Marilyn Perreault, mais il n’a rien perdu de sa force de frappe. J’ai relu ma critique publiée en 2013 et j’en endosse encore chaque ligne. Juste après le spectacle, le groupe Avec pas d’casque donnait un concert dans le bistrot de l’endroit. Ce soir, j’assiste à Impatience, un spectacle conçu par Anne-Marie Ouellet et Thomas Sinou, de la compagnie L’eau du bain, avec trois ados montois. L’Ailleurs en Folie Montréal/Québec me permet de rattraper cette création, portait poétique et sonore de trois adolescents, notamment présentée à l’Usine C en février dernier.
Ailleurs en Folie Montréal/Québec
À la Maison Folie de Mons jusqu’au 27 septembre. Une coproduction du Manège et de la Fondation Mons 2015. Avec l’aide du OFFTA, du Bureau International Jeunesse (BIJ), du ministère de la Culture et des Communications, du Conseil des arts et des lettres du Québec, de la Société de développement des entreprises culturelles, de la Délégation générale du Québec à Bruxelles, du ministère des Relations internationales et de la Francophonie et des Offices jeunesse internationaux du Québec.