On attend des mises en scène d’un grand texte du répertoire qu’elles jettent un nouvel éclairage sur certains aspects de l’œuvre, qu’elles nous le fassent redécouvrir sans le dénaturer. De celle de Qui a peur de Virginia Woolf ?, présentée ce mois-ci à la Bordée, on retient la profonde compassion, qui apparaît en fin de course, et quelques belles scènes malgré un départ clopinant.
La mise en scène d’Hugues Frenette est presque entièrement dévouée au jeu. Le drame est campé dans un décor réaliste représentant la pièce centrale de la maison de George et Martha où le brun et le cuir règnent. Les costumes évoquent les années 60 sans être complètement fidèles à l’époque et on se serait passé des effets sonores parachutés ça et là pour appuyer l’effet dramatique des répliques.
L’adaptation française de Jean Cau, souvent lue par les étudiants en études théâtrales, n’est pas aussi crue et explicite que celle de Michel Tremblay, choisie par la Bordée. George et Martha nous semblent plus près de nous, plus indécis, aussi, plus instables dans leurs désirs et émotifs dans leurs desseins.
La direction et le jeu des acteurs contribuent à cette aura de confusion qui est surtout présente dans le premier acte. On ne sent pas qu’une intention précise dirige chaque réplique. On sent plutôt les interprètes avancer à tâtons dans ce qui aurait pu être un intéressant mélange d’ironie, d’excitation, de rancœur et de cruauté.
Le jeu — des personnages et des comédiens — devient plus clair au deuxième acte, où la pièce prend réellement son élan. Martha, jouée avec aplomb et humanité par Lorraine Côté, y apparaît toute puissante, excitée par la double perspective de mettre en rogne son mari et d’assouvir ses bas instincts avec le jeune Nick, joué par un André Robillard gominé au look ancré dans les années 60.
Effarouché, puis exprimant franchement son malaise devant l’attitude de ses hôtes, acceptant d’être séduit tout en laissant monter une rage grandissante contre sa femme Honey, il semble se laisser porter au gré des scènes sans que son caractère acquière une certaine consistance. Élodie Grenier, en Honey, joue très bien la petite sotte enivrée par l’alcool, mais on reçoit sa peur dévorante de la maternité comme une sorte de caprice, jamais comme un véritable drame.
Normand Bissonnette, en Georges bourru et amer, ne semble d’abord savoir sur quel pied danser entre les attaques de sa femme, ses préoccupations coutumières et les deux invités qu’il s’est fait imposé. Sitôt qu’il décide de jouer le tout pour le tout pour débarrasser Martha de ses chimères maladives et destructrices, il prend toutefois plus d’aplomb, précise son discours, son débit et son ton et nous entraîne avec lui dans un dernier droit bien réussi. Le K.O. annoncé devient plutôt un acte de libération et de compassion et le couple nous offre une dernière image empreinte de tendresse qui agit comme un baume sur toutes les questions sombres soulevées pendant leurs échanges.
Reste que les quatre comédiens auraient pu aller encore plus loin, être plus incisifs et plus précis dans l’interprétation du texte d’Edward Albee.
Texte d’Edward Albee, traduit par Michel Tremblay. Mise en scène d’Hugues Frenette. Une production du Théâtre de la Bordée présentée du 12 avril au 7 mai.
On attend des mises en scène d’un grand texte du répertoire qu’elles jettent un nouvel éclairage sur certains aspects de l’œuvre, qu’elles nous le fassent redécouvrir sans le dénaturer. De celle de Qui a peur de Virginia Woolf ?, présentée ce mois-ci à la Bordée, on retient la profonde compassion, qui apparaît en fin de course, et quelques belles scènes malgré un départ clopinant.
La mise en scène d’Hugues Frenette est presque entièrement dévouée au jeu. Le drame est campé dans un décor réaliste représentant la pièce centrale de la maison de George et Martha où le brun et le cuir règnent. Les costumes évoquent les années 60 sans être complètement fidèles à l’époque et on se serait passé des effets sonores parachutés ça et là pour appuyer l’effet dramatique des répliques.
L’adaptation française de Jean Cau, souvent lue par les étudiants en études théâtrales, n’est pas aussi crue et explicite que celle de Michel Tremblay, choisie par la Bordée. George et Martha nous semblent plus près de nous, plus indécis, aussi, plus instables dans leurs désirs et émotifs dans leurs desseins.
La direction et le jeu des acteurs contribuent à cette aura de confusion qui est surtout présente dans le premier acte. On ne sent pas qu’une intention précise dirige chaque réplique. On sent plutôt les interprètes avancer à tâtons dans ce qui aurait pu être un intéressant mélange d’ironie, d’excitation, de rancœur et de cruauté.
Le jeu — des personnages et des comédiens — devient plus clair au deuxième acte, où la pièce prend réellement son élan. Martha, jouée avec aplomb et humanité par Lorraine Côté, y apparaît toute puissante, excitée par la double perspective de mettre en rogne son mari et d’assouvir ses bas instincts avec le jeune Nick, joué par un André Robillard gominé au look ancré dans les années 60.
Effarouché, puis exprimant franchement son malaise devant l’attitude de ses hôtes, acceptant d’être séduit tout en laissant monter une rage grandissante contre sa femme Honey, il semble se laisser porter au gré des scènes sans que son caractère acquière une certaine consistance. Élodie Grenier, en Honey, joue très bien la petite sotte enivrée par l’alcool, mais on reçoit sa peur dévorante de la maternité comme une sorte de caprice, jamais comme un véritable drame.
Normand Bissonnette, en Georges bourru et amer, ne semble d’abord savoir sur quel pied danser entre les attaques de sa femme, ses préoccupations coutumières et les deux invités qu’il s’est fait imposé. Sitôt qu’il décide de jouer le tout pour le tout pour débarrasser Martha de ses chimères maladives et destructrices, il prend toutefois plus d’aplomb, précise son discours, son débit et son ton et nous entraîne avec lui dans un dernier droit bien réussi. Le K.O. annoncé devient plutôt un acte de libération et de compassion et le couple nous offre une dernière image empreinte de tendresse qui agit comme un baume sur toutes les questions sombres soulevées pendant leurs échanges.
Reste que les quatre comédiens auraient pu aller encore plus loin, être plus incisifs et plus précis dans l’interprétation du texte d’Edward Albee.
Qui a peur de Virginia Woolf ?
Texte d’Edward Albee, traduit par Michel Tremblay. Mise en scène d’Hugues Frenette. Une production du Théâtre de la Bordée présentée du 12 avril au 7 mai.