Le logo de la compagnie le Noble Théâtre des trous de siffleux, représentant un tracteur avec la roue avant prise dans un trou de marmotte (communément appelée siffleux), annonce sa vocation rurale. Si on pousse plus loin l’analyse de cette image, nous pouvons y voir la dure réalité des travailleurs de la terre ou de l’industrie forestière, prise avec une note d’humour.
En effet, cette compagnie de théâtre, établie à Mont-Laurier depuis 2001, dont on a pu voir Le Chant de Meu de Robin Aubert, poursuit sa recherche d’un théâtre folk. Afin de rejoindre le public régional, elle tente de parler sa langue et de traiter de sa réalité, mais pas nécessairement sur une note humoristique.
C’est le premier théâtre, à ma connaissance, à se donner l’appellation folk, qui signifie littéralement peuple et que l’on pourrait traduire par populaire. Un théâtre populaire ou un théâtre pour le peuple? S’il existe un genre musical qui se qualifie de folk, il n’y a rien de tel au théâtre. Il y eut, certes, dans les années 70, une vague de création collective fortement politisée, en filiation avec Bertolt Brecht, dans le but de changer le monde. Mais cette montée d’idéalisme a vite fait place à la désillusion et le Noble Théâtre ne s’inscrit aucunement dans cette ligne de théâtre engagé.
Avec cette pièce, le Noble Théâtre explore les thématiques rurales à travers trois personnages. Il y a d’abord Lisa, qui évoque un souvenir la ramenant 20 ans plus tôt, alors qu’elle n’a que sept ans: dans des circonstances étranges, son père, Kéven, s’est engagé à accompagner Betsy, une jeune chanteuse country, à un concours de musique à Pembroke (Ontario).
L’histoire est simple, complètement ancrée dans un imaginaire se rattachant à la ferme ou à la forêt. L’auteur et metteur en scène, Benoît Desjardins, a trouvé son alter ego dans cette fille énigmatique, Lisa, qui raconte avec tendresse et un certain détachement l’environnement rude dans lequel elle a grandi, mais qu’elle a quitté pour aller vivre à Ottawa. Un univers de trucks, de scies à chaîne, de road trip, de vêlage et de mise à mort du cochon.
Le titre de la pièce est tiré d’une histoire que Kéven aimait raconter à sa fille: des courants souterrains ramènent à la surface des champs, tous les printemps, au temps des labours, de nouvelles roches, des souches et même une meule. Métaphoriquement, les courants souterrains, ce sont les souvenirs, les émotions, les images, qui refont surface après des années. C’est une belle image qui pourrait être celle de l’artiste qui trouve parfois des trésors en creusant dans son passé.
Il est également question d’identité parce que nous sommes constitués en partie du bagage génétique de nos parents et en partie de l’environnement d’où l’on vient. Même quand on cherche à quitter le milieu qui nous a forgé, il en restera toujours quelque chose. Il ne suffit parfois que de sarcler un petit peu.
Les acteurs sont justes, dans un registre réaliste, particulièrement Jean-Michel Déry dans le rôle du père célibataire qui n’arrive pas à garder une femme auprès de lui et Dominique Leclerc, qui donne une profondeur et une gravité à la jeune Lisa.
La scénographie de Silène Beauregard, cofondatrice de la compagnie, est épurée et fonctionnelle. Tout est dans les teintes de brun. Le mur du fond en contreplaqué s’harmonise avec le divan et les deux énormes haut-parleurs, qui évoquent les années 70.
Théâtre populaire ou théâtre du terroir, cette (pas si) jeune compagnie, qui revendique un théâtre folk, aurait avantage à proposer des histoires mieux ficelées, un drame, un vrai, si c’est cette ligne qu’elle veut adopter. Car, pour se tailler une place dans l’écologie du milieu théâtral québécois, le Noble Théâtre devra se démarquer de façon plus convaincante.
Texte et mise en scène de Benoît Desjardins. Une production du Noble Théâtre des trous de siffleux. Au Théâtre Prospero jusqu’au 2 avril 2016.
