C’est à un voyage dans le Nord, sur une terre inhospitalière où les hommes ont fait leur trou à force de courage et de persévérance, que nous convie Marcelle Dubois avec Habiter les terres, une fable – dévoilée au Festival du Jamais Lu en 2015 – où les ministres prennent racine dans les champs de navets, où les ours cueillent des bleuets et où les outardes psychanalysent les campeuses.
On y fait la connaissance des habitants de Guyenne, minuscule communauté d’Abitibi dont la survie est menacée par un décret gouvernemental ordonnant la fermeture de la route, lesquels décident, sous l’impulsion du patriarche du village, de kidnapper le ministre de l’Agriculture dans l’espoir de forcer le premier ministre à se rendre sur place et à revenir sur sa décision, une fois le ventre plein de ragoût de navet. Dans l’imaginaire de Marcelle Dubois, la crise d’octobre a fait des petits en Abitibi.
Pour nous parler des régions et de l’occupation du territoire, l’auteure, qui dit avoir longtemps hésité entre le documentaire et la fiction, a finalement opté pour le réalisme magique, avec plus ou moins de succès. Ainsi, les ruptures de ton semblent parfois artificielles entre la parlure locale, les discours politiques, les envolées lyriques, et les apartés des outardes et de l’ours ne sont pas tous des réussites. L’enjeu lui-même n’apparaît pas très clairement au départ.
Il se dégage toutefois du texte un univers riche et coloré, bien porté par la mise en scène ingénieuse de Jacques Laroche, qui mêle habilement mime, jeux d’ombres, bruitage, marionnette et jeu choral, dans un décor dépouillé évoquant fort bien la campagne, ses ciels étoilés, ses couchers de soleil rougeoyants et ses aurores boréales luminescentes (on aurait toutefois pu se passer des navets jonchant le sol).
Il y a quelque chose de réjouissant à voir ainsi une petite communauté résister à la machine administrative, tel un village gaulois gavé de potion magique, et se lancer corps et âme dans un combat perdu d’avance. Jean-François Nadeau, en cultivateur, et Félix Beaulieu-Duchesneau, en ministre, incarnent deux visions du monde radicalement opposées: là où le premier voit le garde-manger du Québec, l’identité, le patrimoine, le second voit une bande de rêveurs irréalistes qui refusent d’évoluer avec leur temps. Les deux comédiens sont pour beaucoup dans l’empreinte que ce spectacle laisse sur le spectateur, lui rappelant que sans racines, rien ne pousse.
Texte de Marcelle Dubois. Mise en scène de Jacques Laroche. Une production des Porteuses d’aromates et du Théâtre du Tandem. Aux Écuries jusqu’au 27 février 2016.
C’est à un voyage dans le Nord, sur une terre inhospitalière où les hommes ont fait leur trou à force de courage et de persévérance, que nous convie Marcelle Dubois avec Habiter les terres, une fable – dévoilée au Festival du Jamais Lu en 2015 – où les ministres prennent racine dans les champs de navets, où les ours cueillent des bleuets et où les outardes psychanalysent les campeuses.
On y fait la connaissance des habitants de Guyenne, minuscule communauté d’Abitibi dont la survie est menacée par un décret gouvernemental ordonnant la fermeture de la route, lesquels décident, sous l’impulsion du patriarche du village, de kidnapper le ministre de l’Agriculture dans l’espoir de forcer le premier ministre à se rendre sur place et à revenir sur sa décision, une fois le ventre plein de ragoût de navet. Dans l’imaginaire de Marcelle Dubois, la crise d’octobre a fait des petits en Abitibi.
Pour nous parler des régions et de l’occupation du territoire, l’auteure, qui dit avoir longtemps hésité entre le documentaire et la fiction, a finalement opté pour le réalisme magique, avec plus ou moins de succès. Ainsi, les ruptures de ton semblent parfois artificielles entre la parlure locale, les discours politiques, les envolées lyriques, et les apartés des outardes et de l’ours ne sont pas tous des réussites. L’enjeu lui-même n’apparaît pas très clairement au départ.
Il se dégage toutefois du texte un univers riche et coloré, bien porté par la mise en scène ingénieuse de Jacques Laroche, qui mêle habilement mime, jeux d’ombres, bruitage, marionnette et jeu choral, dans un décor dépouillé évoquant fort bien la campagne, ses ciels étoilés, ses couchers de soleil rougeoyants et ses aurores boréales luminescentes (on aurait toutefois pu se passer des navets jonchant le sol).
Il y a quelque chose de réjouissant à voir ainsi une petite communauté résister à la machine administrative, tel un village gaulois gavé de potion magique, et se lancer corps et âme dans un combat perdu d’avance. Jean-François Nadeau, en cultivateur, et Félix Beaulieu-Duchesneau, en ministre, incarnent deux visions du monde radicalement opposées: là où le premier voit le garde-manger du Québec, l’identité, le patrimoine, le second voit une bande de rêveurs irréalistes qui refusent d’évoluer avec leur temps. Les deux comédiens sont pour beaucoup dans l’empreinte que ce spectacle laisse sur le spectateur, lui rappelant que sans racines, rien ne pousse.
Habiter les terres
Texte de Marcelle Dubois. Mise en scène de Jacques Laroche. Une production des Porteuses d’aromates et du Théâtre du Tandem. Aux Écuries jusqu’au 27 février 2016.