On a beau lire les entrevues, le dossier de presse, le programme, il y a des propositions théâtrales qui nous déjouent. Gala, de Jérôme Bel, qui renaît avec une nouvelle distribution dans chaque ville où elle s’arrête, a cette qualité rare de rafraîchir notre conception de la représentation tout en étant comique, touchante et surprenante.
Le créateur français rassemble des interprètes professionnels et amateurs (ceux qui aiment) d’âges, de genres et d’ethnies différentes pour créer une distribution éclectique où chacun brille par sa singularité, mais aussi, nous le verrons, par son aptitude à se fondre dans le groupe de danseurs.
On voit d’abord défiler, sur le rideau fermé, les images de salles de spectacles, auditoriums, salles communautaires — voire de simple demi-cercle de chaises de plastique — pendant une longue introduction silencieuse. L’enchaînement longuet nous permet de réfléchir à notre idée du spectacle, inscrit dans l’histoire humaine, aux proportions, aux buts et aux niveaux de professionnalisme variés mais exerce aussi notre patience, ce qui nous permet d’accueillir l’entrée des interprètes avec grand intérêt.
Sur un panneau est indiqué « ballet », alors que défilent un à la fois les interprètes qui tentent ou réussissent à effectuer deux pirouettes, puis un grand jeté. Le défilement rappelle l’audition et la classe de ballet, et met en évidence l’habilité ou la maladresse (parfois un peu trop « jouée » des danseurs). On passera ensuite à la valse, puis au moon walk, où ceux qui ont le plus d’attitude suscitent des encouragements spontanés des spectateurs. Les présentations sont faites et on a l’impression de connaître un peu mieux les interprètes, qui défilent pour saluer et recevoir, un à un, les applaudissements du public conditionné.
L’exploration de la diversité des corps, des énergies et des habiletés n’est toutefois pas terminée. Après une improvisation de trois minutes, où les gestes de chacun s’entremêlent dans un intéressant entrelacs de styles, les interprètes, vêtus de vêtements les plus divers et les plus colorés, vont échanger et mélanger tous leurs morceaux de costumes en coulisses.
Un interprète s’avance alors pour effectuer une chorégraphie de sa spécialité. À Québec, danse indienne, danse avec cerceau, danse africaine et hybride de yoga, danse contemporaine, danse de combat et break dance se sont enchaînées, révélant des expertises surprenantes dont on n’aurait pu se douter pendant la première partie du spectacle.
Outre l’effet comique suscité par le contraste entre l’évidente maîtrise du leader et l’évidente maladresse du reste du groupe qui essaie de suivre ses mouvements, une véritable beauté émerge. Voir tous ces humains, fillette, vieillard, ado, transgenre, handicapée, femmes, hommes, déployer tous leurs efforts de concentration pour imiter le plus fidèlement possible l’énergie — virtuose ou non — dégagée par le leader du monde est simplement fascinant. On assistait à la naissance d’un chœur de danseurs bigarré et imparfait, sans complexe et complètement dévoué. Le mélange des vêtements incarnait soudain ce mélange d’énergie et de personnalités, cette fusion plurielle et respectueuse. L’ovation débout fut, pour une fois, spontanée et non conditionnée. Chapeau bas aux interprètes.
Conception de Jérôme Bel. Une production de R.B. Jérôme Bel, présentée au Carrefour international de théâtre de Québec le 31 mai et 1er juin, au Festival TransAmériques les 7 et 8 juin 2016.
On a beau lire les entrevues, le dossier de presse, le programme, il y a des propositions théâtrales qui nous déjouent. Gala, de Jérôme Bel, qui renaît avec une nouvelle distribution dans chaque ville où elle s’arrête, a cette qualité rare de rafraîchir notre conception de la représentation tout en étant comique, touchante et surprenante.
Le créateur français rassemble des interprètes professionnels et amateurs (ceux qui aiment) d’âges, de genres et d’ethnies différentes pour créer une distribution éclectique où chacun brille par sa singularité, mais aussi, nous le verrons, par son aptitude à se fondre dans le groupe de danseurs.
On voit d’abord défiler, sur le rideau fermé, les images de salles de spectacles, auditoriums, salles communautaires — voire de simple demi-cercle de chaises de plastique — pendant une longue introduction silencieuse. L’enchaînement longuet nous permet de réfléchir à notre idée du spectacle, inscrit dans l’histoire humaine, aux proportions, aux buts et aux niveaux de professionnalisme variés mais exerce aussi notre patience, ce qui nous permet d’accueillir l’entrée des interprètes avec grand intérêt.
Sur un panneau est indiqué « ballet », alors que défilent un à la fois les interprètes qui tentent ou réussissent à effectuer deux pirouettes, puis un grand jeté. Le défilement rappelle l’audition et la classe de ballet, et met en évidence l’habilité ou la maladresse (parfois un peu trop « jouée » des danseurs). On passera ensuite à la valse, puis au moon walk, où ceux qui ont le plus d’attitude suscitent des encouragements spontanés des spectateurs. Les présentations sont faites et on a l’impression de connaître un peu mieux les interprètes, qui défilent pour saluer et recevoir, un à un, les applaudissements du public conditionné.
L’exploration de la diversité des corps, des énergies et des habiletés n’est toutefois pas terminée. Après une improvisation de trois minutes, où les gestes de chacun s’entremêlent dans un intéressant entrelacs de styles, les interprètes, vêtus de vêtements les plus divers et les plus colorés, vont échanger et mélanger tous leurs morceaux de costumes en coulisses.
Un interprète s’avance alors pour effectuer une chorégraphie de sa spécialité. À Québec, danse indienne, danse avec cerceau, danse africaine et hybride de yoga, danse contemporaine, danse de combat et break dance se sont enchaînées, révélant des expertises surprenantes dont on n’aurait pu se douter pendant la première partie du spectacle.
Outre l’effet comique suscité par le contraste entre l’évidente maîtrise du leader et l’évidente maladresse du reste du groupe qui essaie de suivre ses mouvements, une véritable beauté émerge. Voir tous ces humains, fillette, vieillard, ado, transgenre, handicapée, femmes, hommes, déployer tous leurs efforts de concentration pour imiter le plus fidèlement possible l’énergie — virtuose ou non — dégagée par le leader du monde est simplement fascinant. On assistait à la naissance d’un chœur de danseurs bigarré et imparfait, sans complexe et complètement dévoué. Le mélange des vêtements incarnait soudain ce mélange d’énergie et de personnalités, cette fusion plurielle et respectueuse. L’ovation débout fut, pour une fois, spontanée et non conditionnée. Chapeau bas aux interprètes.
Gala
Conception de Jérôme Bel. Une production de R.B. Jérôme Bel, présentée au Carrefour international de théâtre de Québec le 31 mai et 1er juin, au Festival TransAmériques les 7 et 8 juin 2016.