Critiques

Münchhausen, les machineries de l’imaginaire : Ode comique aux rêveurs

© Frédéric Bouchard

Créé en 2011 à partir des aventures mythifiées du réel baron allemand ayant vécu au XVIIIe siècle, Münchhausen, les machineries de l’imaginaire est de nouveau offert aux spectateurs de tous âges, qui rient et rêvent à l’unisson, happés par la magie de ce voyage fantastique menant des fonds sous-marins au centre de la Terre en passant par la Lune.

Disons-le d’emblée, Hugo Bélanger, s’il poursuit le parcours qu’il a entamé, promet de devenir une référence non seulement aux spectacles destinés au jeune public mais, plus généralement, aux productions tablant sur la fantaisie. Ayant fait ses premières armes au sein du Théâtre La Roulotte et de la compagnie dont il est directeur artistique, le Théâtre Tout à Trac, avec des adaptations imaginatives, fines et rythmées de contes tels Pinocchio et Alice au pays des merveilles, le metteur en scène s’est ensuite attaqué à des pièces pour adultes comportant une certaine fantasmagorie comme Le Tour du monde en 80 jours au TNM ainsi que Peter et Alice au Théâtre Jean-Duceppe. À tout coup, l’humour et la candeur y côtoient l’intelligence et l’ingéniosité.

Münchhausen, les machineries de l’imaginaire est loin de démentir ces constats. D’abord, la mise en abyme initiale fonctionne très bien. Pratiquement identique à celle élaborée dans l’adaptation cinématographique de Terry Gilliam en 1988, elle met en scène l’illustre mythomane lui-même interrompant la représentation d’une troupe de théâtre quasi ruinée, Galimard et fils en l’occurrence, présentant les fantasques péripéties du baron à son public.

L’histoire touffue qui s’en suit, enchaînant les épisodes imaginés par le héros (un vol à dos de boulet de canon, une valse avec Vénus, une conversation avec l’Impératrice de la Lune, etc.) et multipliant les digressions rocambolesques, s’avère malgré tout fort intelligible et cumule divers niveaux et types d’humour. Une bouffonnerie de bon aloi fraie ainsi avec l’absurde, les clins d’œil (notamment à la rectitude politique contemporaine avec ces cyclopes qui se réclament désormais de la dénomination «mono-voyants») et les jeux de mots. Le tout, incluant le riche vocabulaire employé, allie bon goût, précision et cadence sans faille. N’oublions pas la présence et le jeu remarquables de Félix Beaulieu-Duchesneau (le baron) et d’Eloi Cousineau (M. Galimard). Masques, marionnettes, instrument reproduisant le bruit du vent et autres habiles stratagèmes scéniques ajoutent aussi au dynamisme et au charme de ce spectacle.

Notons en outre que le vieux théâtre des Galimard, avec ses décors à l’iconographie et aux teintes délicieusement surannées, semble prolongé par le théâtre réel qui en est l’écrin, tant les parures d’époque qui ornent le Théâtre Denise-Pelletier s’agencent bien à celles de la scénographie. Or, comme le public du TDP tient le rôle du public du Théâtre Galimard – les protagonistes s’adressent d’ailleurs directement aux spectateurs –, l’illusion se révèle d’autant plus pertinente. Qui plus est, ce théâtre décrépit conçu par le scénographe Francis Farley-Lemieux, en exposant cordages, rouages et engrenages, tisse une complicité entre acteurs et auditoire, ainsi témoin de la mécanique théâtrale.

Cette transparence assumée n’empêche pas certains effets frôlant la prestidigitation, comme cette lettre de Catherine de Russie, dont le texte n’apparaît que lorsque le parchemin est tenu par quelqu’un qui croit à la véracité de cette royale missive. C’est d’ailleurs un fervent plaidoyer en faveur du rêve et de l’imagination que signe Hugo Bélanger. Si l’on voulait s’acharner à trouver un défaut à Münchhausen, les machineries de l’imaginaire, il serait sans doute juste de souligner que ce message est livré de façon plutôt appuyée. Il serait certes aussi possible de soutenir que la première partie du spectacle s’avère légèrement plus enlevante que la seconde. Mais rien de tout cela ne parvient véritablement à jeter une ombre sur ce spectacle franchement réjouissant.

Münchhausen, les machineries de l’imaginaire

Texte et mise en scène : Hugo Bélanger. Scénographie : Francis Farley-Lemieux. Costumes : Véronic Denis. Éclairages : Martin Gauthier. Son et musique : Patrice d’Aragon. Accessoires : Catherine Tousignant. Masques : Marie-Pier Fortier. Marionnettes : Dominique Leroux. Maquillages : Maryse Gosselin. Conseiller à la manipulation : Félix Beaulieu-Duchesneau. Avec Félix Beaulieu-Duchesneau, Éloi Cousineau, David-Alexandre Després, Carl Poliquin, Philippe Robert, Bruno Piccolo, Audrey Guériguian, Audrey Talbot, Milva Ménard, Valérie Descheneaux et Marie-Ève Trudel. Une production du Théâtre Tout à Trac. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 9 décembre 2015. En tournée du 29 septembre 2017 au 14 février 2018.