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La griffe chinoise dans l’univers pop de Claudia Chan Tak

Fruit de la rencontre entre Claudia Chan Tak, Gabriel Dharmoo et Florence Blain Mbaye, Jaune/Brun (pâle) propose trois récits de la diversité culturelle québécoise. Autour des thèmes du métissage et de la quête identitaire, les artistes de descendance chinoise, indienne et africaine mêlent leurs couleurs et leurs langages artistiques pour tisser un trio multidisciplinaire et multiethnique.

Claudia Chan Tak est née et a grandi à Québec, loin de ses racines chinoises et malgaches. Diplômée en arts cybernétiques et en danse contemporaine, la chorégraphe émergente est une habituée de la Zone Homa (Tout nu tout cruNeurula). Auteure de l’exposition Hydra présentée cette année au Festival TransAmériques, elle use habituellement de ses talents pluridisciplinaires pour insuffler vie à des archives de danse tout en épousant la forme du documentaire et de l’autobiographie dans son approche de la création.

C’est d’ailleurs en assistant au faux documentaire satirique Anthropologie imaginaire (Zone Homa 2014) du chanteur et musicien Gabriel Dharmoo que lui est venue l’envie de collaborer sur un projet commun à la croisée de trois disciplines. Pour le volet danse de cet hymne à la mixité culturelle, la jeune chorégraphe aborde les symboles, traditions et clichés liés à la culture chinoise, loin de laquelle elle s’est construite et sur laquelle elle avoue poser un regard extérieur et lointain. L’enjeu dans ce récit de soi est de composer avec les interférences de l’imaginaire, des fantasmes et de l’exotisme d’une société occidentale dans laquelle elle a toujours baigné.

Bye Bye Kitty!

Dans sa partie solo, c’est avec un second degré et une façon volontairement naïve qu’elle aborde sa quête identitaire. Elle se munit alors d’une panoplie d’accessoires, se glisse dans des costumes kitsch, incarne le personnage «kawaii» populaire, Hello Kitty. Ce faisant, elle témoigne des raccourcis faciles, de la fragilité des symboles et du piège des amalgames dans la culture pop qui, malgré tout, continue de la fasciner et dont elle aime détourner les images sur scène.

«Pour Jaune/Brun (pâle), je suis partie de ma relation d’amour-haine avec Hello Kitty. Ça a été un vrai choc pour moi quand j’ai découvert très récemment que cette marque était en fait japonaise. Toute mon enfance, je m’étais attachée à cette effigie que je croyais chinoise. J’en étais tellement fière que j’en collectionnais les figurines et les accessoires. Alors que je pensais me rapprocher de mes racines, j’étais en fait complètement à côté de la plaque!» raconte-t-elle.

«J’essaie de mettre en scène cette passion, peut être trop intense, que j’éprouve pour la Chine, alors que c’est une culture qui reste encore insaisissable pour moi», explique Chan Tak. «Ma famille a fait sa propre sélection dans sa transmission des traditions chinoises. Il est intéressant de voir comment l’identité se forge à partir de ce qu’on choisit de retenir de nos ancêtres. Mais, c’est aussi à travers la culture pop que je me suis attachée à mes origines asiatiques: les films de Kung-Fu, l’image de la femme-ninja, de la femme-chat, les costumes traditionnels.»

Avec humour et décalage, l’œuvre s’inscrit dans une démarche plus vaste qu’elle continue d’approfondir au fil de ses créations. «La quête d’identité est au cœur de mes recherches sur l’intégration des archives familiales à la scène et sur la forme documentaire que je traite à travers le média de la danse», affirme-t-elle. Un défi qui sollicite ses talents en arts visuels et l’amène à chercher des manières inédites d’intégrer l’écran et les nouvelles technologies à ses compositions chorégraphiques.

À des fins documentaires, elle s’apprête à voyager pour la première fois en Chine à la recherche des traces laissées et des lieux habités par ses grands-parents avant leur départ définitif de leur terre natale. La jeune chorégraphe anticipe déjà le choc culturel et envisage de tirer de cette expérience déroutante un projet solo qu’elle présentera au MAI à la rentrée prochaine.

Jaune/Brun (pâle)

Créateurs et interprètes: Claudia Chan Tak, Gabriel Dharmoo et Florence Blain Mbaye. À la Maison de la culture Maisonneuve, à l’occasion de la Zone Homa, le 19 août 2016.

Mélanie Carpentier

À propos de

Journaliste spécialisée en danse pour Le Devoir et enseignante de français langue seconde, elle a été membre de la rédaction de JEU de 2017 à 2018.