Créée au Festival d’Avignon en 2015, où elle fut chaleureusement accueillie, la chorégraphie de Fabrice Lambert s’inspire du documentaire Into Eternity, de Michael Madsen, qui décrit un chantier d’enfouissement de déchets nucléaires à Onkalo, en Finlande.
Un chantier de la démesure, puisque ces déchets devront être enfouis pendant 100 000 ans avant de perdre leur radioactivité. Une durée de temps inimaginable pour l’être humain qui, décidément, se croit plus fort que la nature et s’autorise ainsi à la massacrer. Pour Fabrice Lambert, cette problématique rejoint le mythe de Prométhée qui, ayant dérobé le feu aux dieux pour le donner aux humains, sera condamné à un terrible supplice. En effet, on peut se poser la question: qu’avons-nous fait de ce pouvoir donné par le titan, qu’avons-nous fait de ce feu, à la fois vital et destructeur ?
Dans un éclairage blafard, des corps en fond de scène, au sol, se déploient lentement. Silhouettes noires sur fond gris, que l’on distingue à peine. Cet amas de corps roule sur le plateau, en un long serpent. Des formes émergent du magma, ondulantes. Les corps se détachent et tracent dans l’espace des signes cabalistiques, lentement se dressent, puis se recroquevillent, rampent jusqu’à ne former qu’un tout. Onkalo veut dire caverne, et les images surgissent de ces corps agglutinés pour survivre, aux confins des origines de l’humanité.
Puis, la lumière survient, latérale. Une ronde se forme, mouvante, fuyante. La musique saccadée hâche les gestes, la ronde se dissout. Une voix off, en anglais : « this is not a place to live in ». Les corps se tendent, se figent en postures, puis s’éclatent en solos débridés au cœur du groupe.
Danse incandescente, où les corps semblent brûler de l’intérieur, tirant des lignes d’une pureté parfaite. Quand la musique s’arrête, la danse s’accompagne du claquement des pieds sur le sol et de la respiration des dix danseurs, essoufflés, déhanchés, bras tendus et jambes fléchies. Pendant que leurs ombres s’étirent, se dessine dans l’espace le signe de l’infini. Quelques ronds de fumée, et tout finit : une bâche noire comme une terre incendiée recouvre la scène.
Danse de mort, hypnotique, abstraite. Qui se suffit à elle-même, suffisamment puissante pour que l’on oublie le discours qui l’accompagne. Un spectacle envoûtant, que l’on reçoit comme une ultime prière faite aux dieux… ou une supplique aux humains ?
Chorégraphie de Fabrice Lambert. Une production de L’expérience Harmaat. Présentée au FTA le 3 et 4 juin 2016.
Créée au Festival d’Avignon en 2015, où elle fut chaleureusement accueillie, la chorégraphie de Fabrice Lambert s’inspire du documentaire Into Eternity, de Michael Madsen, qui décrit un chantier d’enfouissement de déchets nucléaires à Onkalo, en Finlande.
Un chantier de la démesure, puisque ces déchets devront être enfouis pendant 100 000 ans avant de perdre leur radioactivité. Une durée de temps inimaginable pour l’être humain qui, décidément, se croit plus fort que la nature et s’autorise ainsi à la massacrer. Pour Fabrice Lambert, cette problématique rejoint le mythe de Prométhée qui, ayant dérobé le feu aux dieux pour le donner aux humains, sera condamné à un terrible supplice. En effet, on peut se poser la question: qu’avons-nous fait de ce pouvoir donné par le titan, qu’avons-nous fait de ce feu, à la fois vital et destructeur ?
Dans un éclairage blafard, des corps en fond de scène, au sol, se déploient lentement. Silhouettes noires sur fond gris, que l’on distingue à peine. Cet amas de corps roule sur le plateau, en un long serpent. Des formes émergent du magma, ondulantes. Les corps se détachent et tracent dans l’espace des signes cabalistiques, lentement se dressent, puis se recroquevillent, rampent jusqu’à ne former qu’un tout. Onkalo veut dire caverne, et les images surgissent de ces corps agglutinés pour survivre, aux confins des origines de l’humanité.
Puis, la lumière survient, latérale. Une ronde se forme, mouvante, fuyante. La musique saccadée hâche les gestes, la ronde se dissout. Une voix off, en anglais : « this is not a place to live in ». Les corps se tendent, se figent en postures, puis s’éclatent en solos débridés au cœur du groupe.
Danse incandescente, où les corps semblent brûler de l’intérieur, tirant des lignes d’une pureté parfaite. Quand la musique s’arrête, la danse s’accompagne du claquement des pieds sur le sol et de la respiration des dix danseurs, essoufflés, déhanchés, bras tendus et jambes fléchies. Pendant que leurs ombres s’étirent, se dessine dans l’espace le signe de l’infini. Quelques ronds de fumée, et tout finit : une bâche noire comme une terre incendiée recouvre la scène.
Danse de mort, hypnotique, abstraite. Qui se suffit à elle-même, suffisamment puissante pour que l’on oublie le discours qui l’accompagne. Un spectacle envoûtant, que l’on reçoit comme une ultime prière faite aux dieux… ou une supplique aux humains ?
Jamais assez
Chorégraphie de Fabrice Lambert. Une production de L’expérience Harmaat. Présentée au FTA le 3 et 4 juin 2016.