Le logo de la compagnie le Noble Théâtre des trous de siffleux, représentant un tracteur avec la roue avant prise dans un trou de marmotte (communément appelée siffleux), annonce sa vocation rurale. Si on pousse plus loin l’analyse de cette image, nous pouvons y voir la dure réalité des travailleurs de la terre ou de l’industrie forestière, prise avec une note d’humour.
En effet, cette compagnie de théâtre, établie à Mont-Laurier depuis 2001, dont on a pu voir Le Chant de Meu de Robin Aubert, poursuit sa recherche d’un théâtre folk. Afin de rejoindre le public régional, elle tente de parler sa langue et de traiter de sa réalité, mais pas nécessairement sur une note humoristique.
C’est le premier théâtre, à ma connaissance, à se donner l’appellation folk, qui signifie littéralement peuple et que l’on pourrait traduire par populaire. Un théâtre populaire ou un théâtre pour le peuple? S’il existe un genre musical qui se qualifie de folk, il n’y a rien de tel au théâtre. Il y eut, certes, dans les années 70, une vague de création collective fortement politisée, en filiation avec Bertolt Brecht, dans le but de changer le monde. Mais cette montée d’idéalisme a vite fait place à la désillusion et le Noble Théâtre ne s’inscrit aucunement dans cette ligne de théâtre engagé.
Avec cette pièce, le Noble Théâtre explore les thématiques rurales à travers trois personnages. Il y a d’abord Lisa, qui évoque un souvenir la ramenant 20 ans plus tôt, alors qu’elle n’a que sept ans: dans des circonstances étranges, son père, Kéven, s’est engagé à accompagner Betsy, une jeune chanteuse country, à un concours de musique à Pembroke (Ontario).
L’histoire est simple, complètement ancrée dans un imaginaire se rattachant à la ferme ou à la forêt. L’auteur et metteur en scène, Benoît Desjardins, a trouvé son alter ego dans cette fille énigmatique, Lisa, qui raconte avec tendresse et un certain détachement l’environnement rude dans lequel elle a grandi, mais qu’elle a quitté pour aller vivre à Ottawa. Un univers de trucks, de scies à chaîne, de road trip, de vêlage et de mise à mort du cochon.
Le titre de la pièce est tiré d’une histoire que Kéven aimait raconter à sa fille: des courants souterrains ramènent à la surface des champs, tous les printemps, au temps des labours, de nouvelles roches, des souches et même une meule. Métaphoriquement, les courants souterrains, ce sont les souvenirs, les émotions, les images, qui refont surface après des années. C’est une belle image qui pourrait être celle de l’artiste qui trouve parfois des trésors en creusant dans son passé.
Il est également question d’identité parce que nous sommes constitués en partie du bagage génétique de nos parents et en partie de l’environnement d’où l’on vient. Même quand on cherche à quitter le milieu qui nous a forgé, il en restera toujours quelque chose. Il ne suffit parfois que de sarcler un petit peu.
Les acteurs sont justes, dans un registre réaliste, particulièrement Jean-Michel Déry dans le rôle du père célibataire qui n’arrive pas à garder une femme auprès de lui et Dominique Leclerc, qui donne une profondeur et une gravité à la jeune Lisa.
La scénographie de Silène Beauregard, cofondatrice de la compagnie, est épurée et fonctionnelle. Tout est dans les teintes de brun. Le mur du fond en contreplaqué s’harmonise avec le divan et les deux énormes haut-parleurs, qui évoquent les années 70.
Théâtre populaire ou théâtre du terroir, cette (pas si) jeune compagnie, qui revendique un théâtre folk, aurait avantage à proposer des histoires mieux ficelées, un drame, un vrai, si c’est cette ligne qu’elle veut adopter. Car, pour se tailler une place dans l’écologie du milieu théâtral québécois, le Noble Théâtre devra se démarquer de façon plus convaincante.
Les Courants souterrains
Texte et mise en scène de Benoît Desjardins. Une production du Noble Théâtre des trous de siffleux. Au Théâtre Prospero jusqu’au 2 avril 2016.