La salle intime du Prospero accueille cet automne Stop the tempo, un texte récent de l’auteur roumaine Gianina Carbunariu. La mise en scène de Michel-Maxime Legault est soigneusement calibrée en fonction de la petitesse de la salle et s’y loge habilement, afin de présenter la rencontre nocturne de jeunes désemparés de Bucarest.
Trois inconnus, narrateurs de leur propre vie, se retrouvent déçus dans le recoin d’un bar mi-branché mi-démodé de la capitale. Leur mépris de ce qui les entoure les rassemble et les fait fuir ensemble dans le but de partager un peu de chair, mais sans grand enthousiasme. Au terme de la soirée qui prend une tournure imprévue, Maria, Paula et Rolando forment un trio aussi improbable qu’inséparable. Ils cessent alors de se raconter exclusivement en monologues, des dialogues émergent, un contact est possible.
Ces jeunes gens s’embarquent dans une série d’actes transgressifs qui visent la dé-connexion, en créant des black-out par le bousillage de boîtes électriques dans les clubs de la ville. Leur plaisir naît de la panique qui s’empare des lieux, mais surtout du noir qui semble rendre physique l’absence de repères qui les ronge. Les musiques trop faibles du début de la pièce sont soudainement fortes, les néons sont remplacés par des lumières étourdissantes, les corps peuvent enfin se décharger.
Quelques chansons, références, et la langue des nombreuses affiches placardées aux murs comme dans le vestiaire d’un bar, témoignent de l’origine roumaine de la pièce, autrement absorbée dans une agréable langue québécoise, à la fois parlée et soutenue. Les éclairages dynamiques, les costumes agencés en bleu blanc noir, et les musiques dansantes contribuent à former une conception globale consciencieuse et pertinente en regard de l’univers et des ambiances représentés.
Tout comme les variations de la parole au sein du texte de Carbunariu, la mise en scène esthétisante maîtrise les procédés qu’elle emploie. Ensemble, ils forment un spectacle cohérent, solide. Mais cet assemblage parvient-il à déployer le mal-être du trio, les ambitions désengagées du « mouvement » des protagonistes et l’abattement qu’on associe à cette génération?
L’image se dessine clairement : ralentir, couper le courant pour couper les ponts, rompre avec les trop nombreux dispositifs qui visent la communication de tout, tout le temps. Créer un succédané d’un état sauvage, avec les moyens du bord. Ces tentatives de silence et de réclusion sont souvent difficiles à rendre par le théâtre, lieu de rencontre et d’expression.
Cela mis à part, le désir des protagonistes d’exister par des moments d’efficaces ruptures avec les réseaux, hors des rapports nécessairement régis par des transactions, met en scène leur fatigue de sans cesse devoir. Devoir être aimé, accepté et devoir payer les factures afin de pouvoir exister dans un pays auquel ils ne s’identifient pas. Le sentiment se reconnaît. Je doute pourtant que le texte et la mise en scène arrivent à faire vibrer ce qui l’anime et en découle.
Texte de Gianina Carbunariu. Mise en scène de Michel-Maxime Legault. Une production du Théâtre de l’embrasure, présenté au Théâtre Prospero jusqu’au 12 décembre 2015.
La salle intime du Prospero accueille cet automne Stop the tempo, un texte récent de l’auteur roumaine Gianina Carbunariu. La mise en scène de Michel-Maxime Legault est soigneusement calibrée en fonction de la petitesse de la salle et s’y loge habilement, afin de présenter la rencontre nocturne de jeunes désemparés de Bucarest.
Trois inconnus, narrateurs de leur propre vie, se retrouvent déçus dans le recoin d’un bar mi-branché mi-démodé de la capitale. Leur mépris de ce qui les entoure les rassemble et les fait fuir ensemble dans le but de partager un peu de chair, mais sans grand enthousiasme. Au terme de la soirée qui prend une tournure imprévue, Maria, Paula et Rolando forment un trio aussi improbable qu’inséparable. Ils cessent alors de se raconter exclusivement en monologues, des dialogues émergent, un contact est possible.
Ces jeunes gens s’embarquent dans une série d’actes transgressifs qui visent la dé-connexion, en créant des black-out par le bousillage de boîtes électriques dans les clubs de la ville. Leur plaisir naît de la panique qui s’empare des lieux, mais surtout du noir qui semble rendre physique l’absence de repères qui les ronge. Les musiques trop faibles du début de la pièce sont soudainement fortes, les néons sont remplacés par des lumières étourdissantes, les corps peuvent enfin se décharger.
Quelques chansons, références, et la langue des nombreuses affiches placardées aux murs comme dans le vestiaire d’un bar, témoignent de l’origine roumaine de la pièce, autrement absorbée dans une agréable langue québécoise, à la fois parlée et soutenue. Les éclairages dynamiques, les costumes agencés en bleu blanc noir, et les musiques dansantes contribuent à former une conception globale consciencieuse et pertinente en regard de l’univers et des ambiances représentés.
Tout comme les variations de la parole au sein du texte de Carbunariu, la mise en scène esthétisante maîtrise les procédés qu’elle emploie. Ensemble, ils forment un spectacle cohérent, solide. Mais cet assemblage parvient-il à déployer le mal-être du trio, les ambitions désengagées du « mouvement » des protagonistes et l’abattement qu’on associe à cette génération?
L’image se dessine clairement : ralentir, couper le courant pour couper les ponts, rompre avec les trop nombreux dispositifs qui visent la communication de tout, tout le temps. Créer un succédané d’un état sauvage, avec les moyens du bord. Ces tentatives de silence et de réclusion sont souvent difficiles à rendre par le théâtre, lieu de rencontre et d’expression.
Cela mis à part, le désir des protagonistes d’exister par des moments d’efficaces ruptures avec les réseaux, hors des rapports nécessairement régis par des transactions, met en scène leur fatigue de sans cesse devoir. Devoir être aimé, accepté et devoir payer les factures afin de pouvoir exister dans un pays auquel ils ne s’identifient pas. Le sentiment se reconnaît. Je doute pourtant que le texte et la mise en scène arrivent à faire vibrer ce qui l’anime et en découle.
Stop the tempo
Texte de Gianina Carbunariu. Mise en scène de Michel-Maxime Legault. Une production du Théâtre de l’embrasure, présenté au Théâtre Prospero jusqu’au 12 décembre 2015.